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Bouchehr : Iran-Russie, deux stratégies poussives !
14.12.2007

La centrale de Bouchehr est devenue un moyen de pression de Moscou afin d’empêcher les mollahs de les lâcher et conclure un pacte avec Washington. À chaque fois que les mollahs ont fait un pas dans cette direction ou pour participer à des négociations excluant la Russie, Moscou a sévi en retardant la livraison du combustible pour mettre en marche cette centrale achevée à 95% depuis des années.



Bouchehr a beaucoup de valeur pour les mollahs au point que leur ministre des affaires étrangères a offert de bons contrats aux russes. Il a même invité Lukoil à renforcer sa présence en Iran en espérant que les russes accepteront de délivrer le combustible qui serait déjà scellé prêt à être expédié en Iran. Les russes ont accepté ses offres commerciales de création de consortiums dans le domaine de la production d’électricité et des transports afin de fidéliser le marché iranien et de rendre les mollahs encore plus dépendants d’eux, ils n’ont rien cédé sur Bouchehr. | Décodages |

En fait, plus que le combustible, Téhéran attend la livraison de la centrale : il compte sur le fonctionnement de Bouchehr pour bifurquer sur la nécessité nationale de la production de combustible par ses propres moyens comme justification de son programme nucléaire d’enrichissement. La poursuite de l’enrichissement sera couplée avec la diffusion des messages anxiogènes pour amplifier la crise afin d’obtenir une capitulation américaine dans une reconnaissance générale du rôle régional des mollahs au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Caucase.

Stratégie nucléaire gigogne | (pour les mollahs) Combustible = Bouchehr = justification de l’enrichissement = allusion nucléaire militaire = amplifier la crise = risque d’un conflit à l’échelle régionale = accord en or avec le patron du Moyen-Orient, c’est-à-dire les Etats-Unis !

Évidemment, les russes ont deviné cette stratégie abracadabrante et savent que dès la livraison de Bouchehr, Téhéran cessera d’être leur allié et alors ils devront dire adieu à leur rêve de maîtriser les pipelines d’accès à l’Asie Centrale. Or si une alliance durable avec l’Iran est vitale pour la Russie, Téhéran a un besoin passager de la Russie, d’abord pour obtenir les délais nécessaires pour sa stratégie d’amplification de crise et puis pour obtenir Bouchehr afin de disposer dans son jeu d’un justificatif permanent pour une crise nucléaire permanente. Moscou est dans l’embarras car il ne dispose que d’un seul moyen de rétorsion contre cet allié récalcitrant et ce moyen est Bouchehr.

A présent que les mollahs s’apprêtent à rencontrer les américains le 18 décembre à Bagdad, Moscou a choisi d’utiliser ce moyen d’autant plus que Washington multiplie les signes de modération en direction de Téhéran. Les Russes ont convoqué le chef de la diplomatie iranienne Mottaki à Moscou. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a encore salué les progrès de l’Iran dans sa coopération avec l’AIEA et affirmé que la crise devait être résolue sur la base du Traité de non-prolifération nucléaire, en coopérant avec l’AIEA (c’est-à-dire hors Conseil de Sécurité) et en confirmant le droit de l’Iran à développer l’énergie nucléaire civile.

Lavrov a également signé des contrats avec son homologue iranien pour montrer que la Russie ne prêtait pas attention aux promesses de sanctions de Washington. Moscou a ainsi rappelé qu’elle est la seule qui a le pouvoir d’épauler et protéger Téhéran et au passage, les deux hommes ont également évoqué Bouchehr, cet objet indispensable pour la stratégie iranienne de crise nucléaire permanente.

Moscou n’est pas hostile à ce genre de crise, mais elle veut que l’Iran devienne tel les pays satellites de l’ère soviétique, son allié inamovible. Qu’ensemble, ils puissent multiplier les crises et éreinter l’Amérique, mais sachant que les mollahs ne rêvent que d’Amérique et qu’ils n’accepteront jamais son offre, Moscou a choisi une voie médiane, juste pour faire durer la crise actuelle en espérant qu’elle contribuera à nuire à la présence américaine en Irak.

Voie médiane Russe | Le 1er décembre, après l’annonce de la rencontre bilatérale Iran-Amérique, les russes avaient déjà fait pression de la même manière en confirmant leur décision de délivrer le combustible (et Bouchehr), mais sans donner de date. Cette fois, ils ont rappelé cet accord toujours sans donner de date.

Selon le président de la compagnie publique russe chargée de la construction de Bouchehr, la presse saura la date quand la livraison aura été effectuée, mais en tous les cas six mois après la mise en service de la Centrale ! Or précédemment, il était question de livrer le combustible 6 mois avant la mise en service !

Délais gigognes | Les russes ne cessent de changer les règles -même techniques- pour retarder au maximum cette livraison qui pourrait sonner le glas de leur alliance privilégiée avec Téhéran. Non seulement le combustible arriverait désormais après la mise en service, mais ce responsable a précisé qu’il fournirait en fin décembre 2007, c’est-à-dire en 2008, les modalités de l’achèvement des travaux, l’achèvement qui doit précéder la mise en service (qui doit précéder le combustible)... On est dans les délais gigognes ! Plus flou ce n’est pas possible. Les mollahs ont fait plein de cadeaux contrats aux russes, qui ont tout pris sans rien lâcher sur Bouchehr, plus que jamais l’otage des russes.

Au plus tôt, Téhéran peut espérer une livraison (de la centrale) dans 7 à 13 mois. Dans ce délai, Téhéran doit se garder d’accepter une entente avec les américains sinon il doit dire adieu à Bouchehr, sa seule garantie de crise et capitulation face aux américains. Les russes espèrent que dans ce délai de 7 à 13 mois voire plus, les américains finiront par rompre et lâcher l’Irak et l’Afghanistan. Comme nous l’avons écrit dans notre dernière analyse sur l’alliance Iran-Russie, à défaut d’un axe Téhéran-Moscou, les russes se contenteront d’un déclin régional des américains.

En 2008 | En tous les cas, les mollahs ne sont pas au bout de leur peine. Moscou propose la création d’une co-entreprise russo-iranienne pour l’exploitation de Bouchehr afin de garantir la sécurité. En réalité, Moscou veut garder la maîtrise des mollahs qui sont ses meilleurs alliés, ils contrôlent les milices islamistes, gouvernent un pays charnière, et ensemble, ils possèdent la moitié des réserves gazières du monde.

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Quand la Russie se fâche !
- Iran : Décodages d’un retournement inattendu de la Chine et de la Russie
- (21 novembre 2007)

Pour en savoir + sur Bouchehr :
- Iran : Bouchehr, la centrale Russe, otage de Moscou
- (6 JUILLET 2007)

| Mots Clefs | Nucléaire : Equipements & Centrales |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Alliance IRAN-RUSSIE |

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