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Iran : L’offrande afghane d’Hillary Clinton
07.03.2009

Hillary Clinton vient d’officialiser l’invitation lancée aux mollahs de participer à la conférence internationale sur l’Afghanistan, le 31 mars à La Haye. Même si l’invitation relève d’une nécessité militaire (empêcher les livraisons iraniennes d’armes russes aux Talibans), c’est une nouvelle tentative pour provoquer un face à face irano-américain.



Contrairement à ce qu’affirme Corine Lesne (la correspondante du Monde), ce n’est pas la première ouverture concédée par l’administration Obama aux mollahs. Depuis des semaines, les Américains envoient des signaux encourageant l’ouverture du dialogue : cela a été vu dans les premiers discours d’Obama (que l’on n’entend plus sur le sujet), puis il y eut « sa main tendue » , et finalement plusieurs initiatives culturelles ou diplomatiques.

La semaine dernière a même été très riche en ce genre d’initiatives dont le point d’orgue a été une invitation en Irak de Rafsandjani, le véritable patron politique du régime. Téhéran, qui demande entre autres une levée de toutes les sanctions américaines comme une condition préalable à toute ouverture de négociation, s’attendait à ce que l’invitation faite au patron du régime soit synonyme d’un assouplissement des sanctions contre l’Iran. Mais les Américains ne sont pas allés dans ce sens et en guise d’apéritifs, ils ont encore proposé une expulsion vers un pays tiers de l’OMPI. En conséquence, Rafsandjani n’a fait aucune déclaration sur une ouverture de dialogue et avant même son retour en Iran, les Américains ont décidé de lancer de nouvelles sanctions contre les mollahs dont notamment le boycott du plus important établissement financier iranien basé à Dubaï qui est chargé de trouver des investissements ou des lettres de crédit pour les achats iraniens à l’étranger.

Comme nous l’avons précisé dans l’analyse consacrée à cette semaine extraordinaire, la nouvelle administration (comme la précédente) enchaîne des offres de compromis et des sanctions. Plus tôt en 2008, l’administration Obama avait évoqué un recours à de plus grandes carottes et de plus gros bâtons, la semaine dernière, il a dévoilé quelques exemples de ces outils diplomatiques plus gros. Cette semaine, il en dévoile d’autres avec l’évocation de la participation des mollahs à une conférence sur l’Afghanistan. Parmi les carottes afghanes, il y a la participation en elle-même, mais aussi une couverture médiatique importante accordée à la nécessité de cette coopération régionale.

Ainsi la chaîne publique Voice of America (VOA) a fait grand cas de la participation de Karim Sadjadpour, un important lobbyiste du régime, aux auditions de John Kerry, le président de la commission des affaires étrangères du Sénat américain. Mais ce n’est pas tout. Le mardi 5 mars, John Kerry (en tandem avec des experts israéliens) avait évoqué l’utilité d’un dialogue, mais à durée limitée. Or hier, Brzezinski, le gourou de la diplomatie américaine, a pris la parole pour critiquer l’idée d’un dialogue à durée limitée. Ainsi, en jouant le scénario du gentil flic contre le méchant flic, il a laissé entrevoir à Téhéran que le discours de l’Etat américain était modulable. Au passage, Brzezinski a oublié de mentionner Kerry pour ne critiquer que les auteurs Israéliens de ce projet de dialogue à durée limitée, en affirmant pour faire plaisir à Téhéran, que l’Amérique ne devait pas se laisser guider par un allié manquant d’impartialité : petit clin d’œil à la demande iranienne de rompre avec Israël, autre condition iranienne pour faire démarrer les négociations. La journée a été consacrée à des déclarations sur la bienveillance de Téhéran (en se basant sur le rapport de l’AIEA !) et nécessité d’un dialogue modéré, sans condition inacceptable, sans limitation et sans restriction de sujets.

Les intervenants à l’audition de Kerry ont évoqué un grand nombre de bonnes raisons pour parler aux mollahs, mais tous ont oublié d’évoquer les livraisons iraniennes d’armes russes ou chinoises aux Talibans, ce qui est sans doute la seule raison valable pour cette rencontre. Cette amnésie volontaire, compréhensible chez un lobbyiste iranien comme Sadjadpour mais inhabituelle chez les autres intervenants, a persuadé les mollahs que tout cela restait de la rhétorique, une tactique pour les attirer dans des négociations qu’ils jugent inopportunes car ils n’estiment pas disposer d’atouts pour faire pencher l’issue en leur faveur. Par le passé, les mollahs avaient envoyé des émissaires à ce genre de rencontre sur l’Afghanistan, mais c’était à un moment où ils jouissaient d’une certaine réputation dans le terrorisme en Irak et au Liban. Après l’élection d’Obama et l’évocation d’un nouveau format de dialogue, ils ont fait faux-bond à la dernière édition des rencontres qui se tenaient à Paris le 14 décembre 2008. Ils avaient d’abord accepté, mais ils ont annulé à la dernière minute en prétextant des propos impolis de Nicolas Sarkozy sur Ahmadinejad.

En vérité, il faut préciser que ce régime, que l’on associe au terrorisme, ne peut en aucun cas refuser des invitations pour une aussi noble cause que la stabilité de l’Afghanistan. C’est pourquoi, il accepte avant d’annuler pour éviter le face à face avec les Américains.

Cette fois aussi, les raisons pour bouder ne manqueront pas ! La présente invitation avait initialement été formulée par Franco Frattini, le ministre italien des affaires étrangères. Il devait d’ailleurs se rendre en Iran pour remettre personnellement l’invitation à son homologue iranien, le milicien Mottaki. L’empressement des Italiens tient au fait qu’ils ont d’importants intérêts en Iran et espèrent devenir un intermédiaire indispensable afin que les Etats-Unis acceptent enfin leur adhésion aux groupe des Six. Or, Frattini, grand ami de la communauté juive italienne, a dû décommander sa visite de courtoisie en Iran après le discours du guide suprême sur la « nécessité de combattre par le Jihad » l’état d’Israël, cette « tumeur cancéreuse » ! Si le prétexte de Frattini ne convenait pas, Téhéran pourrait prétexter le mandat d’arrêt contre le Soudanais Omar Al Bachir, grand ami des mollahs et du Hezbollah.

Le 31 mars est loin, ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre aux mollahs pour se défiler à la dernière minute. En attendant, ce régime que l’on dit un facteur de stabilité pour l’Afghanistan, continuera à aider les Talibans en leur offrant des armes iraniennes, russes ou chinoises et une base arrière pour leur logistique. Ce comportement qui incompatible avec les efforts diplomatiques américains qui pourrait remettre en cause toute la stratégie d’Obama explique aussi le retrait médiatique du nouveau président et la mise en avant de sherpas comme Kerry ou Clinton.

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Pour en savoir + :
- Iran-Obama : Opérations de charme et sanctions très sévères
- (5 MARS 2009 )

| Mots Clefs | Décideurs : Hillary Clinton |
| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Histoire : Brzezinski et Carter |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Afghanistan |