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Iran : Le régime doit sacrifier Khamenei
11.07.2009

Actuellement, on parle beaucoup de Khamenei, le guide suprême, comme étant le protecteur qui aurait aidé Ahmadinejad à prendre le pouvoir illégalement, comme si le régime des mollahs était une véritable démocratie. On entend aussi des faux opposants basés en Occident qui organisent des manifestations pro-Moussavi pour la soi-disant révolution verte et crient « à bas Khamenei » ! Mais personne ne crie « à bas la république islamique » ou « à bas la fonction du guide » : rien de plus normal, nous assistons et parfois participons à notre insu à un projet qui entend métamorphoser le régime pour lui permettre de survivre aux turbulences à venir.



Slogans suspects | Si l’on assiste aux manifestations de la révolution verte organisée ces jours-ci à Paris par le cinéaste Mohsen Makhmalbaf, auteur d’un assassinat islamiste sous le régime du chah et révolutionnaire islamiste des premières heures, on entend cirer « Mort à Khamenei », le n°1 officiel du régime, le garant officiel du caractère religieux du régime et aussi on entend « Mort à Ahmadinejad », le président de la république islamique. On pourrait donc très naïvement penser qu’en visant les deux n°1, les auteurs des slogans et les organisateurs visent le régime tout entier.

CDIR | Rien n’est moins vrai car Ahmadinejad n’est pas l’équivalent du président de la république en France ou aux Etats-Unis et Khamenei est loin d’être le n°1 du régime. Celui qui détient tous les pouvoirs est le président à vie du Conseil du Discernement de l’Intérêt du Régime (de la tutelle du Guide Suprême) , Rafsandjani qui aux commandes de cet organisme créé pour lui par Khomeiny (son demi-frère) décide de l’ensemble des grandes orientations de la république islamique dans tous les domaines.

Le CDIR comprend tous les membres fondateurs du régime comme le soi-disant modéré Moussavi ou encore Jannati, le mollah chargé de valider les candidats aux diverses élections de cette soi-disant république. Tout se décide là au CDIR : qui peut être candidat et qui sera déclaré vainqueur.

Le reste est un décor politiquement correct où un président, des ministres et des parlementaires jouent à la république et donnent une enveloppe populaire et démocratique à des décisions prises de manière collégiale par Rafsandjani et ceux qui en 1988 ont été jugés dignes de faire partie de son club de décideurs discrets et inamovibles.

Khamenei et le CDIR | Une précision de taille est nécessaire : Khamenei, le n°1 officiel du régime, celui que l’on insulte dans les rues ne fait pas partie du CDIR ! Il n’était pas au départ et n’a jamais été intégré alors que d’autres (mollahs, Pasdaran et bassidjis) l’ont été au fil des ans. Le dernier arrivé est le milicien Firouzabadi, ex-commandant du bassidj, actuel chef d’État-Major de l’ensemble des forces armées du régime. Au point que pour avoir un pied dans ce club, Khamenei a eu recours à un mariage entre son fils cadet le mollah Mojtaba et la fille de Gh.-A. Haddad-Adel, l’idéologue islamiste qui est un des membres permanents du CDIR. Le mariage est d’ailleurs un outil politique très prisé du régime.

Parmi les autres grands absents, on peut citer Khatami, le gentil officiel du régime et l’actuel président, Ahmadinejad, qui peut néanmoins assister à certaines réunions si elles concernent le président ! C’est-à-dire quand on doit lui transmettre les directives du CDIR.

En criant à bas l’un ou l’autre, on ne remet donc pas en cause le centre des décisions du régime, mais deux employés sans pouvoir qui sont érigés au rang de méchants boucs émissaires par 4 rivaux politiques (Rafsandjani, Moussavi, Rezaï et Karroubi) qui sont -par le plus grand des hasards- tous membres à vie du CDIR.

En fait en criant à bas Khamenei, loin d’abattre le régime, on va lui donner les moyens de se renforcer car en septembre 2007, Rafsandjani a été élu président de l’Assemblée des Experts, organe chargé de superviser l’activité du Guide Suprême, et aussi de nommer son successeur en cas de décès ou d’incapacité. Le régime est en fait en train de donner une légitimité populaire voire démocratique à la nomination d’un autre guide.

Motif de cette focalisation sur Khamenei | Il ne s’agit pas d’une guerre interne au régime car sans la personne de Khamenei, jamais Rafsandjani n’aurait pu devenir le patron tentaculaire du régime via le CDIR. En 1989, alors un petit mollah sans poids dans le clergé, Rafsandjani aurait pu disparaître de la hiérarchie du régime après la mort de Khomeiny (son demi-frère et protecteur), poussé vers l’extérieur par les successeurs désignés de ce dernier, des ayatollahs très hauts placés dans le clergé chiite iranien. Il doit son pouvoir actuel au fait qu’il a éliminé ses rivaux pourtant sélectionnés par Khomeiny pour lui succéder au sein d’un « Haut Conseil de tutelle » en imposant son ami Khamenei, homme sans réseau, sans clan et sans danger, via un faux testament écrit avec la complicité d’Ahmad, le fils, secrétaire et scribe de Khomeiny. C’est ainsi que Rafsandjani a pu prospérer et devenir via le CDIR, le vrai successeur de Khomeiny. Il a préservé ce pouvoir tout au long de ces années en maintenant Khamenei au poste du guide suprême.

Le motif de cette opération qui se dessine contre Khamenei n’est donc pas le résultat d’une guerre interne mais d’une agression extérieure. Depuis des années, pour contester la légitimité du régime, les dirigeants ou experts américains insistent dans leur discours sur l’illégitimité populaire et démocratique du Guide, qualifié d’entité non élue.

Révolution verte | C’est ce que le régime veut corriger en destituant l’actuel guide Khamenei, suite à des soi-disant contestations populaires que l’on appelle la révolution verte : le régime affirmera ainsi que le Guide est une émanation du peuple musulman, soumis à sa volonté. Cette révolution verte renferme en lui la solution à tous les problèmes. C’est la grande loterie pour le régime : il refait sa révolution (en interne) pour donner un nouveau souffle de légitimité à la révolution islamique et à ses dirigeants… il relance le mythe de la réformabilité du régime et de la démocratie de ses élections, il espère ainsi écarter définitivement le danger d’une contre-révolution… Au passage il régénère ses structures de base, en particulier la fonction clef du Guide qui devient démocratique !

Avenir du régime | Vraisemblablement, cette opération cosmétique devra aussi faire évoluer la fonction du Guide vers le « Haut Conseil de 3 ayatollahs », dont ne voulait pas Rafsandjani à ses débuts. Aujourd’hui ayatollah, il peut y siéger entouré d’au moins un allié, ce qui lui permettra de préserver l’avantage qu’il avait sur la hiérarchie du clergé avec Khamenei dans son jeu. La forme collégiale qui se veut plus démocratique car pluraliste aura un antre avantage : elle installera une forme d’indécision (une autre soi-disant guerre des clans) au sommet visible de l’Etat, permettant au régime d’ajouter une nouvelle couche d’opacité à la chaîne de commandement pour satisfaire pleinement ce régime fondé sur le chantage et non sur le dialogue.

Il est donc recommandé d’être prudent à l’écoute du discours d’apparence antifasciste des nouveaux lobbyistes du régime qui militent pour la révolution verte avec des slogans uniquement hostiles à Ahmadinejad ou à Khamenei.

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Dans l’immédiat | Cette opération permet néanmoins de repérer tous les agents du réseau de Rafsandjani qui ont un libre accès aux médias pour taper sur Khamenei. On trouve dans le lot, le fondateur des Pasdaran Sazgara ou encore l’agent des renseignements du bassidj et membre fondateur de la branche iranienne du Hezbollah, Amir-Farshad Ebrahimi, qui font tous les deux semblants d’être des exilés.

Ces deux moussavistes affichés ont été interrogés par Delphine Minoui, dans un article consacré au fils cadet du Guide Suprême, Mojtaba Khamenei à qui l’on impute la direction du Bassidj et les récentes répressions pour sauver la mise à son papa. Or, il y a encore une semaine, personne n’avait jamais entendu parler de ce Mojtaba, mollah de surcroit, comme un chef du bassidj ! Vraisemblablement, son entrée en scène est une opération du régime pour réduire les charges contre son père : pour adoucir le sacrifice utile d’un allié serviable, opération toujours mal vu dans les cercles maffieux, on se focalise sur son turbulent garçon, Mojtaba (dont il n’existe aucune photo homologuée).

Khamenei senior sera destitué pour faute professionnelle grave et Khamenei junior sera le bouc émissaire pour les répressions, la soi-disant fraude et tout le reste. La révolution verte fera donc tomber un guide fantoche et un chef de bassidj qui n’existe pas ! N’importe qui pourrait jouer le rôle de ce coupable sans visage et le commandement du bassidj est épargné !

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C’est ce que veut le régime, mais ce n’est pas sûr qu’il l’obtienne car tous ceux qui crient « Mort à Khamenei » dans les rues de Téhéran ne sont pas dans le secret des mollahs et espèrent vraiment la fin de ce régime. C’est le seul aspect positif de cette opération : pour assurer sa survie, le régime joue borderline.

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Pour en savoir + sur cette Révolution Verte :
- Iran : Un processus incontrôlable de fuite en avant
- (7 JUILLET 2009 )

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| Mots Clefs | Institutions : Démocratie (médiatico)-islamique |
| Mots Clefs | Résistance : Manifestations hostiles au régime |

| Mots Clefs | Mollahs & co. Militaire : Khamenei |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Rafsandjani |
| Mots Clefs | Resistance : Le Lobby Rafsandjani en France |
| Mots Clefs | Résistance : Lobby pro-mollahs en France et ailleurs |
| Mots Clefs | Resistance : Lobby Cinématographique des mollahs |