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Iran : Le portrait botoxé de Khatami par Reuters
09.09.2009

Selon l’agence britannique Reuters, « dans un discours devant des professeurs d’université, l’ancien président Mohammad Khatami, chef de file des réformateurs iraniens », a dénoncé une dérive « totalitaire et fasciste » des conservateurs. Le propos insinuerait que le régime est en soi très démocratique et fréquentable. La traduction faite par Reuters n’est pas fidèle aux propos d’origine qui ont été par ailleurs publiés sur le site de la BBC persan (géré par des journalistes issus du régime des mollahs).



Le régime des mollahs a de nombreux alliés qui sont en fait ses partenaires commerciaux. Ces alliés sont toujours à l’œuvre pour lui épargner de nouvelles sanctions qui pourraient nuire à leurs affaires communes. On cite généralement les Russes ou encore les Chinois en évoquant sur un ton moqueur leur « grand attachement au dialogue avec l’Iran ». En revanche, on ne croise jamais le même genre de ricanement à propos des Européens qui sont tout autant attachés au dialogue avec les mollahs car économiquement encore plus présents sur le marché iranien.

Cela est dû à un fait simple : l’info au niveau mondial est gérée par les grandes agences de presse occidentales, porte-voix de Etats européens présents en Iran. Ces médias focalisent l’attention de l’opinion sur la Chine et la Russie pour détourner son attention de la présence en Iran de grandes démocraties européennes aux côtés de ces vilaines dictatures.

Cet effort de désinformation est justifié car sans même se douter de la présence européenne en Iran, l’opinion réclame des protestations quand elle apprend pour des cas de lapidation, de pendaisons des mineurs… C’est pourquoi, ces médias sans scrupule prennent les devants pour décrire le régime des mollahs comme une république presque démocratique où les choses ne vont aussi mal que l’on peut l’imaginer. Les Etats européens présents en Iran arrivent ainsi à endormir leur opinion publique (surtout celle de gauche) et de facto se libèrent de leur devoir de protestation au nom des droits de l’homme.

Il faut préciser que cette démarche n’est aucunement motivée par la peur d’une rupture des contrats utiles à l’Europe car l’Iran est désormais un pays très pauvre et malgré leurs menaces, ses dirigeants ne sont pas en mesure de prendre ce genre de mesures punitives. Cette démarche de la publicité autour de la république islamique comme un régime démocratique est avant tout une mesure de confort pour les Etats Européens qui veulent faire des bonnes affaires en Iran.

Il en résulte néanmoins que cela revient à parler d’un régime très répressif dans la moindre de ses lois comme d’un système démocratique donc respectueux des droits de l’homme, ce qui devient grotesque.

Le pire est que cette publicité donnée au régime ne lui suffit pas car elle a été conçue pour donner bonne conscience à l’Europe, mais pas pour servir les intérêts du régime des mollahs. C’est pourquoi sans peur d’un plus grand grotesque, les mollahs en rajoutent sans cesse pour annoncer la supériorité de ce système démocratique sur tous les autres modèles politiques existants. En agissant ainsi, Téhéran met dans l’embarras ses partenaires européens qui interviennent pour éliminer les propos susceptibles de provoquer l’opinion. Il s’agit en fait de remettre à chaque fois dans le droit chemin le discours officiel à propos de l’Iran.

C’est ce qui s’est passé avec les derniers propos de Khatami. Selon l’agence Reuters, au début de son discours, Khatami a parlé de son « hostilité à une interprétation de la religion qui pour combattre le libéralisme se laissait emporter par une dérive fasciste et totalitaire ». Cette version a été expurgée de quelques mots dont leur absence modifie le sens de la phrase.

Dans la version originale [1] publiée sur BBC persan par les journalistes iraniens proches du régime, Khatami précise que le libéralisme, le fascisme et le totalitarisme sont des « écoles de pensée occidentales ».

Pourquoi avoir éliminé ces quelques mots anodins ? Parce que toute la structure de la révolution a été fondée sur le rejet en bloc de l’occident, des écoles de pensée occidentales et de l’occidentalisation de l’Iran (par les deux rois Pahlavi contre l’avis du clergé et les partisans nationalistes religieux du Front National, parti fondé par Mossadegh). Le slogan central de la révolution islamique a été et restera : « ni l’Ouest (l’Occident), ni l’Est (le bloc soviétique), juste une république islamique ».

En fait, il y a deux jours, Khatami ne dénonçait pas une dérive fasciste au sens gauchiste du terme, mais une dérive occidentaliste… qu’il a immédiatement reliée à une « dérive intégriste laïque » qu’il a précisé avoir toujours combattue avec force « pour imposer l’islam dans la politique à tous les niveaux ».

Reuters a fait le ménage.

Dans des conclusions également supprimées par Reuters, le champion de la démocratie islamique a non seulement précisé qu’il fallait uniquement s’en tenir à la tradition islamique, mais il a aussi rendu un vibrant hommage à la modernité du régime des mollahs. Pour finir, il s’est plaint que l’on maltraite « les plus fervents partisans de la révolution islamique » que sont les « réformateurs », qui selon leur charte sont les partisans d’un retour aux principes et slogans de base de la révolution islamique.

Reuters a tout éliminé pour ne garder que la petite référence à la « dérive fasciste » qui peut plaire à l’opinion de gauche, celle que l’on veut empêcher de critiquer les violations des droits de l’homme en Iran. Pour bien capter ce public naïf, nos amis de Reuters ont également affirmé que Khatami s’adressait à « des universitaires », ce qui fait assez chic.

En vérité, il donnait de la voix devant les « anciens membres du Conseil d’administration de l’association islamique des enseignants », un groupe de mouchards créé quand il était chargé de la purge des universités dans le cadre de la révolution culturelle.

Les amis britanniques du régime ont ainsi transformé un prêche islamiste en faveur de la ligne fondamentale de la révolution en un discours sur la démocratie et le plus menteur des mollahs en un héro pour la liberté.

Rarement les Etats européens vont aussi loin. Cet extrémisme est dû au fait que les Britanniques ont des intérêts particuliers avec les mollahs. Les Britanniques sont les leaders mondiaux du marché pétrolier depuis 100 ans, mais risquent de perdre cette précieuse couronne si Washington parvient à un accord avec Téhéran car Washington prendrait alors l’Iran et l’Asie Centrale, puis le pétrole de la mer Caspienne… Pour éviter ce domino mortel et rester les rois du pétrole, les Britanniques doivent aider Téhéran. Ils savent que le régime va jouer la carte de la contestation de la légitimité du président élu par « les modérés » pour simuler une crise interne et ainsi bloquer le dialogue, ils font donc le ménage quand le régime parle trop et sabote bêtement ses ambitions en montrant le vrai visage des faux opposants comme Khatami.

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Pour en savoir + sur la méthode BBC :
- « L’Iran et l’Occident » : Les contrevérités de la BBC
- (17 FÉVRIER 2009)

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |
| Mots Clefs | Auteurs & Textes : selon Reuters |

| Mots Clefs | Enjeux : Intérêts Européens en Iran |
| Mots Clefs | Pays : Europe (UE, UE3, union européenne) |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Khatami |
| Mots Clefs | Institutions : Démocratie (médiatico)-Islamique |

| Mots Clefs | Institutions : Désinformation et fausses rumeurs |
| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Histoire : Révolution Islamique |

[1Dans la version originale publiée sur BBC persan par les journalistes iraniens proches du régime, Khatami précise que le libéralisme, le fascisme et le totalitarisme sont des « écoles de pensée occidentales ».

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خاتمی و فاشيسم