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Iran : Les diversions médiatiques du régime
01.08.2009

L’opposition hostile aux mollahs avait appelé à des rassemblements populaires dans 30 villes iraniennes à l’occasion d’une commémoration religieuse pour Neda le 30 juillet 2009. Cet appel a été entendu et suivi alors que pendant un mois, le Mouvement Vert et les chefs (Moussavi et Rafsandjani) avaient échoué dans toutes ses tentatives pour mobiliser les Iraniens. Pour sauver le Mouvement Vert qui devait être une révolution de couleur mais pro islam et pro-Khomeiny, le régime a demandé aux journalistes complaisants de réécrire le récit de cette journée, de manière à recentrer l’action sur Moussavi.



Pourquoi ce recentrage ? | Le 12 juin dernier, le régime a organisé son élection présidentielle opposant Ahmadinejad à trois candidats modérés. Le régime et les journalistes spécialistes de l’Iran qui sont aussi ses lobbyistes ont oublié de préciser que ces trois candidats modérés étaient depuis 21 ans des membres nommés à vie du Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime, organisme créé et présidé par Rafsandjani, une sorte de cabinet fantôme qui définit légalement toutes les politiques du régime dans tous les domaines. En d’autres termes, les vrais patrons du régime ont mis en scène une élection avec leur employé Ahmadinejad.

Le 13 juin, les 3 soi-disant modérés et leur chef Rafsandjani ont contesté les résultats de l’élection qui venaient d’être confirmés par l’ayatollah Jannati, président du Conseil de Gardiens. Ce dernier a refusé de les écouter ! Il est important de préciser que ce Jannati est aussi un membre du Conseil de Discernement, le cabinet fantôme qui dirige le régime depuis 21 ans. Ce refus calculé a été suivi de manifestations de jeunes gens vêtus de vert qui réclamaient une annulation des résultats en parlant de fraude. La milice dirigée par un autre membre à vie du Conseil de Discernement de l’Intérêt restait volontairement en retrait. Les membres du Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime étaient en train d’organiser une révolution de couleur menée par des jeunes qui réclamaient un régime islamique démocratique !

Cette révolution de couleur menée par les jeunes était une opération publicitaire uniquement destinée aux Occidentaux pour donner de l’Iran l’image d’un pays où la jeunesse ne cherche aucun changement de régime car elle peut trouver son bonheur dans un système juste sous la direction avisée de dirigeants modérés. Le régime allait ainsi accorder un lifting aux membres à vie du Conseil de Discernement et aussi donner une légitimité démocratique à leur projet permanant comme le refus de compromis avec les Etats-Unis. Sur un plan pragmatique, le régime espérait que poussé par l’opinion internationale, Obama apporterait son soutien à ce mouvement jeune et démocratique et à son leader Moussavi, ce qui aurait été synonyme d’un soutien implicite à son programme électoral en tout point identique à celui d’Ahmadinejad. Le régime voulait piéger Obama afin qu’il ne puisse lui demander de faire des compromis sur le nucléaire ou encore sur le Hezbollah.

Gestion dynamique de la crise | Ce projet ambitieux a tourné à la catastrophe car Obama, un temps trompé, s’est ressaisi et le 15 juin, profitant de l’absence visible de la milice, les Iraniens sont massivement descendus dans les rues pour contester le régime tout entier.

Le 15 juin à 15 heures, le régime a été surpris par le nombre des manifestants et à 19 heures, il a ouvert le feu quand les slogans ont commencé à évoquer une grève générale et aussitôt, il a aussi interdit à la presse étrangère, son lien avec les Occidentaux, de couvrir les évènements, une mesure qui est restée en vigueur jusqu’au 25 juin quand il a réussi à éteindre cet incendie.

Dès le lendemain, il a organisé la contre-offensive pour sauver son projet de révolution verte en agissant sur deux axes. Il a infiltré ses agents dans la foule pour prendre en main la gestion des slogans : pour garder le soulèvement aussi proche que les objectifs du mouvement vert et éloigner le spectre du slogan « Mort à la république islamique » entendu à plusieurs reprises. Et parallèlement il a entrepris de diffuser via des journalistes complaisants comme Delphine Minoui ou Marie-Claude Descamps, des nouvelles sur l’adhésion des manifestants au mouvement vert et leur attachement à Moussavi alors qu’il n’y avait rien de moins vrai. Moussavi avait d’abord appelé la foule à se démobiliser avant d’appeler les forces de l’ordre à faire usage de la force contre ceux qu’il avait qualifiés de casseurs ou de terroristes.

En dissimulant ces infos, les journalistes liés aux mollahs ont aussi court-circuité la transmission de l’info sur le nombre des personnes arrêtées, blessées ou tuées : tout ce qui n’était pas prévu dans le programme de la révolution verte a été zappé, pour rester focaliser sur ce qui était prévu : Moussavi et le mouvement vert.

Gestion de l’info du 15 juin au 25 juillet | Une fois le soulèvement maté, le régime a même entrepris d’effacer la trace des évènements du 15 au 25 juin avec des récits journalistiques hallucinants niant les violences et les morts que chacun avait vus sur les images amateurs publiées sur Youtube.

