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Iran : Karroubi, par la petite porte !
27.01.2010

Il y a deux jours, le fils de Karroubi s’est confié à l’AFP pour affirmer que son père reconnaissait Ahmadinejad comme le président légitime de la république islamique. L’info n’a donné lieu à aucun commentaire dans les médias français. | décodage d’un silence gêné |



Il y a plusieurs mois est né en Iran le Mouvement Vert dont les partisans jeunes et sexy demandaient la victoire aux élections présidentielles de Moussavi, un homme très peu sexy qui s’était engagé dans la course présidentielle pour restaurer les valeurs de la révolution islamique : c’est-à-dire, le refus des valeurs occidentales (laïcité, progrès, démocratie) et le refus de toute entente avec l’Occident. D’emblée le discours était faux, les Iraniens n’ont pas adhéré, mais l’AFP et consoeurs ont applaudi car Téhéran leur offrait le spectacle d’un régime en évolution, une simulation démocratique qui est bonne pour justifier les relations commerciales avec un régime en tous points ignoble. Paris et les autres capitales étaient ravies, mais pas sur la même longueur d’onde que Téhéran.

Téhéran ne cherchait pas à simuler la démocratie pour se donner une bonne image comme pendant la période Khatami. Via le packaging séduisant d’une révolution de couleur menée par des jeunes beaux et sexy, Téhéran espérait le soutien officiel d’Obama à ces jeunes (beaux et sexy) partisans non déclarés du refus de l’Occident. Le but était de piéger Obama pour qu’il reconnaisse comme porte-parole légitime du peuple iranien un Mouvement hostile à tout compromis. S’il l’avait légitimé lui-même, Obama n’aurait pu sanctionner le refus de saisir sa main tendue après la fin de l’ultimatum du 31 janvier 2009 qui devait déclencher les sanctions.

Dans cette perspective, Téhéran n’avait que faire des éloges sur le Mouvement Vert, il avait un seul objectif : obtenir un soutien officiel d’Obama avant cette date limite ou plus exactement avant l’adoption de nouvelles sanctions. Les Américains qui avaient percé à jours le mystère du scénario du Mouvement Vert n’ont pas donné satisfaction aux mollahs. Ces derniers ont dû créer des situations extrêmes pour obliger Obama à prendre parti. Ils ont sans cesse mis en avant les malheurs du Mouvement Vert à grands renforts de médiatisations sur FaceBook, Youtube et Twitter. À chaque fois, les Américains ont renforcé les faits pour accuser Téhéran. À 4 jours de l’ultimatum, le 27 décembre Téhéran est passé en cinémascope 3D en simulant une révolution, mais il n’a pas obtenu gain de cause. Les Américains ont habilement parlé d’un tournant dans la contestation insinuant que le Mouvement Vert désormais autonome cherchait à renverser un régime qui avait perdu toute légitimité.

Pour répondre à cette tentative de détournement, le 1er janvier 2010, Moussavi a publié une lettre où en tant que le « seul chef légitime du Mouvement Vert », il parlait de la contestation, mais en affirmant explicitement l’attachement et la foi de son Mouvement à la république islamique. Moussavi reconnaissait également mais de manière implicite la légitimité d’Ahmadinejad (pour calmer l’ambiance surchauffée par les médias américains). Par ailleurs, on avait dépassé l’ultimatum et Washington avait annoncé l’adoption en janvier 2010 par le Sénat du projet de loi sur l’embargo de l’essence : on pouvait s’attendre à des sanctions fatales. Il était possible que le dernier recours soit l’escalade guerrière pour faire reculer Washington, une solution qui nécessitait la pleine légitimité d’Ahmadinejad, le préposé à l’amplification de la crise. Malgré le contenu contradictoire et anti-démocratique de la déclaration, les sexy Verts ont salué Moussavi. Du coup, l’info avait alors été censurée par les médias occidentaux. L’AFP a même réécrit le texte pour préserver le mythe de la réformabilité du régime des mollahs, mythe nécessaire pour le maintien des relations avec un régime qui viole tous les droits de l’homme dans le simple exercice de ses lois.

Cette censure des médias occidentaux a privé le régime de son réajustement pour replacer la contestation dans le cadre de ses objectifs initiaux (faire du bruit sans à aucun moment évoquer un changement de régime). Pour faire passer ce message, Téhéran a sorti Moussavi pour mettre en avant Karroubi avec une soi-disant attaque contre sa personne. 36 heures après ce buzz, Karroubi publiait une lettre qui était une copie encore plus longue de la déclaration de Moussavi du 1er janvier. Téhéran avait allongé la lettre pour combattre la censure. Cette lettre-ci a été encore plus censurée : elle a été réduite à trois petits paragraphes sans aucune allusion à la foi de ce nouveau patron du Mouvement Vert dans le système islamiste en place.

Téhéran a réfléchi et trouvé la solution : une phrase si courte qu’on ne puisse pas en retirer une partie. C’est ainsi que le fils de Karroubi s’est confié à l’AFP pour affirmer que « son père reconnaissait Ahmadinejad comme président légitime de la république islamique ».

Piégée, l’agence française de presse a dû publier un rectificatif : le fils de Karroubi s’était confié à l’AFP pour affirmer que « malgré les fraudes qui restaient à élucider, son père reconnaissait Ahmadinejad comme président légitime de la république islamique car le Guide Suprême l’avait reconnu comme tel ». Ainsi le régime a passé le message en entier  : on conteste quelque chose (pour avoir l’air démocratique), mais pas le système ou le Guide. D’ailleurs, ce dernier ainsi régénéré a immédiatement donné de la voix pour affirmer qu’il ne « cèderait pas sur les droits légitimes (nucléaires) du peuple iranien ».

Depuis, le régime continue à compléter la première phrase. Maintenant, il vient de passer à la vitesse supérieure via son agent Borzou Daragahi journaliste au L.A. Times qui a fustigé la première dépêche de l’AFP pour avoir oublié d’expliquer les « subtilités de la déclaration de Karroubi », un oubli impardonnable qui négligerait la richesse du débat au sein de l’arène politique iranienne ! Dans quelques jours, nous aurons la version française de cette désinformation sous la plume de Delphine Minoui l’épouse de Borzou Daragahi.

conclusions | L’Occident a censuré la lettre de Moussavi, les mollahs ont trouvé le moyen de restaurer leur scénario et même l’évolution post-2009 du Mouvement Vert où Ahmadinejad est presque légitimé. N’est pas né l’occidental cartésien qui espère rouler les mollahs. Ces derniers ont creusé leur ciboulot car le temps presse, leur situation économique est au plus mal, il leur faut le succès du Mouvement Vert ou une grosse crise avec Ahmadinejad pour obtenir une levée définitive des sanctions.


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Sur la situation économique :
- Iran : Le dernier recours face aux sanctions
- (20 JANVIER 2010)

La lettre censurée de Moussavi :
- Iran : Moussavi divise les Verts
- (2 JANVIER 2010)

article complémentaire :
- Iran : L’histoire secrète du Mouvement Vert
- (30 DÉCEMBRE 2009)

article complémentaire :
- Iran : Karroubi censuré !
- (12 JANVIER 2010)

Pour en savoir + :
- Iran : Karroubi, la figure montante des dissidents !
- (18 AOÛT 2009)

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Karroubi |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Selon l’AFP |