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Décodages des propos modérés d’Ahmadinejad et des réactions
04.02.2010

Hier lors d’une interview à la télévision iranienne, Ahmadinejad a exposé les résultats de ses conversations secrètes avec les Occidentaux, révélant des reculades occidentales sur des points essentiels avant d’annoncer que dans ces conditions, l’on pourrait envisager une certaine coopération. Alors qu’il était resté sur ses positions d’avant (coopération à mes conditions), les médias occidentaux ont parlé d’une volonté d’apaisement alors que les politiques ont parlé de la nécessité d’attendre. Il y avait pourtant dans les propos tenus par ce dernier de quoi évoquer l’absence de toute volonté d’apaisement et la nécessité de ne plus attendre. | Décodage des réactions |



Ayant d’importants intérêts économiques ou/et pétroliers en Iran, les Européens, les Chinois et les Russes ne veulent pas sanctionner l’Iran car cela reviendrait à sanctionner leurs propres intérêts économiques voire stratégiques. Parallèlement, pour parvenir à éloigner l’Asie Centrale de la Chine, Washington compte sur une alliance avec les musulmans locaux, un objectif qui lui impose une entente avec les mollahs, champions du populisme islamique et idoles des masses musulmanes dans le monde. Une autre difficulté s’ajoute à ce refus généralisé pourtant autour d’intérêts contradictoires : la situation économique des mollahs est catastrophique. Il faut donc non seulement éviter de nouvelles sanctions, mais aussi geler les sanctions en cours, voire même relancer l’économie iranienne, sinon le régime tombe et tous les contrats signés se verront remis en cause au même titre que le rêve américain d’une mainmise sur la rue musulmane de l’Asie Centrale.

Bref, personne ne veut (et ne peut plus) appliquer de sanctions, mais personne ne sait comment les éviter car conscient de l’impossibilité tactique des sanctions, Téhéran multiplie les provocations pour mener le monde au bord d’une guerre menaçant l’approvisionnement pétrolier occidental afin d’obtenir la fin de toutes les sanctions à son encontre. L’objectif de ce chantage est notamment d’obtenir la fin des pressions contre le Hezbollah et le Hamas, les deux milices régionales, qui lui donnent la possibilité d’étendre ce chantage à l’échelle régionale.

Téhéran rend les choses difficiles d’où la nécessité pour les Occidentaux, notamment les Américains, de mettre en avant la possibilité de « poursuivre le dialogue ».

Les derniers propos d’Ahmadinejad s’inscrivent dans ce contexte et les réactions illustrent le degré de difficulté des relations avec Téhéran.

le contexte et l’alibi chinois | Il y a un mois finissait l’ultimatum lancé il y a un an par Obama pour accepter l’offre de l’échange d’au moins 75% du stock iranien de l’uranium faiblement enrichi contre du combustible franco-russe enrichi à 20%, une offre de nature à terminer la crise car, sans restreindre le droit des mollahs à tout niveau d’enrichissement, elle éliminait le stock théoriquement transformable en une bombe qui leur donne le pouvoir d’un chantage nucléaire. En prévision à une réponse négative de Téhéran, le président américain a oublié ses menaces de sanctions unilatérales faites en 2009 pour exiger des sanctions onusiennes, sanctions impossibles en raison de la contradiction entre les intérêts stratégiques américains et chinois. Téhéran avait alors joué la carte des provocations en faisant savoir qu’il allait annoncer le 11 février en l’honneur du 31e anniversaire de la révolution islamique sa capacité technique d’enrichir son stock à 20% (seuil militaire), ce qui allait rendre l’échange obsolète. Les Américains et les Français, grands partisans des sanctions onusiennes, avaient alors évoqué dans leurs médias l’opposition de la Chine qui en tant que président tournant du Conseil de Sécurité s’opposait à tout débat sur les sanctions.

la fin de l’alibi | Cela n’arrangeait pas les affaires de Téhéran qui a besoin d’une escalade pour faire céder les Américains. Il a donc attendu la fin de cette présidence alibi et l’arrivée le 1er février de la France à cette présidence tournante avant d’affirmer via Ahmadinejad sa disposition à « accepter le principe d’un échange suite à l’approbation secrète par les Occidentaux de ses conditions émises dans sa réponse officielle en octobre 2009 à savoir un contrat commercial sur des quantités choisies par Téhéran pour un échange en Iran après réception du combustible étranger ».

Téhéran a en fait remplacé ses provocations atomico-balistiques classiques par une provocation diplomatiquement plus fine en détournant à son avantage la dernière procédure existante pour justifier la « possibilité de poursuivre le dialogue ». Il ne pouvait être que gagnant : si les Occidentaux cédaient par volonté d’apaisement, ils acceptaient ses conditions dans leur propre offre qui contient un droit implicite à un enrichissement au-delà de 20%. S’ils refusaient son apaisement, il pouvait faire scandale.

Pour éviter l’escalade souhaitée par Téhéran sans lui donner raison, les médias ont mollement parlé d’une ouverture, minimisant sa portée en se rappelant tout d’un coup de l’absence de pouvoir des présidents de la république dans le régime des mollahs [1] et les responsables politiques des Six ont fait part de leurs doutes. Tout le monde a joué profil bas surtout les Français qui ont actuellement la présidence tournante du Conseil de Sécurité.

Incorrigibles, les mollahs ont enchaîné sur une provocation plus classique : des fusées qui vont dans l’espace, c’est-à-dire très loin, autrement des missiles avec une longue portée. Les médias occidentaux ont alors imité les Américains en ce domaine en mettant tout au conditionnel, nouveau régime de base pour éviter l’escalade. Dépités, les mollahs trouveront autre chose…

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
On ne le répétera jamais assez : le régime des mollahs a des spécificités politiques dans ses discours et alliances (Syrie, Hamas, Hezbollah) qui en font un outsider agressif. Il ne peut pas dans ces conditions choisir l’apaisement ou le compromis, il continuera ses manigances pour obtenir des passe-droits (nucléaires, balistiques et terroristes) qui peuvent lui assurer des moyens de pression sur ses voisins alliés de l’Occident. De fait, il n’est pas possible de sortir de cette impasse en continuant à se voiler la face sur ce qu’il est.


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Article complémentaire :
- Iran : Vers une impasse
- (30 JANVIER 2010)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Institutions : Provocations |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Ahmadinejad |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |
| Mots Clefs | Pays : France |

[1Au sein de la république islamique d’Iran, le Président de la république n’a aucun pouvoir, ce qui au passage minimise la portée de l’élection de Moussavi.