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Iran : Bouchehr, la centrale Russe, otage de Moscou
06.07.2007

Le dimanche 1er juillet, Sergei Shmatko, le chef de la société russe Atomstroiexport chargée de la construction de la centrale nucléaire de Bouchehr, est arrivé à Téhéran pour discuter l’achèvement de travaux du site. Le 3 Juillet , un responsable iranien a affirmé que les 5% des travaux restés en plan depuis des années seraient terminés en 2007, mais aujourd’hui, Moscou a officiellement démenti cette prévision optimiste.



La nouvelle a été annoncée par Sergei Kiriyenko, le chef de l’agence fédérale russe du nucléaire qui a évoqué au mieux un achèvement en 2008. Kiriyenko a également évoqué les défauts de paiement de la part des Iraniens et des retards dans l’acheminement par bateaux de pièces destinées à la centrale, par des pays tiers. Cette dernière excuse est inédite, auparavant les Russes pointaient du doigt les retards de paiements.

Avant Kiriyenko, les Russes avaient fait intervenir un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Kisliak, qui avait également rejeté la demande de l’achèvement pour septembre 2007, en citant des « raisons techniques et économiques ». Celui-ci avait évoqué la nécessité de plusieurs mois de travaux pour finir le chantier.

Depuis des mois, les Russes changent d’excuses pour ne pas livrer cette centrale électrique. Il est nécessaire de rappeler que les travaux ont commencé en 1995 et que la livraison était prévue pour juillet 1999. Et cela fait plus de 2 ans que les Russes évoquent 5% des travaux restants, mais ne font rien pour l’achèvement des travaux.

A aucun moment il n’avait été question de retard de paiements du côté iranien : cette raison a fait son apparition en mars 2007 : auparavant aussi les Russes refusaient d’achever les travaux pour d’autres motifs. Mais depuis toujours chaque refus Russe a correspondu à une décision des mollahs qui aurait pu diminuer l’influence de la Russie sur la crise nucléaire iranienne et remettre en cause son rôle d’arbitre de la crise.

Ainsi en mars 2006, les mollahs refusaient de donner une réponse à la Proposition dite Russe pour la crise nucléaire et ils ridiculisaient cette proposition, et Moscou avait immédiatement réagi en frappant les mollahs à leur point sensible : l’achèvement des travaux de Bouchehr.

Décodages : Bouchehr, point sensible

En réalité, les mollahs espèrent faire beaucoup de publicité autour de cette centrale et revendiquer le droit de la production du combustible et ainsi justifier leurs activités d’enrichissement nucléaire. Bouchehr leur est utile, et même si scientifiquement le combustible produit par l’Iran est incompatible avec les machines Russes.

Les mollahs ont besoin de Bouchehr pour leur propagande : Les Russes le savent et utilisent cette faiblesse pour faire pression sur les mollahs afin de ne pas être exclus de la solution apportée à la crise. Il s’agit d’une mesure punitive qui leur permet de mettre en garde les mollahs sans couper les ponts. Ce dont ils ne veulent pas est un arrangement entre les Etats-Unis et les mollahs car cet arrangement sera global et de nature à remettre en cause le fondement de leur diplomatie en Asie Centrale et au Moyen-Orient.

En fait, Bouchehr est l’unique point de « pression soft » des Russes sur les mollahs et c’est régulièrement que les Russes arrêtent tout à Bouchehr et agissent en représailles à des tentatives de rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis ou l’Iran et le Conseil de Sécurité. Dans les deux cas, l’influence (occulte) de la Russie sur la crise est remise en cause : en cas d’un rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis, cette influence s’effondre et en cas d’un rapprochement entre l’Iran et le Conseil de Sécurité, cette influence occulte ne peut s’exprimer en coulisses.

Pression Soft : phase 1 (avant mars 2006 au mars 2007)

La coopération nucléaire sur Bouchehr (pression soft) est entrée dans une phase critique quand les Russes ont compris que Téhéran avait d’autres options en tête comme celle de proposer un arrangement aux Américains par leur envoyé spécial : l’ex-président Khatami.

En août 2006, alors que Khatami attendait son visa, une délégation atomique s’est rendue à Téhéran pour examiner la poursuite des travaux et tâter le terrain. En septembre Khatami s’est rendu à New York avec des propositions pleins les bras. La réaction de Moscou ne s’est pas fait attendre : l’annonce d’un possible ralliement immédiat à la nécessité d’imposer des sanctions contre l’Iran.

Cette fois, les Russes ont senti le danger et ils sont allés au-delà des pressions softs sur Bouchehr. Mais par la suite les relations entre la Russie et les mollahs se sont améliorées en partie parce que Téhéran avait à nouveau besoin de la Russie pour retarder les sanctions au Conseil de Sécurité, mais aussi pour acheter un système anti-missile aux Russes. A ce moment (fin 2006), les Russes ne voyaient pas en l’Iran un mauvais payeur, et les relations commerciales allaient bon train !

Pression Soft : phase 2 (depuis mars 2007)

C’est en mars 2007 que les Russes ont à nouveau exprimé des désaccords sur Bouchehr en évoquant pour la première fois le problème des paiements en retard : ce retour à des représailles sur Bouchehr est intervenu au moment où Téhéran se disait intéressé par des négociations directes et simultanées avec les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité. Dans ces conditions de transparence et de « cartes sur table », la Russie aurait été privée de son rôle d’« agitateur intéressé » qui fausse le jeu pour empêcher l’entente tant désirée par les mollahs avec les Etats-Unis.

Cette négociation allait diminuer l’influence occulte de la Russie sur la crise nucléaire iranienne et remettre en cause son rôle d’arbitre occulte de la crise. Le chantage des Russes à propos de Bouchehr est redevenu d’actualité car la fin de la crise nucléaire pouvait être synonyme d’une normalisation des relations entre l’Iran et les Etats-Unis ce qui représentait une menace pour les intérêts de la Russie en Asie Centrale.

La Russie a réagi avec vigueur encore sur Bouchehr et finalement, elle a réussi à décourager l’intention d’Ahmadinejad de se rendre au Conseil de Sécurité pour débattre directement avec les ses 5 membres permanents pour clore la crise. La Russie a soumis Téhéran et écarté un temps le spectre d’une normalisation des relations entre Téhéran et Washington. Il est clair que Téhéran n’a pas apprécié, mais cette victoire a permis à la Russie de faire continuer la crise et la crise permanente a permis à ce géant de retrouver son influence en Asie Centrale.

Pression Soft : une histoire sans fin

Entre temps, les mollahs ont imaginé d’autres initiatives pour s’offrir des occasions de négocier directement avec les anglo-américains et à chaque fois, les Russes ont réagi en agitant le spectre d’un arrêt des travaux à Bouchehr. On assista ainsi à la prise des marins britanniques, suivie de leur grandiose libération qui avait fait craindre aux Russes des négociations dont ils seraient exclus et ils avaient réagi vis-à-vis de Bouchehr. Ce à quoi les mollahs avaient répondu en faisant comprendre aux Russes qu’ils pouvaient tuer leurs ingénieurs en poste en Iran.

L’attitude des Russes a alors changé et ils ont promis d’achever les travaux au nom de l’amitié entre les deux peuples. Mais après cette réconciliation forcée, il y eut les rencontres entre Téhéran et Washington à Charm El Cheikh et à Bagdad) qui se soldèrent par un accord entre les deux pays et la possibilité d’une certaine entente globale d’où une série de nouvelles déclarations Russes sur Bouchehr.

Bouchehr restera un moyen de pression soft pour Moscou pour empêcher les mollahs de trouver une entente avec les Etats-Unis car la Russie a un besoin vital de la république Islamique d’Iran.

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Pour en savoir + sur les enjeux en 2007 :
- Iran : Analyse de l’unité trompeuse des G8
- (1er juin 2007)

Les Russes imitent les Américains :
- Iran nucléaire : Les leçons de Shanghaï
- (18 juin 2006)

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