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Iran : Décodages des nouveaux pouvoirs de Rafsandjani
05.09.2007

Rafsandjani, le demi-frère de Khomeiny, président du Conseil de Discernement et à ce titre le véritable patron du régime des mollahs, a encore étendu sa main mise sur la république Islamique d’Iran en prenant la direction de l’Assemblée des Experts, un organe chargé de superviser l’activité du Guide Suprême, et aussi de nommer son successeur en cas de décès ou d’incapacité.



Rafsandjani a recueilli 41 voix, sur 76 exprimées, contre 34 pour l’ayatollah Ahmad Jannati, un vieux mollah sénile (également membre du Conseil du Discernement et proche de Rafsandjani) qui se présentait pour donner un parfum démocratique à cette intronisation qui présage des grands changements pour le régime des mollahs.

En effet, l’actuel Guide Suprême, Khamenei, est malade et la question de sa succession se pose. Mais Khamenei n’était pas parvenu à ce poste grâce aux Experts, mais grâce à Rafsandjani qui avait falsifié le testament de son demi-frère Khomeiny. L’opération avait été réalisée avec l’aide d’Ahmad, le fils de Khomeiny qui rédigeait de sa main tous les textes dictés par son père.

Cette fois, Rafsandjani a pris la tête de l’assemblée chargée de la nomination du Guide Suprême afin de jouer « légalement » ce rôle qu’il a eu dans le choix du successeur Khomeiny. Cependant, la situation est bien différente : à l’époque Rafsandjani aurait sans doute souhaité de devenir le Guide Suprême, mais il ne le pouvait pas car il n’était pas un ayatollah et il ne l’est toujours pas.

À l’époque, Rafsandjani a placé son ami Khamenei au poste honorifique du Guide Suprême et il a fait un choix fondateur : celui d’être un dirigeant politique. Il s’est créé un organisme pour superviser toutes les affaires de l’Etat : le Conseil du Discernement de l’intérêt de l’Etat. C’est ainsi qu’il est devenu le patron du régime sans avoir de connaissance religieuse (comme Montazeri) ni de talent oratoire (comme Khamenei). La mainmise de Rafsandjani sur le régime est le résultat de manœuvres politiques incessantes et d’éliminations des concurrents.

Depuis le début, Rafsandjani poursuit le même objectif : obtenir une entente avec les Américains. Et il a toujours considéré que le terrorisme sponsorisé par le régime devait servir cet objectif. Il était près de son objectif quand un tribunal Allemand a reconnu son rôle dans le meurtre des opposants en exil.

Rafsandjani s’est alors retrouvé du jour au lendemain persona non grata dans la communauté internationale, et a dû momentanément renoncer à devenir l’architecte du rapprochement avec les Etats-Unis dans le cadre du programme des réformes qu’il avait imaginé pour être mené par lui-même. Il a dû alors consentir à confier son « bébé » à son collaborateur Khatami. Ce dernier a beaucoup brillé et il a éclipsé le véritable patron du régime.

Certes, le régime des mollahs doit sa force à l’opacité de ses institutions, mais il est évident que Rafsandjani aurait aimé avoir un rôle moins dissimulé et plus visible à un moment critique pour le régime.

Cependant, il doit réaliser son désir sans remettre en cause la spécificité du régime qui est l’opacité de ses institutions et l’impossibilité de savoir qui décide de quoi. C’est ainsi que les stratèges du régime ont trouvé un compromis pour le patron : il prendra la direction de l’Assemblée des Experts et il oeuvrera pour accroître le pouvoir de cet organe (c’est-à-dire de lui-même).

Selon les termes de l’intéressé lui-même, « si l’Assemblée des experts souhaite exercer un rôle plus important dans les affaires de la nation, elle a l’autorité légale et religieuse pour cela ». On pourrait y voir l’esquisse d’un changement fondamental des institutions, le régime pourrait s’exonérer d’un guide suprême et confier son rôle à l’Assemblée des Experts, c’est-à-dire à Rafsandjani.

Sur un plan pragmatique | Contrairement à ce qu’affirment les analystes iraniens interrogés par l’AFP, ce véritable putsch intérieur ne sera pas synonyme « d’un adoucissement des politiques suivies par le pays ». Le régime reste le même, il a même tonifié sa milice en nommant un nouveau chef à la tête des Pasdaran, et les priorités du régime restent les mêmes : assurer sa survie et préserver son rôle régional (via le Hezbollah).

Le régime est le même, seule change la visibilité de Rafsandjani. Cependant la modification éventuelle de l’Assemblée des Experts rendrait le régime plus redoutable : le centre de décision deviendrait plus collégial (se rapprochant du modèle initial proposé par les Experts en 1983), l’aspect du pouvoir sera plus « démocratique », mais en même temps, les délais seront plus longs, ce qui convient parfaitement à sa politique des négociations sans fin.

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Rafsandjani à l’oeuvre :
- Iran : Quand Rafsandjani prône la diplomatie – décodage
- (11 août 2007)

La priorité absolue du régime (son rôle régional) :
- Iran : Vers de nouvelles sanctions ou vers un statu quo ?
- (18 août 2007)

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie Islamique |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Rafsandjani |

| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |

| Mots Clefs | Nucléaire : Négociations sans fins (Manoeuvres dilatoires) |