Iran : La semaine en images n°97 27.12.2009 La principale actualité de cette semaine a sans aucun doute été les funérailles très attendues de Montazeri, le lundi 20, qui devaient se transformer en manifestation géante en faveur du Mouvement Vert dont le propos est le retour aux principes de base de la révolution islamique (le refus de tout compromis avec l’Occident). Cette manifestation devait servir de point de départ pour les autres manifestations programmées par le Mouvement Vert pour cette semaine. Or, encore une fois, les Iraniens ne se sont pas déplacés car ce qu’ils souhaitent c’est la fin du régime et non un changement de personnel et par leur boycott, ils ont perturbé les programmes établis forçant le régime à prendre des risques non calculés. de Moussavi à Montazeri | Il y a 6 mois, des jeunes habillés en vert manifestaient dans les rues de Téhéran pour réclamer la « restitution de leur vote », c’est-à-dire la victoire de Mir Hossein Moussavi, « leur candidat modéré ». Les médias occidentaux s’étaient alors montrés enthousiastes car ils ne connaissaient pas le passé noir de Moussavi, un des piliers du régime. Ils ne savaient pas qu’en simulant une révolution de couleur, le régime cherchait à mobiliser les Iraniens derrière un pilier du régime, un fidèle de la révolution, un homme hostile à tout compromis sur le nucléaire, afin de donner une légitimité populaire à sa propre politique nucléaire. En revanche, les Iraniens qui connaissaient Moussavi et ses idées ne se sont pas déplacés. Ils ont ainsi perturbé le scénario du Mouvement Vert, porte-parole du refus populaire (démocratique) de tout compromis ou négociation. Pour faire face à cet obstacle imprévu, mais terrible, Téhéran a décidé d’introduire des modifications dans le discours ou le leadership du Mouvement Vert pour attirer les Iraniens dans la rue sans quoi il ne pourrait pas présenter ce Mouvement comme le représentant du peuple, et en attendant de réaliser cette mobilisation, il s’est lancé dans la diffusion de rumeurs de mobilisation derrière Moussavi sur Youtube, FaceBook et Twitter. Si la partie virtuelle (destinée aux étrangers) a été facile à gérer, le régime a rencontré une résistance inouïe chez les Iraniens quant à la mobilisation. Sa première modification tactique a été d’oublier le slogan « où est passé mon vote » pour diffuser à leur place des images de jeunes attaquant les miliciens anti-émeutes de Bassidj pour donner l’impression que le régime allait tomber, mais les Iraniens n’ont pas bougé car les images n’étaient pas crédibles. Le régime a alors chargé certains journalistes exilés à son service de convaincre les Iraniens que des slogans très hostiles au régime avaient été entendus : les Iraniens sont alors descendus dans la rue le 15 juin pour renverser les mollahs et la situation a échappé au régime. Après avoir maté le soulèvement qui a duré 10 jours, Téhéran a repris ses efforts sur la base de ce qui avait fait bouger le peuple : des slogans hostiles, ce qui l’a poussé dans une recherche de slogans soi-disant hostiles au régime comme « Mort à Khamenei », l’actuel guide suprême, en remplacement du « Mort à la république islamique »scandé pendant le soulèvement. Or, pour tous les Iraniens, Khamenei ne symbolise pas le régime car le pouvoir est entre les mains de Rafsandjani, un des chefs du Mouvement Vert ! Le régime a alors caché Moussavi pour mettre en avant Karroubi. Cela n’a pas fonctionné. Il est revenu à une improvisation dans le discours avec des slogans soi-disant patriotiques. Cette nouvelle improvisation n’a pas non plus fonctionné car on demandait aux gens de descendre dans la rue à des dates symboliques de la révolution islamique et en faveur des piliers du régime comme Moussavi, Karroubi ou Rafsandjani aux sons de slogans patriotiques, ce qui n’avait aucun sens. dimanche dernier : Montazeri | Téhéran a perdu beaucoup de temps avec ces improvisations sans aucune réussite : à l’approche de la date limite pour accepter un compromis le 31 décembre 2009, il a joué un va-tout en annonçant que « les Verts avaient déchiré la photo de Khomeiny ». Les Iraniens n’ont pas cru à cette annonce et n’ont pas bougé. Le Mouvement Vert promu comme le porte-parole des Iraniens a alors dû faire marche arrière en criant son attachement à Khomeiny pour ne pas se retrouver dans le camp opposé au régime. Ce qui lui a fait beaucoup de tort. C’est alors qu’est mort par hasard l’ayatollah Montazeri, présenté en Occident comme un dissident démocrate, mais aussi le leader spirituel du Mouvement Vert (ici sur son lit de mort) !
© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Comme d’habitude, le régime a compensé son échec avec la diffusion sur FaceBook et co. de rumeurs de mobilisation dans lesquelles on a parlé de « dizaines de milliers voire 1 million de personnes et des affrontements ». Nous avons publié les vidéos siglées Vert avec une carte des lieux de rassemblement (contour rouge) pour démontrer que ces prétentions étaient fausses vu les dimensions de ces lieux (moins de 3000 m2). Les voici pour rappel :
© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Il existe trois versions de cette scène diffusée à trois heures différentes. Dans la première version qui a été diffusée le matin (pour alimenter Youtube Vert), on entend des slogans pré-enregistrés pro-Moussavi et l’on voit une simulation d’attaques de motard, mais la scène vire au ridicule quand on voit traverser un passant moustachu qui était là par hasard.
semaines à venir | Il est désormais un rituel dans ce tour d’horizon en photos de la semaine de terminer sur des images de la vie en Iran, cette réalité quotidienne dure qui est la raison de l’absence de mobilisation. Cette semaine, cette actualité du réel est consacrée à la célébration de Yalda, la nuit du solstice d’hiver célébrée par les Iraniens depuis des millénaires comme le début des jours plus longs. Il aurait inspiré Noël. Les Iraniens sont fiers de cet héritage et sont viscéralement attachés à sa célébration. On doit passer la nuit à lire des poèmes et rire en goûtant des fruits secs et fruits hors-saison. Sous le régime du Chah, un soin particulier était mis à la disposition de toutes les classes ces produits festifs. En cette année de refus de compromis donc de sanctions économiques, les Iraniens ont encore dû regarder ces produits sur les étals à des prix seulement abordables par ceux du pouvoir. Les fruits secs à 10 dollars le kilo soit 5% du salaire mensuel d’un fonctionnaire ou d’un retraité ! La pastèque à 8 dollars le kilo, soit une pastèque à 10% du salaire d’un fonctionnaire. La grenade, fruit emblématique à consommer cette nuit, de 3,5 à 5 dollars le kilo (selon la qualité) et enfin, le poisson à 12 dollars le kilo. Le peuple d’Iran ne veut pas d’un régime qui refuse tout compromis par peur de perdre ses privilèges. Il reste à son domicile le ventre creux. Il sortira comme l’été dernier s’il entend des slogans plaisants à ses oreilles. Cela risque d’arriver plutôt que l’on ne le pense car Téhéran n’a plus de temps devant lui. Il lui faut prendre des risques. Ce serait la fin de la plus longue nuit d’Iran, le début des jours meilleurs pour les Iraniens.
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