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Iran : Des viols ? qui ça ? où ça ?
21.08.2009

L’affaire des viols dans les prisons iraniennes prend une tournure particulière. Karroubi, l’auteur de la rumeur, s’est insurgé contre une mauvaise lecture de sa lettre qui ne contenait pas selon lui une accusation mais une demande d’enquête pour faire taire les médisances fabriquées par des ennemis. C’est bien ce qui était écrit dans sa lettre, mais c’est la première fois que l’auteur se focalise sur une tournure de prudence pour clore une polémique qui est devenue dangereuse pour le régime.



Il y a 10 jours, au début du procès des contestataires, les médias du monde entier avaient pris en pleine figure la révélation de viols à l’encontre des manifestants arrêtés pendant le soulèvement de juin dernier. La révélation émanait de Karroubi, un membre à vie du Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime, l’organe plénipotentiaire qui décide l’ensemble des politiques iraniennes dans tous les domaines. Si Karroubi avait agi en dehors de ce gouvernement de l’ombre, il aurait été immédiatement radié, ce qui n’a pas été le cas. La révélation était donc parfaitement orchestrée, diffusée à un moment jugé propice.

L’objectif de cette révélation effrayante était de provoquer une réaction de solidarité avec les contestataires exposés à ces sévices. Si les Occidentaux avaient agi en ce sens, ils auraient cautionné la contestation et privé le président élu, interlocuteur de la communauté internationale dans la crise nucléaire, de toute légitimité. Ainsi les Occidentaux auraient de facto rendu sans valeur leurs futures négociations avec lui pour la plus grande joie des mollahs qui dirigent le pays au sein du discret Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime.

En un mot, pour son intérêt supérieur qui est de créer une impasse diplomatique dans la crise nucléaire, le régime des mollahs n’a pas hésité à aller très loin dans la provoc en évoquant ces viols. Cette provocation n’a pas produit l’effet escompté : il n’y a eu aucune condamnation formelle des actes évoqués, mais chacun a compris que ce régime n’avait pas de limites. Deux jours après cette révélation scénarisée, pour décourager ce genre de tentative d’extorsion de soutien au scénario de la contestation d’Ahmadinejad, le secrétaire général de l’ONU, Ban ki-moon, a officiellement reconnu Ahmadinejad.

Dans la lettre écrite par Karroubi pour faire ces révélations, l’auteur avait placé une porte de sortie à la dérobée avec une formule précisant qu’il n’accusait pas le pouvoir mais demandait une « enquête afin de déterminer si ces faits impardonnables avaient eu lieu où s’il agissait de calomnies inventées par les ennemis pour ternir l’image du clergé opprimé de l’Iran ! »

Après l’échec de l’aspect diplomatique de l’opération, Téhéran n’a cependant pas utilisé cette porte de sortie car il a vu dans cette opération un moyen de mobiliser éventuellement le peuple iranien sous la bannière du Mouvement Vert de contestation de la légitimité d’Ahmadinejad. On a ainsi entendu Moussavi prendre le parti de Karroubi pour parler encore de ces viols en appelant à une manifestation en sa faveur. Ce fut un nouvel échec pour ce mouvement qui a trahi les aspirations des Iraniens au changement (de régime), et qui, pour cette raison, n’arrive pas à les mobiliser. Il faut préciser que le régime a été encouragé dans cette voie par les Américains qui ont créé une émission consacrée aux témoignages de personnes violées sur la chaîne Voice of America, un moyen d’enfoncer les mollahs dans leur propre piège.

Il y a deux jours, le régime a estimé que cette publicité allait le dépasser. Toutes sortes d’associations étrangères de défense des droits de l’homme se sont emparées de ces révélations qui correspondent par ailleurs à des pratiques courantes de ce régime. L’affaire est devenue plus compliquée quand ces associations se sont intéressées à un point négligé dans le scénario des mollahs : puisqu’il y avait viol, il y avait des violeurs voire des violeurs homosexuels, c’est-à-dire des personnes potentiellement condamnables à mort selon la charia.

Ce cher Karroubi et les sites du Mouvement Vert ont alors unanimement changé leur version des faits : ils ont remplacé le viol avec pénétration sexuelle par le viol avec pénétration d’un objet (« matraque, bouteille ») afin d’éviter la pendaison aux miliciens qui pourraient éventuellement être arrêtés pour calmer le jeu. Les soi-disant violés qui avaient témoigné ont aussi changé de version. Tous ont cependant oublié le sujet de l’identité des violeurs, défaut du scénario d’origine.

Si cela est paru suffisant pour les sites soi-disant démocrates du Mouvement Vert, cela n’a pas suffi à ceux dont les enfants croupissent dans les geôles du régime.

C’est ce qui nous vaut la dernière évolution de cette sordide affaire : le changement de discours de l’auteur des révélations et son insistance sur le paragraphe de sortie de secours.

Pour clore cette manœuvre qui a échappé à son contrôle, ce régime qui se veut démocratico-parlementaire évoque à présent une « réunion d’examen des preuves avec la participation du nouveau procureur général, l’auteur des révélations, le président du Parlement, ainsi que le chefs de l’Assemblée des Experts et le chef du Conseil de Discernement ». Les deux derniers, c’est la même personne à savoir Rafsandjani, inventeur et président à vie du Conseil de Discernement (patron politique du régime). Le président du Parlement est Larijani également membre du Conseil de Discernement comme l’auteur des révélations Karroubi. Reste le procureur général fraîchement nommé : le sinistre mollah Mohseni-Ejéi qui était au moment des faits, le chef des renseignements d’Ahmadinejad ! On imagine d’avance le résultat de cette réunion : des personnes malveillantes auraient trompé ce cher Karroubi. On imagine aussi le silence des médias soi-disant dissidents et des lobbyistes du régime sur la composition très particulière de cette commission.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
L’affaire des révélations de Karroubi, le changement des versions en cours de route, la collaboration des jeunes « dissidents du Mouvement Vert » pour changer les témoignages et zapper les violeurs et enfin le silence des médias sur les liens entre les protagonistes sont de nouvelles preuves qu’au sein de ce régime tous les rouages travaillent de concert pour contrefaire la vérité dans l’intérêt supérieur du régime.

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Pour en savoir + :
- Iran : Révélations délibérées sur les viols en prison
- (11 AOÛT 2009)

| Mots Clefs | Institutions : Désinformation et fausses rumeurs |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Karroubi |
| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie Islamique |