Alors que l’AIEA avait estimé dans son rapport publié jeudi que l’Iran avait fait des « progrès substantiels » pour révéler la nature et l’étendue de son programme nucléaire et que les mollahs continuent d’affirmer leur volonté de coopérer avec l’AIEA, en l’espace de deux jours, les chinois qui refusaient l’idée même d’une réunion au Conseil de Sécurité se sont ravisés, et les russes ont commencé à évoquer de graves déficits de coopération entre l’Iran et l’AIEA !

Les critiques formulées hier par Mikhaïl Kamynine, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères sont même plus virulentes que les critiques américaines ! Selon Kamynine, le rapport d’El Baradei n’est pas encore « un diagnostic positif définitif », et « l’AIEA ne peut pas encore confirmer l’absence d’une activité nucléaire non déclarée en Iran ». « Il reste pour cela beaucoup à faire à l’Iran dans sa coopération avec l’Agence », avait estimé Kamynine.

Que se passe-t-il ? La Chine et la Russie sont des alliés stratégiques des mollahs. Ces deux Etats ont besoin de l’Iran et de ce régime pour contrer les américains en Asie Centrale (cas russe & cas chinois) et au Moyen-Orient. A titre d’exemple, la Chine fournit des armes à Téhéran pour la guérilla irakienne.

Or, actuellement nous assistons à une lambada de séduction entre les mollahs et les américains au sujet de l’Irak, ces derniers sont allés jusqu’à reconnaître le rôle positif des mollahs dans la décroissance des actes terroristes en Irak ! Ce n’est pas tout à fait ce qu’attendent les chinois de leurs alliés iraniens à turbans !

Or, depuis le début de la crise, l’objectif de Téhéran a toujours été d’amplifier les crises qui l’opposent aux Etats-Unis pour arracher un consensus et aboutir à une entente régionale totale avec les américains. En attendant cette prouesse diplomatique, les mollahs entendent utiliser leur double alliance avec la Chine et la Russie pour neutraliser les sanctions du Conseil de Sécurité. La Chine et la Russie ont donc réagi pour rappeler aux mollahs qu’ils avaient eux aussi des obligations en échange.

Afin de venir diplomatiquement en aide aux mollahs, la Chine et la Russie ont toujours adopté un discours simple mais efficace qui est d’affirmer le choix de l’Iran de coopérer avec l’AIEA. Ces deux Etats restent donc sur la base de leurs déclarations précédentes et conformes à la conclusion de l’AIEA qui recommande une plus grande coopération entre l’agence et l’Iran. Cependant les deux alliés lâchent simultanément les mollahs pour leur rappeler qu’il ne faut pas les utiliser pour arriver à une entente avec leur pire adversaire commun. En restant sur la déclaration de la nécessité d’une plus grande coopération, la Chine et la Russie laissent la porte ouverte à un retour à leur langue de bois habituelle si Téhéran fait mine de se montrer moins réceptif à l’idée d’une rencontre (officiellement au sujet de l’Irak) entre les diplomates des deux pays.

Cependant, la Chine a déclaré qu’elle assisterait à une réunion de travail pour une nouvelle résolution seulement au début du mois de décembre. Téhéran a donc un certain délai pour raviser ses positions et donner à ses deux alliés les raisons de croire qu’il reste de leur côté pour combattre la présence américaine dans la région.

Cas similaires | Les chinois ont récemment pris de l’ascendant dans la crise en s’affirmant comme un nouvel allié stratégique de Téhéran au côté de la Russie. Cette dernière, vieille alliée des mollahs, s’était déjà trouvée dans des situations similaires où il lui fallait contrer des rapprochements entre les mollahs et les américains. Dans ces cas-là, la Russie avait toujours réagi en repoussant plus loin l’achèvement de Bouchehr. Très récemment, Poutine avait même évoqué une date de livraison au-delà de 2008 !

Or, au lendemain de la publication du rapport de l’AIEA, quand les mollahs ne dansaient pas encore la danse de l’amour devant les américains, les russes avaient même proposé de livrer le combustible nucléaire pour Bouchehr, livraison qui présageait un achèvement express de ce site car la livraison du combustible précède toujours de 6 mois la livraison des centrales nucléaires. Le rapprochement irano-américain aura sans doute des conséquences sur cette livraison et nous devrons dans les prochains jours voir émerger des plaintes russes sur de soi-disant paiement en retard ou sur des problèmes techniques insurmontables.

Un détail | La déclaration en faveur d’une livraison du combustible datait du samedi 17 novembre. L’annonce d’acceptation par les mollahs d’une invitation américaine datait du 20 novembre et du côté iranien, on dit que l’invitation via l’ambassade suisse est arrivée la veille : c’est également ce lundi 19 que les russes ont critiqué durement les mollahs pour leur déficit de coopération. L’un dans l’autre, une seule conclusion est possible : ils avaient eu vent de cette invitation. Les russes ont un mouchard dans l’ambassade suisse en Iran.

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