Le 13 juin dernier, le régime a décidé de lancer sa propre révolution de couleur, le mouvement vert qui contestait les résultats de l’élection sous la direction de Moussavi et Rafsandjani , deux figures historiques de la révolution islamique. Il espérait simuler via cette révolution de couleur et ses dirigeants une sorte de plébiscite par la jeunesse des figures historiques de la révolution et de leurs valeurs initiales, comme le refus de compromis avec les Etats-Unis, afin de refuser durablement la main tenue par Obama au nom du respect d’un choix de la jeunesse iranienne.

Le 15 juin, l’opération a dérapé car les Iraniens sont descendus massivement dans la rue non pas pour Moussavi mais contre le régime ! Paniqué, le régime a ouvert le feu avant d’interdire à la presse étrangère de couvrir les évènements.

Pour calmer le jeu, après 36 heures de flottement, le 17 juin, le régime a mis en avant Moussavi qui a comme maintenant appelé à un rassemblement funéraire. Cet appel a été ignoré : le régime a compris que le soulèvement était sérieux et Moussavi dépassé. Moussavi a alors oublié son rôle de contestataire solidaire pour écrire une lettre ouverte au Guide Suprême afin de lui demander d’agir avec la plus grande fermeté contre ceux qui participaient à des manifestations hostiles au régime. Par la suite, le régime a annoncé un certain nombre d’arrestations et de pendaisons sans susciter une vive protestation de la part de Moussavi et ses amis du mouvement vert. Leur soudain intérêt pour les victimes tient comme pour le 17 juin à une volonté de calmer le jeu.

Neda Agha Soltan, symbole de toutes les victimes du soulèvement du 15 au 25 juin, a été tuée il y a 35 jours. Selon les rites de l’islam, on organise une cérémonie d’hommage pour le défunt au 40ième jour de sa mort. Pour Neda, ce 40ième jour sera le jeudi 30 juillet.

Selon l’usage, on peut former des processions et pleurer ses morts dans des marches enflammées ponctuées de slogans. Téhéran connaît la charge symbolique de cette journée, la portée révolutionnaire des processions religieuses, et il craint qu’à cette occasion ne reprennent les manifestations hostiles au régime. C’est ce qui motive cette demande précise d’un rassemblement religieux dans un lieu fixe.

Il s’agit d’encadrer et canaliser une éventuelle reprise de la contestation hostile au régime en la plaçant de force sous la bannière verte. Téhéran espère ainsi redonner vie à son mouvement vert qui n’existe plus ou à défaut, de pousser les Iraniens à rester chez eux par crainte d’être comptabilisés comme Moussavistes, c’est-à-dire partisans du régime islamique.

Téhéran avait agi exactement ainsi pour neutraliser la journée du 9 juillet, anniversaire du mouvement estudiantin de 1999, date symbolique pressentie par l’opposition en exil pour redémarrer les manifestations hostiles au régime. Pour dissuader les Iraniens, le mouvement vert avait lancé un appel tardif à manifester sur les parcours choisis par l’opposition en exil. Il avait alors réussi à réduire la mobilisation de 80%, mais un certain nombre de manifestants avaient emprunté les parcours en vue de créer un grand cortège autonome. Conscient de ce risque, le régime avait placé des barrières policières et avait pu empêcher la formation de ce cortège. Cette fois pour réduire encore les risques, il a pris les devants avant l’opposition en exil en augmentant les contraintes : un rassemblement statique dans un lieu connoté pro-régime (le Mossalâ de Téhéran) et l’obligation du silence.

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