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Iran : Le Guide remet les compteurs à zéro
29.08.2009

C’est un véritable coup de théâtre. Le guide suprême, le premier magistrat du pays, qui avait par son silence cautionné le procès des opposants comme étant des agents assermentés de puissances étrangères a surpris les médias en affirmant qu’il n’y avait de son point de vue aucune preuve formelle pour lier les accusés à l’Occident ! Le procès n’a plus lieu d’être. Le régime veut tourner la page du procès et des divisions.



Téhéran ne pouvait pas trouver mieux pour tourner la page de ces 2 derniers mois que cette déclaration précise du Guide Suprême. « Je n’accuse pas les responsables des récents incidents d’être les subordonnés des (pays) étrangers, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, car aucune preuve de ces affirmations n’a été produite devant moi ». Cette phrase est un concentré de sous-entendus très précis.

Tout d’abord, un petit rappel précis des évènements | Il y a deux mois, en prévisions à la nécessité de répondre aux Six, afin de ne faire aucune concession, Téhéran a conclu qu’il lui fallait bloquer les négociations. L’option retenue était un scénario où le peuple contestait la victoire du président élu, et en l’absence de cette reconnaissance, ce dernier devenait impropre à représenter l’Iran aux négociations sur la limitation de certains droits du peuple iranien. Pour que cela marche, Téhéran avait besoin que l’Occident admette officiellement cette illégitimité.

Pour obtenir cette caution, Téhéran a donné à ce projet très habile la forme d’une révolution démocratique de couleur. Des jeunes habillés en vert manifestaient pour demander la restitution de leur vote en présence de caméras des médias européens autorisées à les filmer. Avec ce joli spectacle de contestation d’un homme très détesté en Occident pour ses propos négationnistes, le régime espérait obtenir facilement l’adhésion verbale (donc officielle) des dirigeants occidentaux à son projet. Conscients des méfaits de cette adhésion (illégitimité du président et nullité des négociations à venir), les Occidentaux n’ont pas accordé ce soutien essentiel à cette contestation verte et à son leader Moussavi.

Réactions en chaîne | Parce que le régime ne veut en aucun cas d’un dialogue ou d’un apaisement, il s’est entêté. Pour faire bouger les Occidentaux en particulier Obama, Téhéran a autorisé une manifestation populaire dans l’espoir de montrer qu’il y a une vraie mobilisation en faveur de ce mouvement vert. Les choses lui ont alors échappé car les Iraniens sont descendus massivement dans la rue non pas contre Ahmadinejad, mais pour contester le régime dans sa totalité. Ce soulèvement a duré 10 jours pendant lesquels les Iraniens ont constaté que les soi-disant réformateurs, modérés, dissidents ou verts n’étaient pas à leurs côtés. Pire encore, Moussavi et Khatami ont appelé le guide à sévir contre les ennemis du régime.

Relances ratées | Après avoir maté ce soulèvement non conforme à son scénario, le régime et ses figurants du mouvement vert ont repris le cours du scénario initial. Incapable de mobiliser les foules, ils ont déporté leurs efforts sur l’international pour vaincre l’opinion américaine ou européenne pour contraindre Obama ou un chef d’Etat européen à se lever pour défendre cette contestation très particulière. Pour gagner les faveurs de l’opinion, le régime a repensé son scénario pour inclure une contestation de Khamenei en se disant qu’après tout, il pouvait également nommer un nouveau guide élu par les jeunes pour redonner une nouvelle vitalité à la république islamique. En fait, dès ce moment, le régime a commencé à se disperser sans pour autant arracher un soutien à Obama. Si ce dernier est resté de marbre, les 5 grands ayatollahs qui sont les garants de la validité islamique du régime ont demandé la fin de ce procédé jugé susceptible d’encourager un second soulèvement.

Procès | Téhéran a alors opté pour un procès des « contestataires » avec des évocations de torture à l’encontre des accusés avec l’arrière-pensée d’obtenir une condamnation de ces procédés staliniens. Pour faire bouger les Occidentaux, le régime est même allé jusqu’à produire des preuves de viols, à diffuser des témoignages, à annoncer des arrestations de policiers pour donner un parfum de vérité à son entreprise.