Delphine Minoui s’est alors distinguée avec deux articles sur le soulèvement où les évènements du 15 au 25 juin occupaient 1% du récit ce qui lui permettait de situer l’action aux 13 et 14 juin, dates du lancement avorté de la révolution verte. La raison de ce regain de désinformation résidait dans l’incapacité pour le régime de relancer la révolution verte et à mobiliser la foule sous la bannière verte derrière Moussavi ou encore Rafsandjani. Il y a eu plusieurs tentatives mais zéro mobilisation populaire hors les 3000 figurants habillés en vert. À chaque fois, cette presse a évoqué une vaste mobilisation sans bien évidemment montrer les images qui la prouvaient. Le 21 juillet, le régime a touché le fond avec un rassemblement de moins de 100 personnes !

nouveaux imprévus, nouvelle désinformation | C’est dans ces conditions que l’opposition à l’origine du soulèvement a évoqué la possibilité de manifester le 30 juillet en mémoire des victimes du soulèvement en profitant de l’autorisation accordée par la loi de commémorer les morts 40 jours après leur disparition. Conscient de l’ampleur de la mobilisation, le régime a cherché à la placer sous la bannière verte : Moussavi a appelé les Iraniens à venir pleurer avec lui les morts à la grande salle de prière de la mosquée Khomeiny à Téhéran loin de tout discours ou slogan. Les opposants sont passés outre en appelant à des manifestations urbaines pour désorganiser le trafic et le déplacement des miliciens. Moussavi a réédité son appel à un rassemblement statique loin de tout discours ou slogan. Nous avons signalé cette rupture entre les deux camps, c’est alors que nous avons assisté à un retour de Delphine Minoui qui a évoqué un « appel de Moussavi demandant à ses partisans de descendre dans les rues ». C’était une pure invention à l’usage de l’opinion occidentale pour attribuer à Moussavi la foule attendue dans les rues pour défier le régime.

Le jour J, Moussavi n’était pas dans les rues pour saluer ses partisans car il n’avait pas lancé d’appel en ce sens. Il ne s’est pas non plus rendu au Mossalâ (salle de prière) de la mosquée de Khomeiny car les Iraniens n’y étaient pas à sa demande. Les Iraniens avaient préféré aller se recueillir sur le tombeau de Neda.

Pour rester au contact de cette foule imprévisible, le régime a expédié Moussavi, son épouse et l’autre candidat modéré au cimetière. Ce déplacement n’avait pas été prévu ou signalé à la presse étrangère par des personnes comme Delphine Minoui : pour dissimuler son côté improvisé, les médias du régime ont prétendu que les forces de l’ordre avaient empêché ces politiciens d’accomplir leur devoir de mémoire. Nous avions remis en cause ce récit repris par Delphine Minoui. L’absence de vidéos amateurs de cette bousculade était suspecte, mais hier nous avons reçu des photos : Les forces de l’ordre n’empêchaient pas Moussavi et les autres de débarquer.
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Sans se soucier de cette réalité, ce récit qui recentre l’action sur Moussavi a été repris par Marie-Claude Descamps dans le Monde. D’autres reprendront son article. C’est l’effet boule-de-neige, formidablement efficace pour ajouter des couches inédites au fur et à mesure pour réparer les oublis. Voici un exemple de cette méthode de correction : alors que les images amateurs de la journée montrent des rassemblements sur l’axe commerçantes de Vali Asr ou à des carrefours, dans sa version pour le Monde, MC Descamps a ajouté un fait nouveau : les rassemblements de la journée ont selon elle eu lieu au Mossalâ, lieu de prière qui avait été proposé par Moussavi !

Comme pendant les évènements du 15 au 25 juin, nous constations une volonté de créer un lien entre la foule et Moussavi et ce malgré les faits, les images et les slogans ! Nous retrouvons également la volonté de dissimuler l’ampleur de la répression. Sur des informations fournies par le régime, Minoui et Descamps ont également évoqué l’arrestation de plusieurs cinéastes iraniens dont Jafar Panahi aux abords du tombeau de Neda. Rappelons que Panahi fait partie de ces intellectuels iraniens qui font semblant d’être des dissidents, mais voyagent à travers le monde avec des passeports fournis par le régime. Dans leurs voyages, ils ne dénoncent aucun cas de violation des droits de l’homme et en plus font la promo des soi-disant modérés pour donner une image relativement démocratique de ce régime.

En évoquant cette arrestation, les deux journalistes ont permis au régime d’opérer une diversion : alors que ce 30 juillet 2009 plus de 60 personnes ont été arrêtées comme casseurs ou terroristes et risquent des peines lourdes allant jusqu’à la pendaison, hier Frédéric Mitterrand a protesté au nom de la France uniquement contre l’arrestation de Jafar Panahi !
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Le jeudi 30 juillet, des dizaines de milliers d’Iraniens étaient dans la rue pour crier leur rejet du régime, deux jours plus tard, il n’en reste dans les médias occidentaux rien d’autre que des faux récits évoquant leur soutien à Moussavi le candidat du régime. Il va falloir sans doute que nos compatriotes crient d’autres slogans non influencés par le régime, des slogans plus explicitement hostiles au régime.


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Pour en savoir + :
- Iran : Téhéran impose sa gestion de l’info
- (14 JUILLET 2009)

Le 30 Juillet en 15 vidéos :
- Iran : La foule revient enfin avec un slogan anti-régime
- (31 JUILLET 2009)

Article copmplémentaire :
- Iran : Une chose qui fait trop peur aux mollahs !
- (30 JUILLET 2009)


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| Mots Clefs | Institutions : Désinformation et fausses rumeurs |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Delphine Minoui |
| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Le Monde (Marie-Claude Decamps, Corine Lesne...) |

| Mots Clefs | Résistance : Lobby pro-mollahs en France et ailleurs |

| Mots Clefs | Résistance : Manifestations hostiles au régime |
| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |