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Iran, victime d’un deal partiel sur l’abandon de l’ABM
19.09.2009

En 2008, Obama avait proposé à Poutine d’abandonner le projet ABM si le Russe acceptait des sanctions contre l’Iran. Il avait refusé, mais cette semaine, il a partiellement accepté et deux jours après, l’ABM est partiellement tombé... | Décodage d’un deal partiel |



ABM et la Russie | En C’est au printemps 2006 que l’on a su que Washington était en négociation avec la Pologne pour l’installation dans ce pays et d’autre ex-pays soviétiques d’un système d’interception de missiles balistiques Iraniens ou Nord-coréens. Or, la Corée du Nord (oubliée dans l’explication fournie aujourd’hui par Obama) n’a jamais eu une quelconque réussite en matière balistique et l’Iran n’a jamais fait de test dans ce domaine.

Poutine s’est immédiatement insurgé contre ce projet car il y a vu un moyen de contester la suprématie balistique russe. Le projet lui a fait peur car c’est en engageant les Soviétiques dans une coûteuse course à l’armement que les Américains avaient épuisé l’URSS pour précipiter sa chute. Pour ne pas revivre la même défaite, Poutine s’est opposé de toutes ses forces à ce projet en s’attaquant à sa raison d’être : la menace balistique iranienne. Il n’a eu de cesse d’affirmer que cette menace était nulle.

Mission secrète de l’ABM | En Washington ne prêtait aucune oreille à ces remarques car grâce à cette soi-disant menace balistique, il a pu obtenir en ce même printemps 2006 le transfert du dossier nucléaire iranien au Conseil de Sécurité. Il a ainsi entériné la menace nucléaire iranienne afin d’entériner la nécessité d’adopter des sanctions contre l’Iran. Le Conseil de Sécurité a adopté une première résolution assortie de sanctions contre les industries de missiles car il a cru qu’il était en train d’engager les Etats-Unis dans une action multilatérale empêchant ainsi un nouvel Irak. Le Conseil de Sécurité se trompait car Washington voulait uniquement entériner la menace et la nécessité de sanctions pour rendre inattaquables ses propres futures sanctions économiques à l’encontre des partenaires commerciaux de l’Iran (en fait la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne, c’est-à-dire les autres membres du Conseil de Sécurité).

C’est en novembre 2007 que ces pays ont compris leur erreur quand après avoir mis en place toutes les sanctions qui lui étaient utiles, Washington a revu à la baisse les capacités nucléaires de Téhéran afin de disposer d’un plus long délai pour épuiser les mollahs à petit feu pour leur arracher l’entente magique qui lui ouvrirait l’accès aux réserves gazières de l’Asie Centrale. Les premiers à comprendre ont été les Britanniques qui allaient perdre leur leadership du marché mondial du pétrole si l’Amérique venait à réussir. Ils combattent depuis le feu par le feu en criant sur les toits la menace nucléaire et balistique de l’Iran.

Le coup d’entraîner les membres du Conseil de Sécurité à voter contre leurs intérêts a été si énorme que l’on a oublié les composants du piège : la combinaison des rumeurs des supposées capacités nucléaire et balistiques des mollahs ! On a oublié que le projet ABM avait été dès le départ un outil tactique ! Les Etats-Unis ne perdent rien à l’abandonner et ils le font comme ils ont nuancé la menace nucléaire en novembre 2007 en se basant sur un nouveau rapport des renseignements américains.

Conséquences pour l’Iran | En Dans ce cas présent comme en novembre 2007, il s’agit aussi de l’introduction d’une nuance : « d’après les derniers renseignements (américains), ils (les mollahs) sont beaucoup plus concentrés sur le développement de capacités de courte et moyenne portée », a déclaré le porte-parole du Pentagone. Cela signifie que les alliés régionaux de Washington (Israël, les pays du Golfe Persique et l’Egypte) restent menacés : de fait il n’y aura pas une diminution des sanctions proportionnelle à la diminution de la portée des missiles.

Téhéran ne profitera pas donc de l’abandon de l’ABM. En fait, il pourrait même en souffrir car on parle d’un deal entre Washington et Moscou : l’abandon de l’ABM contre la fin de l’opposition russe à des sanctions contre l’Iran.

Le Deal | En effet, il y a un an, Washington avait proposé à Moscou d’abandonner le projet ABM en échange d’une adhésion russe aux sanctions américaines contre l’Iran. C’est ce que Moscou vient de faire cette semaine ! En fin presque car Medvedev a annoncé subitement qu’il voterait prochainement des sanctions contre les mollahs au Conseil de Sécurité !

Il est permis de parler d’un deal secret car Washington n’a pas commenté ce revirement alors qu’il avait tant cherché à l’obtenir directement via Obama ou encore via Kouchner ou Sarkozy.

Ce n’est pas ce à quoi s’attendait Washington (l’adhésion à ses sanctions), mais ce n’est pas rien car les sanctions onusiennes légitiment les sanctions unilatérales américaines. C’est l’assurance pour Washington de la poursuite de sa politique iranienne actuelle faite de sanctions unilatérales et de propositions d’entente. On est donc loin d’un apaisement comme l’ont écrit certains experts qui se disent spécialistes d’Iran.

Vers de nouvelles sanctions ? | En La Russie avait peut-être imaginé que le deal n’allait pas servir à la relance de la politique américaine de sanctions unilatérales en l’absence d’une menace balistique, mais, elle se trompait. Aussitôt après ce deal qui en contrepartie a adouci la menace balistique iranienne, Washington a compensé le manque de motifs pour de nouvelles sanctions avec la diffusion par la nouvelle direction de l’AIEA et son agence de presse AP d’une note faisant état d’une hausse des capacités nucléaires des mollahs ! Selon AP, « les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) estiment que l’Iran a la capacité de fabriquer une bombe atomique ! »

Normalement, cette information aurait dû faire sursauter Israël. Il n’en est rien : dans un synchronisme parfait, le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a affirmé que l’Iran ne représentait pas une menace pour l’existence d’Israël, avant de se dire partisan « de la diplomatie et du durcissement des sanctions ! »

La Russie est sans doute bluffée par ces dispositions ! Elle vient de se faire encore avoir par les Américains. Mais elle n’est pas à plaindre. Elle n’a pas perdu dans l’échange car elle s’est posée en arbitre de l’avenir du régime des mollahs. Ces derniers l’ont d’ailleurs bien compris, puisqu’ils ont changé d’attitude envers Moscou en se montant plus patients notamment sur la date de livraison de Bouchehr (l’alibi de leur programme nucléaire). Les mollahs n’exigent plus une date précise. Parallèlement, cette semaine, les Russes ont également annoncé qu’ils s’installaient pour un demi-siècle en Ossétie du Sud et en Abkhazie. Cela n’a pas déclenché les foudres de Washington. Il est fort probable que ces deux provinces géorgiennes aient été comprises dans le deal américain, comme une assurance supplémentaire pour éviter un changement de dernière minute de la Russie. Cette dernière a donc eu droit à deux superbes cadeaux en échange de la levée de son veto. On dirait que ça sent le roussi pour les mollahs !

Conclusions | En fait, dans cette affaire, chacun a eu ce qu’il voulait sauf les mollahs qui ont perdu et en plus sur tous les tableaux (vis-à-vis des Etats-Unis, mais aussi leur dépendance à la Russie). Assurés d’être sanctionnés, incapables d’un apaisement sous l’effet des sanctions car ce serait l’aveu d’une impuissance qui sera sévèrement sanctionnée par la rue arabe, les mollahs n’ont d’autres choix que d’aller à la confrontation ce qui fait ressortir une radicalisation révolutionnaire du discours de tous les dirigeants.

C’est ce qui fait le charme de ce bras de fer entre Téhéran et Washington. Son issue est complexe. Washington a fait tout ça pour rester maître des sanctions et éviter l’escalade. Il devra sous peu adopter des sanctions plus dures qu’il ne voulait en raison de ses propres révélations et de l’attitude ostentatoirement fermée de Téhéran !


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| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (américaines) en cours d’application |
| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE |
| Mots Clefs | Pays : Alliance IRAN-RUSSIE |
| Mots Clefs | Enjeux : Alliances Régionales d’ordre stratégique |