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Iran : Décodages du prochain rapport de l’AIEA
13.11.2009

Très régulièrement après chaque offre de dialogue faite aux mollahs par le groupe des Six (les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité plus l’Allemagne), l’AIEA doit soumettre à ce groupe un rapport sur l’évolution du parc nucléaire iranien afin de savoir s’il faut ou pas renforcer les sanctions contre ce pays. Alors que Téhéran n’a donné aucune suite constructive aux deux dernières offres de dialogue qui lui ont été soumises depuis la publication du précédent rapport de l’AIEA, cet organisme onusien s’apprête à publier un rapport qui conclut à une vraie volonté de dialogue. | Décodages |



En juillet dernier, les Américains, maîtres d’œuvres du bras de fer contre Téhéran, l’ont menacé de nouvelles sanctions s’il n’acceptait pas de reprendre les négociations. Ils ont évoqué la possibilité d’un embargo sur le carburant : une sanction susceptible de provoquer une explosion sociale à laquelle ne survivrait pas le régime.

Affaibli par les sanctions déjà en vigueur, Téhéran n’a néanmoins pas obtempéré car il avait le soutien implicite de Moscou. En septembre grâce à un deal sur l’ABM et la Géorgie, Washington a acheté l’adhésion de la Russie qui était hostile aux sanctions. Il a réduit le camp des pays hostiles aux sanctions à deux membres (la Grande-Bretagne et la Chine) et constitué une petite majorité acquise à ses pressions, forçant Téhéran à changer d’avis.

Au cours de la rencontre qui eut lieu le 1er octobre à Genève, Téhéran devait donner des preuves de sa volonté de coopération pour rendre effectif l’ajournement des sanctions promises en juillet : il a accepté l’offre américaine qui lui avait été faite en avril 2009 de se séparer du produit de son enrichissement – stock soupçonné de servir à un programme nucléaire militaire occulte – en l’échangeant contre du combustible nucléaire mis au point par les Russes et les Français. Mais aussitôt qu’il a obtenu un ajournement des nouvelles, il a remis en cause son engagement, puis la participation des Français et enfin la quantité d’uranium qui devait être échangée.

Téhéran a ainsi indirectement fait valoir sa volonté de disposer d’un stock d’uranium suffisant pour la fabrication d’une première bombe nucléaire. Cela aurait dû déclencher les sanctions promises en juillet, mais Washington s’est abstenu. Au lieu d’une réaction négative, il a autorisé Total à reprendre ses négociations avec les mollahs, il a dépêché Erdogan en Iran avec de belles promesses d’investissements. Puis il a autorisé les Irakiens à inviter les mollahs à signer des contrats en Irak et dernièrement, il a autorisé l’Azerbaïdjan et la Russie à signer des accords de principes dans le domaine gazier avec les mollahs. La raison de cette conduite est que l’objet de ses pressions est avant tout un dialogue avec l’Iran.

Washington veut un apaisement qui puisse sceller une alliance irano-américaine dont il a besoin pour accéder à l’Asie Centrale afin d’éloigner cette région gazière de la Chine. Washington espère aussi s’allier le savoir faire islamiste révolutionnaire des mollahs et des Pasdaran pour agiter les régions musulmanes de la Chine (ce qui explique l’hostilité chinoise aux sanctions). Par ailleurs, la mainmise sur l’Iran et l’Asie Centrale permettrait aux Américains de s’octroyer le leadership du marché pétrolier qui est britannique depuis un siècle (ce qui explique l’hostilité britannique aux sanctions).

Le problème est que cette alliance théoriquement audacieuse est concrètement impossible : les mollahs et les Pasdaran au pouvoir ne veulent pas d’un rétablissement des relations avec les Etats-Unis car cela les forcerait à une démocratisation qui nuirait à leur mainmise sur les richesses iraniennes : gaz, pétrole, cuivre, zinc, plomb, magnésium, sucre... Puisque l’on ne peut pas refuser une main tendue, ils acceptent le dialogue, mais posent des conditions impossibles et multiplient les provocations pour pousser l’adversaire à la confrontation, en espérant que les perspectives d’une guerre touchant l’artère pétrolière du Golfe Persique seraient dissuasives.

En face, Washington esquive les provocations pour éviter l’escalade. Il évite ainsi le piège tendu par Téhéran, mais aussi la nécessité d’adopter des sanctions trop lourdes qui seraient susceptibles de renverser ce régime islamiste sur lequel il repose sa stratégie anti-chinoise. Cela lui convient parfaitement, car il a tout juste besoin d’une guerre d’usure pour affaiblir graduellement les mollahs afin de pouvoir leur proposer à intervalles réguliers sa disponibilité à négocier leur reddition.

C’est ce qu’il a fait après la provocation sur le stock d’uranium et il va pouvoir continuer avec l’aide du dernier rapport de l’AIEA qui en évoquant une pause dans le développement du parc nucléaire iranien justifie la pause dans l’adoption des sanctions plus fortes. Ce rapport porte la marque de Yukiya Amano, la nouveau directeur pro-américain de l’AIEA.

Selon des confidences parues dans presse -dont le but est d’intimider les mollahs-, le rapport indiquerait que depuis le mois de septembre, le nombre de centrifugeuses en activité à l’usine d’enrichissement de Natanz est resté stable à environ 4.600 unités.

L’AIEA est catégorique. Les 4 mille nouvelles centrifugeuses -que Téhéran affirme avoir installé en septembre dernier- ne fonctionnent pas ! En revanche, l’AIEA ne connaît pas la raison de cette panne : cela serait dû à de problèmes techniques ou la volonté des mollahs de laisser une chance à des négociations !

Cela veut dire que l’on ne veut pas laisser Téhéran prendre la direction de la crise avec des annonces anxiogènes de renforcement de ses capacités nucléaires. Ce privilège sera réservé à l’AIEA (désormais contrôlée par les Etats-Unis). Dans l’immédiat, Téhéran ne peut donc espérer aucune escalade salvatrice. Aucun risque de guerre ne se pointe à l’horizon du Golfe Persique. Parallèlement sur une intervention de l’armée américaine, ses milices chiites yéménites ont demandé l’arrêt des combats. Téhéran devra donc donner une suite favorable à l’accord d’un échange de son stock d’uranium contre du combustible ou subir sans broncher les sanctions américaines et les insupportables offres américaines pour la normalisation des relations diplomatiques.

C’est en prévision à cette perspective déplaisante d’une durée indéterminée (définie par l’AIEA), que Téhéran a, cette semaine, commencé à se quereller avec les Russes à propos du retard de livraison des missiles S-300 afin de remettre en cause la fiabilité de la Russie en tant que partenaire d’un accord sur la livraison du combustible nucléaire.


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| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : inspections, actions et rapports |
| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : Yukiya Amano |

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| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |
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