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Iran-EU : On reparle d’une révision du rapport NIE 2007
22.01.2010

Les négociations dans le dossier nucléaire iranien sont dans l’impasse : il suffit que les Six lâchent un peu la pression pour que Téhéran affirme avoir gagné et exige une solution à ses conditions [1]. Mais la situation n’est pas près d’évoluer car Washington a rappelé hier qu’il restait « fidèle à sa double approche : dialogue et menace de sanctions ». Le dialogue étant l’objectif et la menace des sanctions le moyen d’y parvenir, il ne reste comme possibilité d’évolution que des changements de tons dans la menace des sanction . C’est pourquoi on évoque de plus en plus une possible mise à jour du rapport NIE 2007 regroupant les estimations des services secrets américains sur l’état d’avancement du programme nucléaire iranien et la menace qu’il représente.



L’annonce de la révision des estimations sur l’état d’avancement du programme nucléaire iranien est très importante car toute la crise nucléaire iranienne a démarré en 2003 à la suite d’une estimation américaine de l’imminence d’une bombe nucléaire iranienne avant 2005.

les premières estimations | Sur la base de documents dénichés par les services secrets américains évoquant la production en Iran de matières fissiles et de missiles très performants, Bush a placé l’Iran dans l’« axe du mal » et annoncé la possibilité d’une intervention militaire d’ordre messianique. Le même discours avait débouché sur l’invasion de l’Irak que l’on soupçonnait d’être motivé par des préoccupations pétrolières.

Les autres grandes puissances alliées économiques des mollahs ont d’abord riposté via l’AIEA pour évoquer une absence de preuves américaines concluantes, mais devant la répétition de menaces de frappes, ils ont consenti en décembre 2006 à transférer le dossier nucléaire iranien vers le Conseil de Sécurité. Ils ont alors adopté une résolution sur la base des accusations américaines notamment sur les activités balistiques de Téhéran, mais cette résolution imposait des efforts diplomatiques et au besoin des sanctions et uniquement des sanctions. Ils ont ainsi validé à leur propre insu les preuves américaines et légitimé le recours aux sanctions.

Ces Etats ont réalisé leur erreur quand juste après avoir adopté en octobre 2007 les premières sanctions bancaires unilatérales qui visaient leurs intérêts en Iran, Washington a publié en novembre 2007, un rapport de synthèse de ses 16 services secrets faisant état de leurs doutes sur l’imminence de la menace nucléaire iranienne sans pour autant renoncer à ses sanctions unilatérales contre les intérêts de ces pays en Iran. Il était trop tard, Washington s’était emparé de la direction du bras de fer avec les mollahs. Il pouvait gérer selon ses besoins des sanctions majeures pour parvenir à son rêve d’une entente très intéressante avec les mollahs, maîtres de l’Iran et idoles des musulmans, entente lui offrant le contrôle du pétrole iranien, le gaz de l’Asie Centrale et aussi la possibilité d’instrumentaliser les musulmans de tout autre pays pétrolier pour chasser ses concurrents.

les diverses réactions | Parmi les Etats floués, la France, grand partenaire pétrolier de l’Iran, et l’Allemagne, premier fournisseur de l’Iran, ont émis des doutes sur le contenu du rapport. La Grande-Bretagne qui est actuellement le leader du marché mondial du pétrole, mais pourrait perdre cette place si Washington s’emparait de l’Iran et de l’Asie Centrale, a pris la tête de la contestation au NIE 2007 en communiquant à l’AIEA un document contradictoire stipulant que l’Iran avait continué ses activités nucléaires militaires après 2003. Le directeur général de l’AIEA, El Baradai et son adjoint finlandais Olli Heinonen ont alors placé cyniquement ce document contredisant leurs précédents rapports au centre de leurs futurs rapports sur l’Iran s’engageant dans une nouvelle guerre contre Washington. Ce retournement a mis en avant l’alignement de la direction de l’AIEA sur la Grande-Bretagne. Cet alignement n’existe plus depuis le remplacement d’El Baradai par le japonais pro-américain Amano, ce qui a son importance dans l’avenir du NIE 2007 comme instrument de la mainmise américaine sur le bras de fer avec Téhéran.

Si les Européens ont organisé la résistance contre le rapport 2007, Téhéran a vu le rapport comme une aubaine pour demander « que le Conseil de Sécurité soit désaisi et que son dossier retourne au Conseil des Gouverneurs de l’AIEA ». La Russie a alors commencé à militer en ce sens. Ce double effort a été avorté par Washington qui a besoin de la légitimation du Conseil de Sécurité pour sanctionner les gros partenaires commerciaux de l’Iran et aussi par ces gros partenaires commerciaux de l’Iran qui espèrent garder un minimum d’emprise sur l’issue de la crise pour ne pas laisser Washington maître à bord.

les conséquences du rapport NIE 2007 | Malgré les résistances, le rapport a permis d’éloigner la menace pour esquiver les provocations de Téhéran et autoriser Washington à introduire sa politique d’apaisement qui consiste tout simplement à proposer une entente sur un fond de sanctions sélectionnées pour épuiser la résistance des mollahs sans pour autant renverser ces futurs alliés utiles. Quand ce rapport a été publié, Washington espérait épuiser les mollahs dans une durée relativement courte. C’est pourquoi en l’absence de résultats, surtout après des tentatives avortées de reprise du dialogue, il a très vite évoqué une révision des conclusions du rapport. Le contour de cette révision était flou : il s’agissait d’estimations à titre personnel des responsables du Renseignement mais sans aucune précision sur le contenu de leurs convictions.

les dernières évolutions du rapport NIE 2007 | En janvier 2009, quand Obama est arrivé au pouvoir avec la même mission d’épuiser les mollahs dans une durée courte, on a reparlé de la révision du rapport après son premier échec en février 2009. Le contour de la révision est alors devenu plus précis : Dennis Blair, le nouveau chef du Renseignement américain, a affirmé que « l’Iran était en train de mettre au point toutes les composantes d’un programme d’arme nucléaire pour relancer son programme à tout moment. S’il le faisait, il disposerait d’une bombe atomique avant la fin de l’année 2009 ». Ses services n’ont néanmoins pas remis en cause les conclusions du rapport NIE 2007 laissant aux mollahs le choix de coopérer.

On a alors assisté à 9 mois d’efforts pour parvenir à des négociations pour déboucher sur l’entente souhaitée par Washington. Les mollahs ont fui toutes les invitations au dialogue car toute entente passerait par une normalisation des relations, une évolution qui leur imposerait d’ouvrir leurs élections aux politiciens iraniens islamistes mais pro américains. Les mollahs perdraient alors le monopole du pouvoir. Pour mettre fin à cette fuite des mollahs, en avril 2009, Washington a imaginé le projet d’un échange de la quantité d’uranium iranien que l’on soupçonne d’être destiné à un usage militaire contre du combustible franco-russe. Téhéran ne pouvait pas refuser car cela aurait été synonyme de reconnaître l’existence d’un programme nucléaire militaire. L’offre étant secrète, Téhéran n’a pas donné suite. Washington l’a confié à l’AIEA en septembre 2009 qui l’a soumise aux mollahs le 1er octobre à Genève comme une offre de la dernière chance. Téhéran a accepté la proposition à Genève, mais l’a remise en cause 36 heures après à Téhéran. 15 jours plus tard, au moment où Téhéran tardait de donner une suite à cette offre, Washington avait ponctuellement reparlé d’une « révision du rapport NIE 2007 » sans pour autant donner de précision sur le contenu des changements.

Après cette opération d’intimidation, Washington s’était lancé dans d’infructueuses médiations turque et indienne avec des promesses d’investissements en Iran. Finalement, le délai est arrivé à terme, mais les mollahs n’ont pas déposé les armes notamment parce qu’ils ont vidé les réserves d’argent des commerçants Iraniens. Washington s’est retrouvé au point de départ : il reparle du rapport NIE 2007. Mais on ne parle plus d’une « révision », mais d’une « mise à jour » : le rapport sera annoté !

le contenu de la « mise à jour » | Exit les confidences de Dennis Blair sur les documents attestant « la mise au point finalisée des composants d’une bombe avant la fin de l’année 2009 » ; selon les rumeurs, la mise à jour élaborée par le même homme affirmerait « sans exclure l’éventualité d’une erreur d’estimation que Téhéran serait en train de continuer ses recherches sur la production d’armes nucléaires, mais sans commencer la fabrication des composants ».

En 2010, Washington continuera donc la politique menée en 2009 :
ça monte, ça descend, mais ça ne dégénère pas.


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article complémentaire :
- Obama - Iran : Apaisement et embarras
- (18 JANVIER 2010)

le point de vue des mollahs :
- Iran : Petit aperçu de l’année 2010
- (4 DÉCEMBRE 2009)

article complémentaire :
- Iran : Une improbable révision du rapport de synthèse 2007
- (17 OCTOBRE 2009)

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Décideurs : Analystes & Experts |

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

[1Samedi dernier, les Six se sont réunis à New York pour parler de l’adoption de nouvelles sanctions demandées en 2009 par Washington si Téhéran n’acceptait pas le 31 décembre 2009 le projet américain d’un échange de 75% de son stock d’uranium faiblement enrichi contre du combustible franco-russe. La réunion s’est achevée sur le consensus qu’il fallait continuer le dialogue avec Téhéran. Le lendemain, Washington a salué ce choix. Téhéran s’est alors dit très sensible à cette « attitude réaliste » qui pourrait déboucher sur un compromis selon ses conditions.