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Iran : Le régime est entré en zone de turbulences
15.08.2009

L’association des anciens élus du Parlement Islamique d’Iran a adressé une lettre à Rafsandjani directeur de l’Assemblée des Experts, organe chargé de nommer ou destituer le guide suprême, pour lui demander d’examiner cette dernière option en rapport avec le soutien illégitime apporté par Khamenei à Ahmadinejad. C’est une démarche inhabituelle et irrégulière à l’image d’une situation de crise.



Selon les lois de la république islamique, le Guide doit être à l’image (officielle et sublimée) de Khomeiny : un dignitaire religieux de grande envergure reconnu par ses pairs et aimé du peuple et élu par lui. Cependant, conscient des enjeux plus politiques que religieux du poste, de son vivant en 1982, Khomeiny a créé l’Assemblée des Experts, organe composé de 86 religieux élus au suffrage universel pour élire sur la base de compétences religieuses et politiques de manière semi démocratique la personne garante de la conformité islamique du régime.

L’actuel Guide n’a pas suivi ce chemin, sa nomination a été favorisée par le testament de Khomeiny, en fait un faux testament écrit par Rafsandjani, le demi-frère de Khomeiny, et Ahmad Khomeiny, le fils et secrétaire particulier de ce dernier. Il reste néanmoins soumis à l’Assemblée des Experts (auj. dirigée par Rafsandjani) qui peut à tout moment se réunir pour le destituer pour manquement à ses devoirs ou fautes. C’est pour cette raison précise que la lettre ouverte de l’association des anciens élus du Parlement est sans valeur : l’Assemblée des experts est au-dessus de cette association et n’a nul besoin de se faire dicter sa conduite.

Cette lettre écrite à Rafsandjani est de ce fait un acte purement médiatique. Son intérêt est dans le fait qu’elle reprend à son compte une demande de destitution qui avait été formulée par les slogans des partisans du Mouvement Vert en juillet 2009.

C’est une manière astucieuse de relancer l’intérêt médiatique de cette pseudo-opposition interne soutenue par Rafsandjani qui n’arrive pas à mobiliser la population pour permettre à ce dernier et au régime qu’il dirige de feindre une crise de légitimité interne du président élu afin de bloquer les négociations sur le nucléaire faute d’un interlocuteur qui aurait le soutien du peuple et de ses pairs.

A défaut d’un soutien du peuple, Rafsandjani (qui est aussi le patron politique du régime et le protecteur de Moussavi) a décidé de renforcer la densité de ce slogan apparu après l’échec de la première phase du Mouvement vert. C’est une improvisation dans ce qui fut déjà une improvisation : une action mal préparée que Rafsandjani aura du mal à maîtriser.

Origine de l’improvisation : l’échec de la première phase du Mouvement vert | Le 13 juin dernier, le régime (Rafsandjani) lançait le Mouvement Vert de la contestation des résultats électoraux. Son objectif initial était d’offrir à Obama une jolie imitation iranienne des révolutions de couleur made in US afin que le président américain, porté par son propre élan de soutien aux démocrates du monde musulman, soutienne les partisans de Moussavi en conformité avec son discours du Caire. Si Obama avait fait ce geste, il aurait rendu illégitime le président élu et de facto rendu toutes futures négociations avec lui dépourvues de valeur ce qui aurait créé une crise internationale majeure obligeant les Etats-Unis à rompre leur politique de main tendue pour revenir à des menaces de frappes. Téhéran aurait gagné son pari car de peur d’une guerre dans le Golfe Persique, artère pétrolière de l’Occident, les alliés internationaux du régime auraient poussé dans le sens d’un arrangement global conforme aux exigences régionales de Téhéran pour éviter le pire.

Obama n’a pas fait cette gigantesque erreur et le peuple iranien n’a pas tenu le rôle qui lui était réservé par le régime dans ce Mouvement Vert. Quand le 15 juin (48 heures après le lancement du mouvement), le peuple est descendu massivement dans la rue : il n’était pas là pour contester Ahmadinejad en soutien au Mouvement Vert ou en soutien à Moussavi, mais pour contester le régime dans sa totalité.

Apparition du slogan contre le Guide et ses conséquences | Aussitôt après avoir maté ce soulèvement, Rafsandjani reprenait ses efforts pour relancer le Mouvement Vert, mais depuis cette date du 25 juin, il n’a jamais réussi à déplacer les foules à l’appel du Mouvement Vert. Le premier échec de ce genre a été essuyé dès le 26 juin, puis le 27 à l’occasion du premier rassemblement à l’appel des Verts. Le patron politique du régime a alors modifié son angle d’approche en incluant des slogans hostiles au Guide, symbole du pouvoir religieux pour avoir l’air plus démocrate. Mais, ce slogan faussement anti-régime n’a pas réussi à faire bouger les Européens et ni à mobiliser les Iraniens, il a en revanche provoqué la colère des hauts dignitaires du chiisme pour qui la sauvegarde de l’Islam prévaut à l’islam du pouvoir politique de Rafsandjani. Le régime a alors calmé le jeu dans ce domaine pour se concentrer à nouveau sur Ahmadinejad et comment arriver à le rendre illégitime.

Dernière improvisation, premières contradictions… | Après deux tentatives ratées de victimisation des Verts pour susciter un soutien international, le régime a eu l’idée de mettre en scène une brouille entre Ahmadinejad et le Parlement -normalement du même bord- qui pourrait selon les rumeurs lui refuser sa confiance !

Avec ce scénario, le régime est arrivé à la limite de ses acrobaties car le Guide réputé pro-Ahmadinejad a l’autorité d’imposer ses vues au Parlement. Désormais, le régime doit abandonner le scénario de l’illégitimité ou l’isolement du président et de facto son très prometteur scénario Vert ou destituer le Guide (du moins l’insinuer).

Cette destitution devait initialement être l’aboutissement de la révolution verte, mais elle a perdu cette utilité objective en l’absence d’une caution américaine. Elle est à présent une option risquée : une reculade qui confirmerait la détresse du régime. Elle ne pourrait qu’encourager un nouveau soulèvement (c’est pourquoi elle avait perturbé les hauts dignitaires chiites alors qu’elle n’était qu’un slogan).

Conclusions | Le retour à cette case à risque évoque un régime à court de solution de rechange. La remarque est aussi valable pour Rafsandjani. Le patron politique du régime ne peut même pas défendre cette option comme un moyen de destituer Ahmadinejad par le prochain Guide : la communauté internationale a déjà reconnu le président élu comme son interlocuteur, elle referait la même chose avec son successeur. Téhéran ne pourra pas indéfiniment jouer la même carte de la crise interne. Le régime a échoué dans ses manœuvres. C’est le grand timonier Rafsandjani et ses associés du Conseil de Discernement qui sont sur la sellette pour leur mauvaise gestion de crise et non le très symbolique Guide suprême. C’est le temps des turbulences, des reproches, des querelles, des ruptures et des trahisons. Ça va tanguer dans le cockpit.
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De gauche à dr. (en 1982) : Moussavi, Khamenei, Ahmad Khomeiny & Rafsandjani.


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| Mots Clefs | Mollahs & co. Militaire : Khamenei |
| Mots Clefs | Institutions : Démocratie Islamique |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Rafsandjani |

| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |