Iran : La semaine en images n°103 07.02.2010 Le régime fête actuellement la décade de Fajr (aube en arabe) avec des évènements qui commémorent la période allant du 1er février 1979, date du retour en Iran de Khomeiny, au 11 février 1979, date de la rédition de l’état major de l’armée impériale via une lettre dont l’authenticité est aujourd’hui remise en cause. La décade a été marquée par des discours, des manifestations ou des affrontements qui ont conduit à la victoire des révolutionnaires, mais vu le bilan désastreux de la révolution, les responsables actuels ne s’étalent pas trop sur ces évènements. On ne voit pas non plus les mollahs de l’époque se pavaner en public. Aujourd’hui, la décade est une corvée marquée par des évènements de substitution comme la journée de la conquête spatiale. Les images de cette semaine nous mènent au cœur de cette corvée qui pèse sur le régime, mais aussi sur les Iraniens qui se rappellent avec amertume leur soutien à la révolution ou leur indifférence face au changement de régime.
Derrière ce double RIEN qui a marqué tous les Iraniens, la seconde image qui revient est l’accueil gigantesque fait à Khomeiny par des millions de personnes dans à Khomeiny au cimetière de Behesht-é-Zahra où il avait critiqué les réformes du Chah promettant de les inverser pour redonner leur fierté aux Iraniens, promesse dont les manifestants en liesse ignoraient la vraie signification, promesse tenue qui a détruit l’économie iranienne. L’Iran est passé du plein emploi à un taux saisissant de plus de 50% de chômage et 85% de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. © WWW.IRAN-RESIST.ORG
Il nous est paru intéressant de comparer les images désolantes de ce défilé et du rassemblement des gens du régime avec les scènes de liesse de 1979, quand chacun ignorait le sens des paroles de Khomeiny.
Cela fait des mois que les automobilistes attendaient cette inauguration. Il était prévisible qu’ils se précipiteraient pour l’emprunter. Téhéran avait donc placé le portrait de Khomeiny bien en évidence au-dessus des deux entrées et attendait de voir arriver les voitures klaxonnant et lançant des appels de phare, ce qui aurait été un spectacle susceptible d’attirer les curieux prêts à applaudir la scène : un sympathique hommage spontané que les photographes auraient pu transformer en hommage à Khomeiny. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme le régime l’entendait car ce tunnel a connu d’importantes avaries pendant les travaux : des effondrements du sol ou des effondrements de la voûte qui avaient provoqué des morts ou des fissures sur les bâtiments proches. De fait, les automobilistes refusaient d’y pénétrer. Le régime les a remplacés par un défilé de vieilles voitures et vieux bus ornés de portraits de Khomeiny pour commencer l’inauguration retransmise à la télévision.
En fait, la retransmission a été interrompue en raison d’une épaisse fumée de gaz d’échappement qui flottait dans le tunnel : on n’y voyait plus rien. Il semblerait que les formidables ingénieurs chinois engagés par les mollahs pour réaliser cet ouvrage emblématique de la révolution aient un peu radiné sur les équipements d’aération. La mairie a d’ailleurs annoncé au lendemain de son inauguration publique la fermeture du tunnel pendant la nuit pour des réparations. L’affaire est sérieuse car dans une ville où il y a 46 arrêts cardiaques quotidiens provoqués par la pollution, la moindre rumeur d’intoxication en sous-sol pourrait provoquer le boycott du tunnel et l’on aurait alors tous les jours des super embouteillages qui ne risquent pas de finir en hommage au régime ou à son fondateur. Substitution(s) | Le second événement de la décade en 1979 avait été la nomination du 3 au 5 février par Khomeiny de Bazargan comme le chef du Gouvernement provisoire constitué par les membres de son parti Nehzat Azadi, les islamo-fédéralistes à la solde de Washington que Khomeiny et ses acolytes ont viré du pouvoir le 4 novembre 1979. En parler est synonyme de reconnaissance du soutien des Etats-Unis à cette « révolution populaire », on ne fête jamais ces 2ème et 4ème journées de la décade ni même le 7ème jour, quand les habitants de Téhéran ont approuvé cette nomination par une manifestation qui fut la plus grande de toute la révolution.
En 2008, Téhéran introduit un autre événement de ce genre pour le 3 février afin d’éclipser le souvenir de la nomination de Bazargan : la Journée nationale de la conquête spatiale. La technologie des fusées spatiales étant celle des missiles balistiques, la journée est une occasion de prétendre à de fortes capacités de frappes (d’Israël). Téhéran peut ainsi laisser supposer une capacité de déstabilisation de la région dans l’espoir que la crainte d’une guerre menaçant l’approvisionnement pétrolier incite les Européens à plaider la fin des sanctions à son égard. Provoquer une confrontation est la clef de la réussite de cette stratégie. C’est pourquoi afin d’éviter toute escalade, depuis l’instauration de cette journée les Occidentaux ont appris à esquiver les sous-entendus balistiques des mollahs en mettant en doute leurs performances spatiales. Ainsi en 2008, après le second tir qui a eu lieu en été, Washington avait parlé d’un échec de lancement, privant Téhéran du scandale qu’il voulait créer. En 2009, Téhéran a tout simplement été privé de buzz car les médias n’ont pas traité l’info. Pour ne pas se retrouver dans le même cas au moment où il a besoin d’une escalade pour échapper à des sanctions qui l’épuisent, cette année, le régime a eu l’idée d’un super buzz avec l’annonce par ses médias d’un vol habité, mais aussi l’annonce par Ahmadinejad devant tous les députés de plusieurs tirs pour placer plusieurs satellites en orbite.
La tache est très difficile car les Iraniens n’apprécient pas ce Mouvement pro Khomeiny et boudent depuis 6 mois tous les appels à manifester. Face à ce boycott, Téhéran a trouvé une parade : il fait appeler à des manifs, il paye des figurants de 2 à 5 dollars la journée et diffuse des images saccadées de leurs malheurs via Youtube pour simuler le soutien populaire qui lui fait défaut. Nous avons souvent décortiqué ces images bourrées d’incohérence, mais nous sommes seuls face à une cohorte de 400 animateurs virtuels actifs sur Tweeter et FaceBook pour décupler cette désinformation avec un flot incessant de rumeurs de soulèvement aux quatre coins de l’Iran. La dernière manifestation de ce genre avait lieu le 27 décembre dernier pendant Achoura, journée de commémoration des martyrs du chiisme . Pour préparer l’opinion, la veille, les partisans du mouvement Vert avaient diffusé la vidéo d’un de leur militant abattu par les méchants pro-Ahmadinejad. On soulevait le pull de la victime et sa poitrine était trouée par balle. L’image a fait le tour de la planète jusqu’à ce que nous fassions remarquer que la balle qui était censée avoir transpercé la poitrine de la victime n’avait pas transpercé son pull : la blessure était un maquillage. L’image a été retirée du net, mais personne n’a critiqué la supercherie car si Téhéran a besoin du Mouvement Vert pour s’acheter une virginité, les Occidentaux aussi apprécient cette entité capable d’améliorer l’image du régime et ils diffusent à leur tour sans censure les images ou les rumeurs des soi-disant malheurs du Mouvement Vert. Dans ce lot, les Américains qui doivent s’allier à des islamistes pour contrôler la région vont même jusqu’à promouvoir l’organisation de manifestations Vertes par des opposants à leur solde. Dans le cas de l’image fallacieuse du faux blessé par balle, tout le monde a observé le silence car chacun comptait sur la manifestation du 27 décembre, pendant la fête religieuse d’Achoura, qui devait être une apothéose pour le Mouvement Vert qui allie l’islamisme à la démocratie. Pendant cette journée, pour surchauffer les esprits, le régime avait diffusé des scènes évoquant des morts. Il y avait parmi les victimes le neveu de Moussavi ! Le récit ne tenait pas debout, mais Tweeter s’est enflammé assurant le succès médiatique de cette manifestation. Le lendemain, les choses se sont corsées car personne n’est descendu dans la rue pour pleurer ces fameux morts. Du coup, les animateurs Tweeter ont oublié ces victimes et Moussavi lui-même a demandé au peuple (qui n’avait pas bougé) de ne pas se déranger pour les funérailles. Alors que l’on s’achemine vers la mise en scène d’un nouveau 27 décembre, le régime a été encore importuné par ces morts inexistants car cette semaine, le 5 février avait lieu la fête d’Arbaeyne ou 40ème journée de deuil après Achoura. Téhéran s’est montré discret. Mais les Américains qui font la promo du Mouvement Vert ont prétendu via leurs marionnettes les moudjahiddines que des milliers d’Iraniens s’étaient rassemblés sur les tombeaux des victimes d’Achoura. Ce mensonge monumental a forcé les animateurs du Mouvement Vert à apporter la preuve du rassemblement. Les malheureux ont filé au cimetière Behesht-é-Zahra pour y tourner un petit clip… C’est une exclusivité mondiale car le clip a été retiré et remplacé par un autre qui montre une enfilade de voitures de police pour expliquer le nombre des manifestants du clip disparu !
Une fois le buzz obtenu, les Verts parisiens ont crié haut et fort : « Nous ne sommes pas des Monarchistes ou des Moudjahiddines ! Nous ne sommes pas pour un changement de régime. Nous sommes vos frères. Nous sommes des réformateurs ! »
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