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Saïd Hajarian, le mentor de Ganji
22.07.2005

Ganji n’aurait jamais pu écrire les articles qui ont bâti sa légende sans l’aide et le soutien de Hajarian. Faisons connaissance avec cet homme qui a agi en coulisse.



Au cours de l’année 2000, Akbar Ganji, un ancien Commandant des Gardiens de la Révolution, un ancien de la prise d'otage de l'ambassade américaine, devient du jour au lendemain la star du journal réformateur Sobhe-Emrooz.

Le directeur de Sobhe-Emrooz, un certain Saïd Hajarian, conseiller culturel de Khatami donne à cet ancien gardien de la révolution la matière pour ses articles riches en révélations. Hajarian dicte, Ganji rédige et Hajarian publie quotidiennement des articles virulents. Ganji a ainsi révélé l’assassinat des intellectuels, des journalistes et des opposants... Sont mis en cause, le président Rafsandjani, son Ministre des Renseignements Fallahian et l’adjoint de ce dernier, le n°2 des Renseignements, un certain Saïd Emami.

Ganji est présenté comme un journaliste d’investigation. Or fait étonnant, il s’intéresse uniquement à l’époque de Fallahian et n’oriente d’aucune manière ses recherches vers l’époque précédente, celle de Reyshahri qui fut le 1er "ministre des Renseignements". Le ministère iranien des renseignements et de la sécurité (VEVAK) est classé par les experts parmi les services de renseignements les plus importants et les plus actifs du Moyen-Orient, ayant conçu et exécuté 450 actes de terrorisme à travers le monde depuis les années 1980 [1](apprendre sur son fonctionnement interne) [2]. Il y a une raison à ce choix délibéré de Ganji de préserver l’époque de Reyshahri.

Hojatoleslam Mohammad Mohammadi-Reyshahri [3] a été ministre des Renseignements de 1984 à 1989. Sous le régime de la République Islamique, le ministre des Renseignements travaille obligatoirement en tandem avec un adjoint. Dans le cas de Reyshahri, cet adjoint était Saïd Hajarian. Mais on peut considérer Hajarian comme le véritable patron de ce ministère à cette époque et même au-delà. [4]

Hajarian a tout d’abord été pendant les dix premières années de la révolution l’impitoyable juge, responsable des épurations de l’armée nationale. Ce sont les années de la guerre Iran-Irak. La révolution a d’abord limogé et exécuté un grand nombre d’officiers, mais elle a dû se résigner à les appeler à la rescousse quand elle a réalisé l’incapacité militaire des miliciens islamistes sur le front.

En 1984, Hajarian se distingue en proposant la création d’un Service des Renseignements à Mir-Hossein Moussavi, le Premier-ministre du président Khamenei. Hajarian est le concepteur et l’architecte des services secrets de la République Islamique.

L’institution conçue par Hajarian devint, suite à l’approbation de Khomeiny un ministère qui se mit en marche le 18 Août 1984. Nominativement, Hajarian devient le vice-ministre des Renseignements, mais son rôle et son influence dépassent largement ceux du ministre Reyshahri. Hajarian est également à l’origine de l’idée de filmer les procès et de soumettre les détenus politiques à des confessions télévisées.

En 1989, Saïd Hajarian, auréolé des succès de son ministère, se consacre à un nouveau projet complémentaire du Ministère des Renseignements : il conçoit et met en service le désormais célèbre Institut des Etudes Stratégiques qui a accouché du très prometteur projet « des Réformes ».

Le rôle de l’Institut des Etudes Stratégiques est de concevoir toutes les approches et les politiques que le régime peut promouvoir pour se renforcer. L’un des objectifs de Hajarian est d’anéantir les effets du discours des opposants sur la société iranienne et sur l’opinion internationale.

Sous la houlette de l’ingénieux Hajarian, la ligne d’action de cet institut a été et reste celle de créer de toutes pièces « Un front réformateur intérieur aux prises avec un clan conservateur » ! L’objectif de cette manœuvre « stratégique » est de canaliser les opposants internes (femmes, jeunes, chômeurs, minorités ethniques, etc) , de démasquer les meneurs et de les remplacer par des éléments proches du Ministère des Renseignements.

Le mode opératoire est d’arrêter et d’enfermer des personnes choisies, de les harceler et de médiatiser ce harcèlement afin d’inventer des figures hautes en couleurs, intransigeantes !

Akbar Ganji et Emadeddin Baghi ont été les premiers à tester ce modèle conçu par Hajarian. Ganji et Baghi ont travaillé, tous les deux, à Sobhe-Emrooz dont le directeur n’est autre que Hajarian, lui même. A Sobhe-Emrooz, Ganji et Baghi se sont taillés une solide réputation de journalistes d’investigation avec l’aide de leur mentor Saïd Hajarian (l’affaire des meurtres en série [5]).

Khatami est aussi « l’œuvre » de Hajarian et de son Institut des Etudes Stratégiques. Élu président, Khatami « nomme » Hajarian, au poste de conseiller politique. Il est probable que Hajarian voulait être dans aux côtés de Khatami afin de superviser de près le travail de son inexpérimenté poulain pour éviter les dérapages.

L’échec des réformes et l’élection d’Ahmadinejad

L’élection d’Ahmadinejad fait aussi partie des propositions de l’Institut des Etudes Stratégiques : une relance des réformes sous forme de résistance à un front radical et un président élu avec des irrégularités.

L’institut des Etudes Stratégiques récolte aujourd’hui les lauriers d’une approche méthodique et irréprochable. Le régime a désormais pratiquement toutes les cartes en main.

Il a ses propres étudiants contestataires, ses propres journalistes dissidents, ses propres transfuges, ses avocats des droits de l’homme, tous des fidèles des premières heures de la révolution islamique, des proches de Khomeiny, des anciens de bassidj ou des Gardiens de la Révolution ou encore des islamo-gauchistes disposant d’importants réseaux de soutien en dehors de l’Iran.

Ajoutez à ce dispositif irréprochable destiné à duper l’opinion internationale, un VEVAK féroce pour contenir la colère des Iraniens et vous pouvez en conclure que les chances d’un changement de régime en Iran sont proches du zéro absolu.

La seule consolation est l’attitude méfiante des Iraniens qui décodent très bien ces manipulations d’opinions et se laissent duper de moins en moins. Les manifestations et les affrontements à répétition démontrent que les Iraniens savent pertinemment que le système imaginé par les penseurs du régime (comme Hajarian) trouve sa vraie limite dans l’attitude qu’adopteront les faux-opposants face à un mouvement de contestation de grande envergure [6].

- Chers journalistes et intellectuels français où êtes-vous pour aider les authentiques opposants Iraniens ?

- Où êtes-vous pour aider le Peuple Iranien ?

Pour en savoir + :
- Le mystère Ganji

| Mots Clefs | Institutions : VEVAK | Ministère des Renseignements |

[1-Le VEVAK n’a d’un ministère que le nom et fonctionne sous le contrôle direct du Guide Suprême. Il ne doit rendre de compte à ni au gouvernement et ni au parlement. Il est doté d’un budget secret et se place au-dessus des lois. Durant ces 21 dernières années, il s’est développé en une machine de répression tentaculaire.

[3Reyshahri a été juge dans les tribunaux révolutionnaires en 1980, juge du tribunal spécial du clergé. En 1996, il fonda la Société de Défense des Valeurs Islamiques, se présenta aux présidentielles en 1997. La même année, il est nommé au Conseil du Discernement par Khamenei et siège, aujourd’hui, à l’Assemblée des Experts. Reyshahri est aussi aujourd’hui reconnu comme réformateur. Reyshahri a épousé en 1968 la fille de l’Ayatollah Meshkini, alors que cette dernière n’était âgée que de neuf ans. On prête des pratiques pédophiles à cet homme.

[4Le Tandem Reyshahir-Hajarian est responsable du massacre des officiers de la base Shahrokhi (Nojeh), de l’élimination de Shariat-Madari et de l’exécution de Ghotb-Zadeh.

[5De 1997 à 1988, après qu’une série de meurtres de dissidents par des liquidateurs du VEVAK ait été rendue publique, le vice ministre des renseignements de l’époque Saïd Emami a été sacrifié. Il a été emprisonné sur des charges douteuses avant d’être « suicidé » en prison.

[6Par exemple, le mutisme des Ebadi et consoeurs sur les récentes répressions au Kurdistan...