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Iran : Scène de règlements de comptes américano-russes
27.03.2010

Il y a quelques jours, Washington était en faveur des sanctions très douloureuses contre Téhéran. Moscou n’aimait pas. Depuis hier, Moscou aime, mais on n’entend plus Washington sur le sujet. La crise nucléaire iranienne initiée par des accusations américaines n’est pas seulement un conflit entre Washington et Téhéran, mais aussi un conflit entre Washington et Moscou. Nous sommes peut-être face au retour d’un monde bipolaire dont les têtes nucléaires nous hantent encore.



Il y a quelques jours, lors de sa rencontre avec Hillary Clinton, le Premier ministre russe Vladimir Poutine avait appelé les Etats-Unis « à évaluer les éventuelles conséquences négatives de sanctions contre l’Iran ». Evidemment, la Russie se disait alors hostile à de nouvelles sanctions, ce qui rendait l’adoption d’une résolution impossible en raison du droit de veto de ce membre permanent du Conseil de Sécurité.

Deux jours après cet appel, suite à un nouveau refus de Téhéran d’accepter la main tendue par Obama pour déboucher sur une entente bilatérale dans le sens de leurs intérêts mutuels, Hillary Clinton annonça que sans aller dans le sens d’une escalade dans les sanctions (onusiennes, c’est-à-dire nécessitant l’adhésion de la Russie ou de la Chine), les Etats-Unis allaient certainement « adopter des sanctions ponctuelles très douloureuses » pour faire fléchir les mollahs.

Deux jours après cet avertissement, Poutine s’est rendu à Pékin pour évoquer la création d’un pôle sino-russe pour « promouvoir un monde multipolaire », c’est-à-dire un monde où Washington ne ferait pas cavalier seul et ses adversaires auraient leur mot à dire (même si en l’occurence, la tentative sino-russe est de restaurer un monde bipolaire).

Au retour de ce voyage, la Russie est devenue tout d’un coup partisane des sanctions ponctuelles ciblées (russes) contre les mollahs. En d’autres termes, la Russie s’est rehaussée au niveau des pressions américaines sur les mollahs. On peut dire qu’elle a ainsi privé Washington de l’exclusivité des pressions sur les mollahs.

D’un point de vue concret, Moscou n’a pas fait jeu égal avec Washington, il l’a dépassé car Washington veut préserver un Etat islamiste en Iran pour l’aider à agiter les musulmans de l’Asie Centrale pour nuire aux intérêts sino-russes et par conséquent, il ne peut pas concrétiser ses menaces de sanctions douloureuses alors que Moscou le peut et peut même aller jusqu’à renverser les mollahs pour éliminer définitivement les projets d’agitation régionale de Washington.

Face à ce faux jeu égal, Washington a changé d’approche : il a oublié ses sanctions unilatérales douloureuses et ne parle plus que d’une « résolution à l’unanimité des membres du Conseil de Sécurité », c’est-à-dire une position où n’importe quel membre de ce Conseil à savoir ses alliés comme le Brésil, la Turquie ou le Liban, aurait le même poids que la Russie !

Washington a ainsi neutralisé dans l’œuf toute possibilité de sanctions unilatérales douloureuses russes pour renverser les mollahs ! C’est une victoire sans appel puisque même si Washington ne peut plus parler de sanctions douloureuses, il garde une forte capacité de pression car il est le seul à disposer d’une batterie de sanctions économiques et financières contre les mollahs. La Chine a commencé à organiser la résistance en se disant hostile à la moindre sanction, alors qu’elle n’avait rien dit à propos des sanctions douloureuses de Poutine. Mais c’est une résistance perdue d’avance car Washington a éliminé les interférences russes pour pouvoir continuer sa guerre d’usure contre les mollahs afin de les forcer à devenir ses alliés stratégiques en Asie Centrale, une union qui lui permettra de contrôler les plus grandes réserves énergétiques du monde, c’est-à-dire les prix, donc l’avenir de ses adversaires : la Chine, la Russie, mais aussi l’Asie et l’Europe. On peut donc parler d’une victoire diplomatique forte, voire de double victoire diplomatique écrasante car au passage, il a mis un frein à cette première tentative isolée de création d’une "monde multipolaire".

Au vu des enjeux, cette double victoire écrasante risque d’être de courte durée. Les perdants chercheront à se coaliser et cela aura des conséquences pour l’Iran car tout se focalise sur son alignement.


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Cela pourrait même devenir une issue heureuse pour l’Iran, si au lieu de chercher à recréer un nouvel ordre mondial bipolaire, ces Etats menacés choisissaient d’inclure les patriotes laïques iraniens dans leur équation pour un monde multipolaire (ce qui ne veut pas dire anti-américain).

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| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement (entente) |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Chine |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |