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Iran-Russie : Les S-300 et les deux faux prétextes israéliens
19.02.2010

En raison d’un manque de confiance en la loyauté des mollahs envers la Russie, ce pays refuse depuis 2007 de livrer à l’Iran les systèmes de missiles anti-missiles S-300. Pour justifier ce refus, la Russie fait régulièrement référence à des causes extérieures comme des demandes israéliennes. Il y a deux jours encore, elle a annoncé un report après la visite de Nétanyahou à Moscou. Les internautes pro israéliens jubilent, mais il ne faut pas crier victoire trop rapidement, la situation est bien plus complexe et risque de changer dans les prochaines semaines.



les amours contrariés | C’est en 1998, trois ans après l’adoption des sanctions américaines très dures à l’encontre des mollahs, que ces derniers ont fait la demande d’acheter 3 batteries du très performant système de missiles anti-missiles S-300, système qui allait les mettre à l’abri de toute frappe étrangère ou des menaces d’intimidation de ce genre. Les mollahs pouvaient ainsi échapper aux pressions des Américains qui cherchent à leur imposer une entente non conforme à leurs intérêts et même avoir les mains libres pour inverser la pression en s’attaquant librement à l’ensemble des intérêts américains au Moyen-Orient ou sur le bassin Caspien. Heureux d’une telle éventualité susceptible de miner durablement l’influence américaine dans ces deux zones qui l’intéressent, Moscou a fait youpi. Mais la vente était impossible en raison d’un pacte américano-russe interdisant la vente de tout missile à l’Iran. En 2000, la Russie a rompu le pacte pour conclure la vente. Washington a alors adopté la loi Anti-proliferation Act (au nom prémonitoire) qui accusait Téhéran du développement d’armes de destruction massive avec des composants russes pour introduire des sanctions sur la vente de missiles contre la Russie. Les projets russo-mollahs d’affaiblissement de Washington ont alors été stoppés. En 2003, Quand Washington a accusé l’Irak de production d’armes de destruction massive avant de l’attaquer, la vente est devenue urgente et a été conclue en 2005 quand Washington a parlé pour la première fois de sa volonté de bombarder l’Iran. Washington a alors sanctionné la compagnie Sukhoï, l’un des principaux constructeurs d’avions militaires russes, retardant encore la vente stratégiquement la plus importante pour Moscou. En 2007, Washington a dû supprimer ses sanctions pour acheter de l’acier russe, Moscou a foncé pour signer avant de promettre une livraison rapidissimo. Pendant ces années, Téhéran montrait des signes de chercher un arrangement avec les Américains, ce qui était toujours puni par la Russie avec un retard de livraison de la centrale atomique de Bouchehr. La Russie estimait néanmoins que des mollahs protégés par les S-300 allaient lui être utiles. Mais à peine 5 mois après la signature de la vente des S-300, elle a découvert que les mollahs avaient accéléré la cadence de leurs négociations secrètes avec Washington. L’affaire était contreproductive. Téhéran a persisté dans la même voie. La Russie est alors entrée en résistance sur la livraison de cette arme anti-intimidation pour empêcher les mollahs de lui échapper. Dans la grande tradition de mauvaise foi russo-soviétique, elle a alors évoqué toutes sortes d’excuses, même des fleurs faites aux Américains ou aux Israéliens.

les chaises musicales | L’attitude russe a changé en 2009 avec l’arrivée au pouvoir d’Obama qui proposait un dialogue sans condition préalable aux mollahs. Craignant un arrangement, il a envisagé de livrer les missiles pour rendre les mollahs hystériques. La situation a encore changé en septembre 2009 quand la Russie est passée dans le camp américain à l’issue d’un marché sur le retrait de l’ABM. Elle est alors devenue une poupée ventriloque de Washington parlant un jour des sanctions, le lendemain du contraire selon les besoins du dispositif américain de pressions contre Téhéran. A peine 4 mois après ce passage à l’Ouest de la Russie, Washington a admis que les mollahs même au bord de l’effondrement n’allaient pas accepter son offre de l’entente. Cette entente avec des islamistes étant indispensable à ses objectifs régionaux anti-chinois, il est partie en quête de justificatifs pour éviter des sanctions lourdes ou des frappes qu’il avait promises depuis longtemps. Le choix des sanctions onusiennes au lieu des sanctions unilatérales est devenu l’excuse pour éviter les sanctions fatales, et la rumeur de la livraison des S-300 est devenue une bonne excuse pour classer les promesses de frappes. Cela était sans doute trop irréversible (pour l’avenir des intimidations militaires). On vient d’assister à un retournement avec le report de la livraison des S-300 suivi le même jour par une annonce de Clinton repoussant l’éventualité de toute frappe américaine. Encore plus fort, le même jour, le chef d’état-major des armées des Etats-Unis, Michael Mullen, en visite à Tel-Aviv, a informé les dirigeants israéliens qu’une attaque de leur pays contre l’Iran « romprait l’équilibre géopolitique de la région au détriment des intérêts américains », c’est pourquoi son pays s’y opposerait le plus fermement possible. Cela n’avait donc rien à avoir avec Bibi envoyé au même moment à Moscou, sur une recommandation insistante de Rahm Emnuel, pour y jouer le rôle du prétexte officiel avec l’allié ventriloque russe.

les retrouvailles des amants impossibles | Cependant… selon notre analyse, Bibi ne sera pas au bout de ses émotions avec ces S-300 car en septembre 2009, Moscou n’est pas passé à l’Ouest de son plein gré mais sous contrainte. Elle était la même Russie avec les mêmes intérêts d’affaiblir Washington. Elle est passée à l’Ouest à un moment où Téhéran ne donnait pas des signes d’effondrement : elle a rejoint les américains avec l’espoir que Téhéran pourrait échapper aux sanctions avec sa stratégie d’amplification de la crise. Elle aurait alors gagné la bataille de l’ABM, le droit d’avoir une présence militaire forte en Géorgie pendant 49 ans et un mirobolant contrat pétrolier en Irak sans rien accorder à Washington.

Mais Téhéran est au bord de l’implosion et s’est montré incapable d’amplifier la crise pour faire capituler Washington. Ce dernier a même conçu un dernier dispositif dilatoire réduisant à néant les chances d’une escalade. Désormais, en restant dans le camp américain, Moscou risque d’aider son adversaire historique à le priver de ses alliés régionaux, insupportables, atypiques, mais incontournables. C’est pourquoi Moscou a commencé à prendre ses distances avec les Américains en faisant publier dans le plus important magazine russe destiné aux patrons russes une interview choc d’Ahmadinejad où l’homme des mollahs dénonce les projets américains de balkanisation de la Russie et de la Chine avant d’évoquer la pertinence voire l’urgence de l’adhésion de l’Iran à l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS). C’est Ahmadinejad qui parle, mais c’est Moscou qui pense tout haut !

Cela dépendra néanmoins de l’impossibilité factuelle d’une escalade combinée à la détérioration des finances des mollahs et aussi des gages de loyauté offerts par Téhéran –selon une rumeur d’hier, un transfert des avoirs européens des mollahs vers la Chine et la Russie-… Si cela se réalisait, on s’éloignerait vite du débat sur la livraison ou pas des S-300 car l’intégration dans l’OCS ouvre droit à la livraison des armes défensives, mais aussi offensives. Dans ce cas-là, la livraison des S-300 pourrait servir de prétexte pour le passage à l’Est des mollahs. Moscou doit y penser fort car la dépêche russe sur le report de la livraison prépare le terrain en précisant que « la Russie a accepté un report car Israël avait auparavant accepté de signer un pacte de non-agréssion davec l’Iran sur le modèle de l’engagement écrit de la non-invasion -de Cuba- (signé par Kennedy en 1962 pour mettre fin à la crise des missiles cubains) ».

Croyez-vous cela possible ? Israël n’a pas évoqué cet engagement et ne signera pas ce genre de document, ce qui autorisera Moscou à franchir le cap si ses intérêts vitaux, actuellement très en danger, l’exigeaient.


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Pourquoi Mullen a estimé qu’une frappe romprait l’équilibre de la région :
- Iran : La frappe israélienne n’aura jamais lieu
- (19 mai 2009)

| Mots Clefs | Pays : Alliance IRAN-RUSSIE |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE |

| Mots Clefs | Enjeux : Option militaire |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Israël |
| Mots Clefs | Décideurs : Dirigeants Israéliens |

| Mots Clefs | Décideurs : Hillary Clinton |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |