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Iran : Moussavi divise les Verts
02.01.2010

Depuis 6 mois, nous ne cessons d’expliquer que le Mouvement Vert se dit pleinement pro-régime voire le vrai héritier de Khomeiny en lutte pour une république islamique pure et dure, mais aussi hostile à tout apaisement avec l’Occident. Malgré ces mises en garde, il y a 5 jours, en visionnant les vidéos qui nous parvenaient de l’Iran, de nombreux médias ont crié à une révolution anti-régime menée par le Mouvement Vert. Pour clore ce sujet qui n’a jamais été dans les objectifs de Téhéran, le chef présumé du Mouvement Vert Moussavi a publié un plan en 5 points pour sortir de la crise où tout tourne autour de la « sauvegarde de l’Islam et du régime pour résister au dictat des étrangers ! »



Genèse du Mouvement Vert, front du refus de tout compromis | Il y a des mois, les Américains, qui ont besoin de l’Iran pour accéder à l’Asie Centrale et des mollahs pour contrôler les forces intégristes de cette région afin de les retourner contre la Chine, ont constaté qu’ils ne pouvaient plus sanctionner les mollahs pour les forcer à accepter une alliance. Les sanctions avaient trop affaibli les mollahs, ils risquaient de s’effondrer, emportant au diable les rêves américains de la déstabilisation de la Chine via ses musulmans. Il n’était plus question de geler l’adoption de nouvelles sanctions, mais de geler les sanctions déjà en place. Washington a eu plusieurs idées lumineuses dont la première était de proposer l’ouverture des négociations sans aucune condition préalable (sur tous sujets qui séparent les deux pays), sous-entendu un gel de toutes les sanctions pendant les négociations (pour arriver à une entente sur tous sujets qui séparent les deux pays). Ce genre de négociations étant très longues, on s’acheminait vers une longue pause dans les sanctions. Mais Téhéran a refusé en exigeant la levée de toutes les sanctions. En fait, le refus résultait de l’un des sujets qui sépare les deux pays : le besoin de plus de démocratie. En cas d’entente, Téhéran devrait organiser des élections plus démocratiques (ouvertes à tous les Iraniens), ce qui permettrait à des candidats officiellement islamistes mais proches des Etats-Unis d’être élus face aux très impopulaires mollahs pour prendre le pouvoir de l’intérieur.

Ce refus a mis Washington dans l’embarras car il devait alors sanctionner Téhéran alors qu’il ne le pouvait pas. Il a alors eu une seconde idée lumineuse : il a proposé aux mollahs d’échanger leur stock d’uranium enrichi contre du combustible nucléaire franco-russe. En d’autres termes, il leur permettait d’éliminer volontairement l’uranium que l’on soupçonne destiné à un usage militaire contre Israël ou les intérêts Américains tout en gagnant du combustible en échange et aussi l’estime du monde entier. Accessoirement, cela rendait les mollahs fréquentables permettant à l’Amérique de signer une entente. L’intérêt de l’offre était que Téhéran ne pouvait pas refuser car sinon il admettait qu’il avait un programme nucléaire hostile.

Dans le mois qui a suivi cette offre empoisonnée, Téhéran a eu l’idée de façonner un mouvement populaire musulman et révolutionnaire hostile à toutes négociations ou ententes pour pouvoir se dire obligé de refuser l’offre américaine par le respect de la volonté souveraine du peuple iranien. Sachant que l’Amérique n’allait pas reconnaître ce mouvement comme son interlocuteur en Iran, le régime a eu l’idée d’une révolution de couleur sur le modèle de celles qui avaient été organisées par les Américains eux-mêmes en Ukraine ou en Géorgie.

La révolution verte | On a alors vu défiler dans les rues de Téhéran une dizaine de milliers de jeunes habillés en vert qui demandaient la victoire de Moussavi, le candidat qui avait participé à l’élection « pour sauver les idéaux de la révolution islamique mise en danger par un homme sans passé révolutionnaire et prêt à accepter les pires compromis en bradant les droits légitimes du peuple iranien » (c-à-d l’enrichissement nucléaire) !

Le « peuple » défendait ainsi son droit à l’enrichissement. Mais l’objet étant de piéger Obama, on ne parlait guère du profil de Moussavi, mais des « aspirations démocratiques du Mouvement Vert ». D’ailleurs, Moussavi ne s’affichait pas comme le chef de ce mouvement, mais le « choix de ce mouvement sans chef ! »

La nuance était intéressante car au cas où Obama aurait soutenu cette contestation des résultats électoraux, il se serait retrouvé avec deux obstacles hostiles à l’apaisement : Moussavi, le gardien des valeurs de 1979, et le Mouvement Vert sans chef et insaisissable, parfait piège à c… !

Dérapages | Ceci devait être un piège parfait, mais on ne piège pas les piégeurs expérimentés ! Washington n’a pas cautionné le Mouvement Vert ou encore ses leaders islamistes au discours délibérément flou pour paraître sympathiques. Téhéran a dû corser ses mises en scènes en simulant un vrai carnage. Washington est resté silencieux, mais les Iraniens se sont soulevés. Washington jusque-là silencieux est entré en scène via ses médias qui ont commencé à diffuser les images produites par Téhéran pour piéger Obama. Il a retourné le piège contre les piégeurs barbus. Téhéran s’est ainsi retrouvé avec deux invités indésirables dans son scénario parfait qui volait la vedette à ses acteurs ! Le principal acteur du scénario, Moussavi, a alors écrit une lettre ouverte au Guide lui demandant de tuer ces voyous contre-révolutionnaires.

Le régime a donc maté le soulèvement, mais s’est retrouvé avec le boycott des Verts et Moussavi. Il a alors caché Moussavi et changé les slogans pour attirer la foule dans la rue. Il y a réussi une fois cet été, mais les gens ont constaté que le régime avait collé des slogans pré-enregistrés sur leurs rassemblements pour leur donner une couleur Moussaviste ou verte. Le boycott populaire s’est radicalisé. Ceci a contraint le régime à privilégier la production cinématographique des scènes d’émeutes par ses propres troupes pour simuler une agitation.

Les choses se sont corsées quand en septembre 2009 Washington a officialisé l’offre jusqu’à alors confidentielle en fixant la fin 2009 comme date limite pour y répondre. L’agitation médiatique a gagné le scénario de la révolution verte : on a entendu parler de Peuple Vert prêt à en découdre avec le pouvoir, puis dernièrement de l’armée Verte ! 4 jours avant la date de péremption du scénario, Téhéran a donné le maximum avec la manifestation du 27 décembre suite à laquelle le régime a lui-même reconnu avoir tué pour forcer Obama à prendre officiellement la défense du Mouvement Vert. Mais encore une fois, personne n’a parlé officiellement en faveur du Mouvement Vert, mais tous les Etats alliés des Etats-Unis ont condamné ces morts reconnus par l’Etat ! Téhéran s’est retrouvé dans la même situation qu’en juin dernier avec des invités qui squattaient son super scénario parfait !

Cette fois, il n’y avait plus le peuple (qui boycotte ce cinéma) mais les Etats-Unis, l’Europe, leurs médias et aussi un opposant en exil, très populaire en Iran, qui a cherché à revendiquer la direction de ce Mouvement Vert officiellement sans chef !

Comme en juin, le régime a dit stop ! Ceci a été signifié le 1ier janvier 2010 aux médias du monde entier sous la forme d’une lettre ouverte de Moussavi parue sur tous les sites du Mouvement Vert. La note est salée : on coupe tous les liens avec les spéculations de changement de régime utilisées par les Occidentaux pour malmener le régime. C’est pourquoi son contenu a été largement remanié par les médias occidentaux.

Moussavi y revendique la direction du Mouvement Vert (censuré). Il y déclare le Mouvement et lui-même parés d’une « identité d’abord islamique » (censuré) « puis iranienne » (l’AFP a inversé l’ordre). Il affirme qu’il est « injuste de les attacher à un parti de Satan (Hezb ol Sheytan), opposé au parti de Dieu (Hezbollah) ». Ceci a été transformé en « il n’y a pas un Iran de Satan et un Iran de Dieu » pour effacer l’attachement affirmé au Hezbollah (déjà présent dans son programme électoral). Dans cette lettre terrible, Moussavi se dit prêt à « mourir pour l’Islam » (censuré : cela devient « je mourrai pour les réformes »). Il y déclare « le Mouvement Vert et lui-même fidèles à la constitution de la révolution islamique » c-à-d hostile à un changement du régime - censuré), « respectueux de du fondateur du régime » (censuré) et donc « attachés à l’indépendance du pays » (c’est-à-dire hostile à tout apaisement avec l’Occident- censuré). Et enfin, il y déclare le Mouvement et lui-même comme les « partisans exaltés des libertés inspirées par l’Islam de Hossein » (l’imam chiite mort l’épée à la main dans un Jihad). Evidement censuré.

Après cette profession de foi (supprimée), il sermonne Ahmadinejad accusé « d’affaiblir le régime par son comportement violent, ce qui le met en position d’être sanctionné et contraint de céder des concessions spoliant les droits légitimes du peuple iranien » (passage également supprimé).

En fait, quand on a supprimé toute la partie identitaire fidèle à la révolution islamique, il a fallu inventer « je mourrais pour les réformes » afin de pouvoir lancer la suite, c’est-à-dire le « plan en 5 points de Moussavi ». Mais là encore, il y a du remaniement. Ce qui est un plan pour éviter des concessions nucléaires devient un plan de sortie de crise. De plus on oublie de préciser que selon Moussavi, Ahmadinejad est « libre de mettre en oeuvre ce programme selon ses convenances car pour éclaircir les eaux des rivières en crue, il faut agir par petites touches, en ajoutant de petits filets d’eau propre ! » On voit qu’il a bien choisi sa métaphore quand on lit la liste des 5 revendications révolutionnaires de Moussavi, liste également délestée de ces éléments trop négatifs.

1er point | Le gouvernement de Ahmadinejad doit accepter d’être responsable de ses actes devant le Parlement, le pouvoir judiciaire et la nation, sans plus avoir l’appui inconditionnel des plus hautes autorités.

Le texte n’a pas été remanié car on n’a rien vu de suspect dedans : ce n’est pas une revendication, mais ce qui existe déjà dans la constitution à laquelle Moussavi a fait allégeance dans sa très longue et répétitive introduction très islamiste. Or, rien ne va dans ce 1er point car Moussavi vient de reconnaître la légitimité électorale d’Ahmadinejad !

2nd point | On doit adopter une loi électorale qui garantirait la compétition claire, libre et équitable entre les candidats afin de restaurer la confiance des électeurs. Cette loi doit garantir la participation de tous les Iraniens quelles que soient leurs idées et empêcher les interventions des dirigeants. Les modèles à suivre sont les élections du début de la révolution islamique !

Cette dernière phrase a évidemment disparu des traductions car on a imaginé le pire. En fait, il pourrait s’agir d’une demande de suppression de la surveillance du Conseil des Gardiens sur la conformité islamique des candidatures : c’est ce que veut Washington pour introduire ses pions. C’est une manière d’entraîner les Américains à défendre Moussavi. Mais le texte est trop flou et laisse beaucoup de libertés à son auteur pour nier cette proposition qui est en contradiction avec la constitution à laquelle Moussavi a fait allégeance dans sa très longue et répétitive introduction très islamiste.

3ème point | La libération des prisonniers politiques et leur réhabilitation car cela renforcera le régime.

Il faut préciser qu’il ne s’agit pas des gens arrêtés lors du soulèvement ou condamnés à mort à cette occasion, mais des faux opposants, ceux du régime  [1] que l’on a arrêtés pour donner corps au scénario de la révolution verte.

4ème point | La liberté de la presse et la réouverture des journaux fermés (selon la traduction occientale).

Les médias occidentaux ont abrégé ce point qui fait 6 lignes dans la version iranienne à une demi ligne car son contenu est loin d’être banal. Moussavi affirme que « le parasitage des chaînes étrangères et la restriction de l’Internet ne sont pas suffisants », il faut en parallèle renforcer une offre nationale créative (qui doit bien sûr avant tout être islamique et révolutionnaire).

5ème point | Il faut reconnaître le droit du rassemblement des citoyens conformément l’article 27 de la Constitution. C’est une première mesure capable de promouvoir une atmosphère d’amitié nationale au lieu de la confrontation avec les milices.

La traduction affirme que l’article 27 accorde le droit de manifester, mais elle oublie de préciser la nuance : Selon cette loi, les réunions publiques et les marches sont autorisées si on ne porte pas d’armes et « ne fait rien de nuisibles aux principes fondamentaux d’Islam ».

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Décodages | En fait, il y a un programme en 5 points, mais il est vide en termes de propositions dignes d’un mouvement d’opposition puisque l’on y parle même de reconnaître la légitimité d’Ahmadinejad ou de renforcer la censure ! Mais attention, le choix des points n’est pas dû à un manque d’imagination, bien au contraire.

Les mollahs nous préparent une bataille entre les Verts fidèles à Moussavi et les Verts qui tout en étant pour le régime n’accepteront pas la réconciliation contenue dans le 1er point ou l’allégeance à l’Amérique contenue dans le 2nd point. Téhéran a en fait rattaché le Mouvement à la révolution pour en finir avec les tentatives d’OPA tout en divisant le Mouvement en 2 ou en 3, pour apporter une explication plausible à l’absence de capacité de mobilisation du Mouvement Vert. Par ailleurs, le régime garde ainsi en vie un ou deux Moignons Verts pour rattacher à la mouvance islamique révolutionnaire toute future action politique populaire hostile au régime. Et s’il y a un nouveau soulèvement, Moussavi remettra en cause ses 5 points pour récupérer cette action.

Nous laissons aux Occidentaux en particulier les Américains le soin de juger les possibilités d’entente avec un régime aussi tricheur. Mais puisqu’ils ne réagissent qu’en se voilant la face avec une censure puérile, il nous faut agir à notre niveau.

En conséquences, il faut traduire et diffuser ce texte. Nous comptons également sur tous nos lecteurs et sympathisants qui espèrent un Iran libre pour agir au côté du peuple iranien pour démasquer ces faux jetons du Moignon Vert en menant des enquêtes personnelles sur FaceBook et Twitter chez les Verts non Moussavistes afin de savoir si ces derniers sont ou pas pour le renversement du régime dans sa totalité. Si la réponse est floue, il faut les dénoncer énergiquement, les éliminer, afin de libérer les Iraniens qui sont réduits au boycott pour éviter toute récupération de leur révolte.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Pour en savoir + :
- Iran : L’histoire secrète du Mouvement Vert
- (30 DÉCEMBRE 2009)

Ce qui pourrait arriver :
- Iran : La peur de l’embargo a fait bouger les mollahs
- (26 DÉCEMBRE 2009)

Les rêves américains :
- Iran : Obama va atteindre le seuil de l’absurdité
- (22 SEPTEMBR)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |

| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement (pour une entente) |

[1Les des prisonniers politiques selon Moussavi ! |Les personnes soi-disant arrêtées que le régime veut élever au rang de héros de la démocratie sont :
le sinistre Behzad Nabavi, ancien négociateur des preneurs d’otages de l’ambassade américaine, l’un des initiateurs des Comités, ces simili commissariats de la milice qui furent chargées de la répression au lendemain de la révolution, co-fondateur avec son ami Hajjarian des services secrets du régime sous le mandat de 1er ministre de Moussavi et enfin grand patron occulte du gaz iranien !
Mohsen Safaï-Farahani, ami de Behzad Nabavi et proche de Sazgara le fondateur des Pasdaran, associé avec Sazgara dans la construction immobilière, ministre de l’énergie sous Rafsandjani et l’un des patrons ripoux du foot iranien depuis 1997 (très mal noté par la Fifa).
Mohsen Mirdamadi, étudiant de la ligne d’IMAM (Khomeiny), ancien preneur d’otages de l’ambassade américaine, actuel 1er secrétaire du principal parti réformateur !
Mostapha Tadjzadeh, ex responsable du bureau politique du ministère de l’Intérieur en charge aux élections et également époux de la nièce du mollah Mohtashami le fondateur du Hezbollah,
Abdollah Ramezanzadeh, également issu du ministère de l’intérieur du régime, il est passé sous Khatami au ministère des affaires étrangères qui dépend des services secrets !
Mohsen Aminzadeh, complice de Khatami au ministère de la culture et conduite islamique (ministère de la censure),
ainsi que Saïd Shariati, Zohreh Aghajari, et les « journalistes » Taghi Rahmani, Hoda Saber, Reza Alijani, le bassidji Ahmad Zeydabadi et Kayvan Samimi.