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Iran - Salehi : Une nouvelle stratégie au sommet
14.12.2010

En se basant sur la presse iranienne (contrôlée par le régime), les médias étrangers affirment que Mottaki, le ministre des affaires étrangères de la république islamique a été limogé car il avait accepté de faire un geste de modération dans la politique nucléaire du régime. Les médias occidentaux devraient mieux étudier la constitution iranienne : le programme nucléaire n’est pas géré par le ministère des affaires étrangères, mais par le Conseil national de Sécurité. Téhéran manipule les Occidentaux. Il cache son jeu. | Décodages |



Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mottaki, a cédé sa place à Ali-Akbar Salehi, le responsable du programme nucléaire. On nous parle du départ d’un modéré et de son remplacement par un ultra dur. Outre le fait que la politique nucléaire n’est pas gérée par le ministère des affaires étrangères, le nouveau venu Salehi a toujours officiellement eu une étiquette d’ultra modéré. C’est pourquoi il a d’ailleurs été nommé à la direction du nucléaire quand en juillet 2009 le régime était passible de nouvelles sanctions après avoir aligné les provocations pour faire reculer les Américains devant le risque d’une guerre. Avec sa nomination, le régime voulait insinuer un possible apaisement pour écarter l’adoption de nouvelles sanctions.

Mais d’un point de vue technique, il s’agissait d’une promesse sans fondement car le directeur du programme nucléaire n’est en aucun cas une instance décisionnaire politique. Le choix de la politique nucléaire iranienne n’appartient même pas au Conseil (iranien) de Sécurité qui est chargé du volet politique du programme comme un ministère. Ce choix appartient au Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime (CDIR) dont les 23 membres à vie décident l’ensemble des politiques iraniennes dans tous les domaines sans aucune exception. Les choix sont faits par le Conseil de Discernement, le Guide atteste de leur conformité avec les principes de l’islam (c’est un simple contrôleur et non le chef du régime) et les divers ministres du gouvernement mettent en œuvre ces politiques. Dans le cas du programme nucléaire, le Conseil de Discernement passe par le Conseil (iranien) de sécurité dont le directeur est un homme sûr introduit auprès du Conseil de Discernement (souvent un membre ou un futur membre). Mais ce directeur reste un exécutant : il porte d’ailleurs le titre de négociateur pour le programme nucléaire. Il ne peut aller à l’encontre des choix du Conseil de Discernement.

C’est pourquoi en juillet 2009, la nomination de Salehi « le modéré » à la tête du programme nucléaire ne pouvait avoir une incidence sur la politique nucléaire du régime. Cette nomination ne valait que par la publicité qui lui a été donnée par le régime : Téhéran a mis en avant une possible interruption de l’enrichissement sur la base d’une déclaration attribuée au nouveau venu. Téhéran voulait obtenir une levée des sanctions. Il n’a obtenu qu’une pause, d’ailleurs indépendamment de cette nomination car Washington en octobre 2009 a lui-même relancé sa politique d’apaisement vis-à-vis des mollahs en insistant sur d’éventuels arrangements (comme le projet d’échange de combustible) ou en remettant indirectement en cause l’efficacité des sanctions par voie de presse, car il les sanctionne pour arriver à une entente et non à propos d’un programme nucléaire dont les responsables ne sont même pas en mesure de faire démarrer la centrale civile de Bouchehr sans l’aide des Russes. Le fait est que Washington a besoin d’un allié islamiste pour agiter l’Asie Centrale musulmane pour la dérober à l’influence de la Chine et de la Russie. Le régime des mollahs est un allié idéal. Mais ses dirigeants (du Conseil de Discernement et leurs sous-fifres qui jouent aux ministres, députés, etc...) ne peuvent pas accepter car Washington a ses propres islamistes qui pourraient revenir en Iran dans le cas d’une entente irano-américaine pour prendre le pouvoir de l’intérieur par des élections organisées par les mollahs eux-mêmes.

De fait, on peut dire que la direction vieillissante du Conseil de Discernement a manqué de discernement avec la nomination d’un modéré pour atténuer les sanctions américaines dans un conflit complexe qui ne peut se terminer que par la victoire du plus fort, c’est-à-dire les Etats-Unis. Ce Conseil qui refuse toute entente (car il est composé d’hommes sous mandats d’arrêt internationaux) est d’ailleurs en crise : l’un de ses membres, Ali Larijani, veut renverser le créateur et directeur à vie de ce Conseil, Rafsandjani, lui aussi recherché par Interpol. Il avait déjà tenté le coup par le passé, mais il a échoué et son homme de confiance chargé de la gestion de son réseau, Ali Kordan, a été humilié et limogé afin qu’il perde le bénéfice de son réseau [1]. Dès lors que Rafsandjani a éliminé la menace, il a continué sa politique de refus de tout compromis avec l’aide de gens comme Ahmadinejad ou Mottaki qui sont des sous-fifres avec un passé lourd [2] donc solidaires. Le régime s’est alors retrouvé dans une démarche de provocation dure avec un modéré à la tête de son programme nucléaire !

Cette fuite en avant a provoqué un renforcement progressif des sanctions. Le régime mené par Rafsandjani a dû augmenter les prix pour habituer les Iraniens à consommer peu alors que le pays manque des devises pour assurer son approvisionnement notamment pour les produits énergétiques en particulier le kérosène ou pétrole lampant nécessaire pour la production d’électricité. Ces choix extrémistes ont convaincu les Bazaris qui sont des gens réalistes, mais aussi les jeunes des diverses milices à rompre avec le régime et même avec l’islam car ils boycottent aussi bien les évènements politiques que les manifestations islamiques et les fêtes chiites. Les mollahs ont dévalorisé l’islam et le régime est menacé par les islamistes pro-américains mais plus encore par un soulèvement patriotique pour l’établissement d’un régime laïque.

Dans cette nouvelle situation, le régime se résume à ses dirigeants et leurs sous-fifres, les directeurs, préfets ou commandants qui ont des postes à responsabilité et pourraient être inquiétés voire lynchés par un peuple longtemps malmené en cas d’un changement de régime quel qu’il soit. La seule option de ce noyau dur du régime est de résister à tout changement. C’est pourquoi dernièrement Larijani a lui-même changé : il veut toujours la direction [3], mais pragmatiquement il ne peut plus envisager une option avec une entente. Il n’en reste pas moins que le noyau restant du régime est instable, beaucoup sont tenté par la rupture, pour éviter de les perdre, le régime roule les mécaniques, élimine les dissidents potentiels, mais pour une solution plus durable il doit obtenir un allégement des sanctions ou mieux encore sa grande crise.

Adepte des solutions du genre compliqué, pour mener à bien ce double objectif contradictoire, dernièrement, le régime a accepté le dialogue pour plaider la baisse des sanctions, mais il avait préparé des provocations basées sur des insinuations softs comme la production du Yellow Cake (motif de l’attaque contre Saddam) pour déclencher une crise avant ou pendant sa rencontre avec les Six à Genève. Mais les Américains ont esquivé d’abord pour éviter la crise puis pour ne pas saboter l’entente. En esquivant, ils ont engagé les mollahs dans un processus d’apaisement.

Le régime s’est retrouvé dans une situation délicate : il doit refuser l’apaisement, mais tout en restant soft pour ne pas déplaire aux derniers fidèles indécis, notamment les préfets et les militaires [4] qui sont les derniers maillons capables de tenir le terrain d’où cette manipulation : l’insinuation soft d’un durcissement avec un ex-modéré [i]
qui serait là provisoirement ! C’est la nouvelle stratégie au sommet d’un régime vieillissant, acculé et haï qui s’effrite par le bas. Un durcissement indécis.


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Pour en savoir + sur notre analyse :
- Iran : La semaine en images n°147
- (12 DÉCEMBRE 2010)

| Mots Clefs | Institutions : Provocations |
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |
| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie Islamique |
| Recherche Par Mots Clefs : Pourquoi les réformes ? |
| Mots Clefs | Réforme & dissidence : Mollahs et Pasdaran Réformateurs |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Rafsandjani |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Ali Larijani |

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[1Ali Kordan a finalement été éliminé en novembre 2009.
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[2Manouchehr Mottaki, né en 1953, a fait carrière dans les Renseignements (sous couverture diplomatique) comme directeur de la programmation des opérations internationales (création de réseaux, opérations terroristes ou assassinats d’opposants).

Il a par la suite était vice-président de l’Organisation des Relations Islamiques. Cet organisme a pour mission la promotion internationale du fondamentalisme islamique et la coordination de l’exportation de la Révolution Islamique. À ce poste, Mottaki a eu pour mission le recrutement et la formation des terroristes étrangers.

Il a également été sous-directeur du service juridique et international du ministère des affaires étrangères. A ce poste, il encadrait les agents de la Division Qods en mission sur des opérations terroristes à l’étranger. Il devait également leur fournir des passeports diplomatiques, mais aussi prévoir et fournir tous les besoins logistiques pour la mission.

Ce terroriste a été qualifié de "diplomate de carrière" par Delphine Minoui, l’attachée de presse non officielle du régime des mollahs.
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[3Larijani a de facto pris la place de Rafsandjani car on ne voit plus ce dernier. Il est possible que le transfert du pouvoir ait été gardé secret afin de pas paniquer les indécis.
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[4Hier, le commandant de l’armée de terre de la région nord-ouest du pays a été tué dans un accident de route dans le sud du pays. Hasard ou élimination. Nul ne saurait le dire.
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[iNote | C’est une occasion pour rappeler que le régime a lancé son show de réformes avec des soi-disant modérés quand en 1996 il était en danger. Il avait alors choisi parmi ses plus durs les plus fidèles pour jouer le rôle de modérés. L’effondrement interne a changé la donne. On tombe le masque pour sauver le système.
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