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Afghanistan : L’Iran envoie Larijani sonder les Américains
19.03.2009

Longtemps Téhéran a maintenu le suspens sur sa participation à la prochaine conférence internationale sur l’Afghanistan. Après avoir évoqué sa prédisposition à étudier les arguments américains qui justifieraient sa présence, par l’intermédiaire d’Ali Larijani, le président de l’Assemblée, il vient d’évoquer de sérieuses réticences en raison de certaines politiques très décevantes des Américains en Afghanistan. C’est une nouvelle approche plus ouvertement anti-américaine qui mérite une analyse détaillée.



Le contexte | Après son élection, Obama a tendu la main aux mollahs en raison d’une nécessité impérieuse déjà en vigueur sous Bush. Les Etats-Unis doivent nécessairement parvenir à transformer les mollahs en alliés soumis pour désenclaver l’Asie Centrale et soustraire ses pays riches en hydrocarbures de l’emprise de leurs puissantes voisines, la Russie et la Chine. Ce changement sera un Jack pot géostratégique, militaire et économique (cliquez sur les cartes pour agrandir).

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Conquête de l’Asie centrale


Jack pot | Tout d’abord, Washington se paiera le luxe de disposer de nouvelles bases militaires hautement stratégiques pour encercler ses adversaires, la Russie et la Chine. Ensuite, de facto, il priverait la Russie du gaz de l’Asie Centrale de la Caspienne qu’elle achète à bas prix pour revendre à 4 fois plus cher, ce qui ruinera la Russie et anéantira ses projets de renouvellement de son arsenal. Parallèlement, Washington prendra le contrôle de la majorité des pays fournisseurs d’hydrocarbures à la Chine. Mais ce n’est pas tout, en soumettant Téhéran, Washington pourra également utiliser les Pasdaran pour inciter via ses bases en Asie Centrale, les musulmans chinois de la région minière de Xinjiang [1] à se révolter contre le pouvoir central chinois. La soumission des mollahs lui permettra également de prendre le contrôle du Hamas et du Hezbollah, milices qui peuvent l’aider à renverser l’ordre établi au Moyen-Orient afin de remodeler la région et exploser de l’intérieur son autre adversaire, l’OPEP, manœuvre indispensable pour un contrôle total des prix du pétrole. Ce Jackpot à tous les niveaux repose sur un élément : soumettre rapidement les mollahs.

Ce projet ne convient pas aux mollahs, car ils perdraient leur mainmise totale sur les richesses iraniennes et aussi leur capacité de nuisance à l’encontre d’Israël, une nuisibilité qui est leur police d’assurance. Pour l’obtenir, ils doivent fuir tout ce qui est compromis ou dialogue et au contraire multiplier les provocations.

La conférence | Pour mettre fin à cette fuite et attirer les officiels iraniens à la table des négociations, Washington a eu l’idée ingénieuse de prétexter l’opportunité de leur présence à une conférence internationale sur la sécurité de l’Afghanistan, en l’honneur de l’attachement des mollahs à la stabilité régionale !

Conscients qu’à l’issue de cette négociation, ils devront cesser leurs provocations pour accepter des compromis, les mollahs ont cherché des prétextes plausibles pour ne pas y aller.

L’invitation | Ils ont d’abord exigé une invitation officielle de Washington, prétexte ambitieux qui cherchait au passage à inverser les rôles et faire reconnaître l’Iran non pas dans le rôle d’allié soumis mais d’un partenaire indispensable. Pour ne pas émettre cette invitation incompatible avec ses objectifs, Washington a évoqué une invitation par le pays hôte de la Conférence, la Hollande, ou encore des invitations des pays concernés par la guerre en Afghanistan comme le Pakistan et bien sûr l’Afghanistan ! Aucun n’a réussi à convaincre les mollahs. Washington a alors tenté une médiation turque avec à la clef un important contrat gazier, Téhéran a encore refusé car l’enjeu est l’avenir du régime.

Washington a riposté par des sanctions : il a incité ses alliés arabes à isoler l’Iran, il a lui-même renouvelé pour un an les sanctions pétrolières contre l’Iran et laissé entendre indirectement qu’il pourrait revenir à des menaces de frappes militaires contre l’Iran.

Réticences | A ce moment-là, l’Iran était encore sur son argument d’une invitation officielle. Pour insister sur cette demande, il a mis au point un plan : il a annoncé « son accord pour participer à la conférence sur l’Afghanistan », mais pas à celle qui suscite les médiations américaines, mais à une autre « conférence prévue en marge du sommet du G8 en Italie ». Il a précisé que cet accord était « une réponse à l’invitation officielle de l’Italie », actuel président des G8. Mais la diffusion de la nouvelle (à message subliminal) a été ratée et la partie explicative supprimée par mégarde dans la transcription de ses agences de presse, ce qui a provoqué une marche arrière et un lamentable démenti.

Cette mésaventure a révélé que ce choix ambitieux était fondamentalement mauvais car trop imprécis quand aux objectifs finaux du régime. Il y avait une volonté d’exploit qui avait pris le pas sur la recherche de prétextes. Téhéran s’est focalisé sur cette recherche et a découvert un prétexte parfait qui pourrait même l’aider à obtenir l’invitation qu’il attend. Ce prétexte a été exposé à la presse par Ali Larijani.

Nouvelle approche | Ali Larijani, le président du Parlement islamique a critiqué l’éventualité soulevée par le président américain d’engager des discussions avec des talibans. Selon Larijani, les talibans sont terroristes et cette politique de manipulations des critères révèle un sérieux manque de maturité incompatible avec le souci de la stabilité de la région. Il l’a aussi qualifiée de « décevante » car elle va « à l’encontre des intérêts du peuple afghan ». Soucieux de ce qui est équitable pour les Afghans et la région, il a fait part des réticences du régime à s’engager aux côtés des Etats-Unis « sur cette voie erronée ». Il a cependant ajouté que le régime avait « besoin de plus de temps pour examiner le comportement » des Américains, ce qui laisse une possibilité de revirement à une date à la convenance de Téhéran.

Dans cette déclaration, le contenu est important, mais également, le nom et le rang de son auteur. Larijani est le porte-parole de l’Assemblée, il parle donc comme la voix du peuple, une voix que le gouvernement pourrait écouter. Mais Larijani est également un membre permanent du Conseil du Discernement l’Intérêt du Régime (CDIR), la véritable assemblée qui décide de toutes les affaires de l’Etat. Il est cependant tombé en disgrâce après sa tentative manquée de coup d’Etat rampant contre le clan de Rafsandjani, l’actuel patron du régime. Depuis cette disgrâce, il est devenu la tête de turc de Rafsandjani qui l’utilise comme le porte-parole forcé de tous les messages désagréables du régime. Son implication évoque les doutes du régime quant à l’efficacité de la nouvelle approche sur l’Afghanistan. Téhéran sonde l’adversaire américain, avant d’officialiser sa position.

Sondage | Si au lieu d’évoquer les Talibans, Washington invitait officiellement Téhéran, le régime participerait à la conférence, sinon, un officiel du gouvernement utiliserait le prétexte de ce dialogue américain avec les Talibans pour éviter la conférence et le face à face avec les Américains.


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| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Ali Larijani |

| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Afghanistan |

[1La région autonome de Xinjiang représente 24 milliards de tonnes de pétrole, 11,000 milliards de mètres cubes de gaz, dix millions de tonnes de cuivre, 2190 milliards de tonnes de charbon et 14 milliards de tonnes de sel... Il y a aussi d’abondantes réserves d’or, de chrome, de cuivre, de nickel et de métaux rares... La région recèle également d’importantes ressources agricoles...
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Chine |