Si l’Occident et en particulier l’ONU avaient fait ce choix, Téhéran aurait été doublement ravi car il aurait obtenu un soutien implicite à la contestation de la légitimité représentative d’Ahmadinejad, mais aussi le moyen pour évoquer la collaboration avec l’ennemi pour annoncer des condamnations lourdes à l’encontre des accusés. Grâce à ces condamnations, des personnages très liés au régime et issus du ministère des renseignements et jouant le rôle d’opposants auraient acquis un statut international de représentant d’un peuple bafoué par un président putschiste.

En vertu de ce statut, ces faux opposants certifiés légitimes auraient depuis leurs cellules contesté toutes les futures décisions d’Ahmadinejad en particulier les négociations nucléaires et les compromis qui en résulteraient. Ainsi, le régime aurait pu conclure un accord pour échapper à des sanctions puis le remettre en cause par le prochain gouvernement.

Début de la fin | En réponse à ces manipulations conçues pour tourner en bourrique le Conseil de Sécurité, les Occidentaux n’ont rien dit sur le procès et ont tour à tour reconnu Ahmadinejad comme leur seul interlocuteur légitime. Dès lors, ils ont également pu critiquer le procès sans que cela profite à la contestation conçue pour piéger l’Occident. L’ONU a même mis en demeure le régime de répondre sur les crimes à l’encontre des prisonniers jugés.

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Le régime s’est alors retrouvé avec un procès encombrant car au lieu de produire des faux opposants utiles, il donnait du régime et de son système judicaire une image déplorable.

Pour sortir de ce piège qu’il avait lui-même tendu, le régime a alors changé le chef du pouvoir judicaire en faisant courir la rumeur que le nouveau chef avait posé comme condition à sa nomination la clôture du procès à l’encontre de très bons serviteurs de la révolution islamique injustement accusés de trahison. Dès sa nomination, il a ajouré plusieurs procès en cours, mais le régime était allé trop loin pour tout arrêter définitivement.

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C’est ce qui nous a valu la présente déclaration du Guide suprême : « Je n’accuse pas les responsables des récents incidents d’être les subordonnés des (pays) étrangers, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, car aucune preuve de ces affirmations n’a été produite devant moi ».

Chaque mot a une signification précise. C’est une déclaration extraordinairement complexe conçue pour clore le procès, mais aussi pour réparer les méfaits politiques provoqués par les diverses versions du scénario qui n’a jamais fonctionné.

Tout d’abord, la déclaration a été dite par le Guide Suprême, c’est-à-dire le premier magistrat d’un régime qui s’appelle la Tutelle du magistrat islamique. C’est un verdict, un jugement définitif et sans appel.

En choisissant la forme juridique, le régime s’est donné les moyens d’arrêter le procès sans remettre en cause sa procédure judicaire : une enquête a été menée, le procureur a exposé les faits, le magistrat a tranché.

Pour tourner cette page, il fallait couper net. Le magistrat a conclu qu’il n’y avait pas de relations avec l’étranger, mais « des actions concertées entre Iraniens sans lien avec l’étranger, des actions capables de servir les intérêts des ennemis étrangers ». Ce qui aurait induit le procureur en erreur.

Il y a deux points importants. « Sans lien avec ennemis du régime », les accusés recouvrent leur statut de révolutionnaire (qu’ils réclamaient). De plus, le verdict accuse les contestataires, mais aussi leurs accusateurs d’avoir manqué de discernement. Le verdict permet ainsi aux « ex-accusés modérés » de se trouver à égalité avec leurs adversaires « conservateurs ». Egaux en qualités révolutionnaires et défauts politiques, ils peuvent reprendre leur rôle dans la vie politique du régime.

Et enfin dernier point, par la clémence mais aussi la soi-disant impartialité de ce verdict, le Guide passe du statut du méchant tortionnaire complice de la répression à celui du magistrat protecteur du droit. Le régime, qui avait envisagé sa destitution, le rétablit ainsi dans un rôle positif dans l’intérêt général du système.

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Le régime a clos le procès, restauré ses institutions clefs et unifié ses troupes pour faire face à ses ennemis.


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| Mots Clefs | Institutions : Démocratie (médiatico)-islamique |

| Mots Clefs | Mollahs & co. Militaire : Khamenei |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |