Accueil > News > Iran : La Russie menace de quitter les Six !



Iran : La Russie menace de quitter les Six !
18.06.2010

Washington vient d’adopter de nouvelles sanctions contre Téhéran. De tous les avis même celui de l’AFP, ces sanctions ne sont nullement en mesure d’aggraver la situation économique des mollahs. Bien qu’elles soient dépourvues d’un quelconque effet sur la crise, Moscou a vivement protesté en menaçant de quitter le groupe des Six. Le secrétaire américain de la défense, Robert Gates, a qualité cette attitude de schizophrénique.



On pourrait ironiser sur le sujet en compagnie de Robert Gates (même s’il est vrai que l’on peut trouver mieux) car depuis un mois, la Russie était à la pointe des demandes de sanctions contre Téhéran. On ne souvient que Poutine s’était rendu à Pékin où il avait laissé entendre la possibilité des sanctions multipolaires sino-russes, puis plus récemment, il avait, en compagnie de la Grande-Bretagne, exigé l’adoption de mesures très dures contre les mollahs. En revanche, on ne peut pas parler de schizophrénie car la Russie et la Grande-Bretagne n’avaient pas agi ainsi par folie, mais pour ravir la direction des pressions à Washington afin de l’empêcher d’amener les mollahs à accepter une entente régionale qui est contraire aux intérêts pétroliers russe et britannique.

Moscou et Londres ont pris la tête de l’offensive quand Washington a introduit la Turquie et le Brésil dans le jeu pour négocier à sa place tout en bloquant l’adoption de nouvelles sanctions depuis longtemps promises comme l’embargo sur l’essence afin d’éviter l’adoption de ces mesures fatales à ses futurs alliés enturbannés. Ainsi, Washington avait ses sanctions pour mener une guerre d’usure contre les mollahs et des intermédiaires pour proposer une avalanche d’investissements si Téhéran acceptait un compromis. La Russie et la Grande-Bretagne ont tenté de casser ce processus autonome pour devenir elles-mêmes des sources de pression et restaurer le rôle des Six. Le synchronisme des réactions russo-britanniques a créé un front informel de sanctions non américaines. Dernièrement, Paris avait rejoint ce front. Cette adhésion a permis l’adoption de la résolution 1929 qui ne comporte aucune sanction réellement nouvelle. On peut dire que les Etats membres du front informel de sanctions non américaines ont gagné car ils ont restauré leur rôle via les Six. Ils ont centré le débat sur les sanctions (pour casser le processus américain de dialogue) sans pour autant adopter des sanctions fortes qui sont à éviter car elles visent leurs propres intérêts ou échanges commerciaux avec Téhéran.

A l’adoption de cette résolution, Téhéran qui ne peut pas accepter un compromis a commencé à aligner les provocations pour engendrer une escalade dissuasive. Cette amplification volontaire de la crise a fait l’objet d’une censure médiatique en Europe et aux Etats-Unis pour éviter l’adoption de sanctions très fortes que ces Etats souhaitent éviter. Téhéran a insisté avec de nouvelles provocations : les Européens et les Américains ont dû pour satisfaire leur opinion publique annoncer des sanctions unilatérales afin de ne pas donner l’impression de ne rien faire.

Les sanctions adoptées sont dépourvues de valeurs puisque Washington a annoncé le gel des avoirs américains des personnes physiques ou morales iraniennes qui n’ont pas d’avoir à l’étranger ou l’inclusion de 90 navires sur sa liste des entités prohibées alors qu’ils y étaient déjà car Washington a mis la compagnie maritime iranienne IRISL sous embargo. De son côté, l’UE a décidé d’interdire les nouveaux investissements dans le secteur du pétrole et du gaz alors qu’elle ne peut plus le faire depuis 1996 sous la pression de loi d’Amato adoptée sous Clinton.

Alors qu’il n’y a rien de nouveau, la Russie a protesté. Elle s’est dite « déçue » par les mesures unilatérales des Etats-Unis et de l’Union européenne contre l’Iran. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a dit que son pays pouvait en « tirer certaines conclusions, y compris concernant les perspectives d’un travail commun » avec les grandes puissances sur le problème du nucléaire iranien. En fait, la Russie déplorait l’explosion du front informel de sanctions non américaines, c’est une grande déception pour elle.

La réaction de la Russie n’est pas disproportionnée car hier Washington n’a pas seulement annoncé des sanctions superficielles, mais il a aussi reparlé de son projet d’embargo sur l’essence« si ces sanctions échouaient »-, ce qui est synonyme d’un renversement du régime des mollahs. La Russie aurait espéré une réaction britannique. Il n’y a pas eu cette solidarité car la Grande-Bretagne est impliquée dans la création d’un pack d’opposants liés à Washington. Si ce pack accède au pouvoir, la Russie n’aurait aucune part du gâteau d’où sa marche-arrière sportive sur les sanctions supplémentaires et la menace de sortir des Six qui lui semble le seul moyen pour arrêter le processus (par un futur veto à la prochaine résolution dotée de vraies sanctions fatales aux mollahs).

Le jeu est cependant loin d’être fini car le pack américano-britannique est incapable de motiver et mobiliser les Iraniens. Cderniers ne sont plus aussi naïfs qu’ils étaient en 1979. Ils pourraient imposer une autre issue plus patriotique, mais cela ne change rien pour les Russes car ils ont trop aidé des mollahs. C’est donc une Russie de facto exclue qui menace de claquer la porte. De notre point de vue, cette zéro-option, mais aussi l’affaire BP, qui fragilise l’union américano-britannique, devraient encourager la Russie à revenir pour mener une politique plus ambitieuse en s’impliquant davantage et non en s’enfuyant.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
article complémentaire :
- Iran-Russie : à surveiller de près !
- (18 février 2010 )

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE |
| Mots Clefs : Alliance IRAN-RUSSIE |

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |