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Iran : Une réponse très offensive
30.10.2009

Elle était attendue pour le 23 octobre, Téhéran a enfin remis à l’AIEA sa réponse à l’offre des Six d’un échange d’uranium contre du combustible. D’après nos informations, c’est une vraie déclaration de guerre, une réponse si peu formidable que l’agence onusienne a eu peine à divulguer son contenu. Les Six sont passés en mode silence. Pour tempérer, ils ont orienté les regards vers un discours d’Ahmadinejad en l’analysant comme annonciateur d’un accord. Pour cela aussi, il a fallu censurer légèrement le discours en question. | Révélations et commentaires sur une impasse |



le discours d’Ahmadinejad | La quasi-totalité des médias occidentaux, russes et chinois ont diffusé avec enthousiasme le dernier discours d’Ahmadinejad en affirmant qu’il était annonciateur d’un accord historique avec les Six sur l’échange de combustible, accord lui-même « annonciateur d’une volonté de coopération avec le Conseil de Sécurité qui dans ses résolutions stipule la suspension de l’enrichissement » comme condition sine qua non à une levée des sanctions et le début d’un partenariat international avec l’Iran selon les modalités de l’offre incitative faite en 2006.

Le problème est qu’Ahmadinejad n’a rien dit de tel. Il a même dit le contraire. Pour arriver à ce résultat, les médias occidentaux ont éliminé une phrase clef de son discours dont l’absence inverse le sens du discours.

Voici les déclarations d’Ahmadinejad dans leur version occidentale :
« Avant ils demandaient l’arrêt (du programme nucléaire iranien), aujourd’hui ils ont accepté l’échange du combustible, la participation pour la construction de réacteurs et de centrales nucléaires. Ils sont passés de la politique de confrontation à la coopération... Nous saisirons toute main tendue avec honnêteté, mais si elle s’accompagne de complot et de mensonge, nous donnerons la même réponse que nous avons donnée à Bush et ses complices »
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© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Voici ce qu’a dit vraiment Ahmadinejad :
« Avant ils demandaient la suspension (du programme nucléaire iranien), aujourd’hui ils ont accepté l’échange du combustible, la participation pour la construction de réacteurs et de centrales nucléaires. Ils sont passés de la politique de confrontation à la coopération. Pendant plusieurs années, vous avez choisi la confrontation avec le peuple iranien au moyen de sanctions, d’adoption de résolutions ou encore des menaces de frappes. Vous avez vu nos réponses. A présent, vous voulez changer votre conduite. Nous saluons ce changement et saisirons toute main tendue avec honnêteté, mais si elle s’accompagne de complot et de mensonge, nous donnerons la même réponse que nous avons donnée à Bush et ses laquais »
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C’est un rejet catégorique de toutes les résolutions du Conseil de Sécurité (les Six) et de ses initiatives d’apaisement, rejet nécessitant l’adoption de nouvelles sanctions. C’est une déception pour les Américains qui ont besoin d’une entente régionale avec les mollahs, d’où leur silence. C’est aussi une déception pour les Européens qui ont d’importants intérêts en Iran, intérêts qui pourraient souffrir des sanctions.

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décodages n°1 | La disparition de la phrase incriminée est en fait le sommet visible d’une déception beaucoup plus importante car ce discours dans sa version complète devait être le prolongement diplomatique de la réponse technique qui a été aujourd’hui soumise à l’AIEA. C’est là que se trouve le cœur du problème.

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la réponse du régime | Téhéran espérait que les médias occidentaux parlent de cette réponse. Puisqu’elle a également été censurée (et vous allez voir pourquoi), le régime s’est chargé d’ébruiter son contenu bombastique via ses deux agences de presse iraniennes contrôlées par les Pasdaran, Fars & Iran.

On y apprend que cette offre d’échange présentée comme étant celle des Six avait en fait été proposée aux mollahs il y a 5 mois (en avril 2009), par les Américains ! Ce qui veut dire que la réponse et le discours, « Pendant plusieurs années, vous avez choisi la confrontation… A présent, vous voulez changer votre conduite » étaient adressés aux Américains.

Par ailleurs, « un tel et ses laquais » est une expression du régime utilisée dans ses slogans ou insultes. Les mots « les laquais » sont utilisés comme superlatifs du premier mot, dans notre cas Bush (le prédécesseur d’Obama). De fait, nous avons là une réponse exclusivement adressée à Obama.

Cette réponse très précise s’articule autour de trois remises en cause de l’offre américaine avec des conséquences lourdes pour l’évolution du bras de fer entre Téhéran et Washington.

En premier, Téhéran conteste la nécessité de « se séparer de 1200 kg de son stock d’uranium faiblement enrichi soit la totalité de ce stock ». Il est important de préciser que dans nos articles, nous avions à plusieurs reprises affirmé que Téhéran possédait uniquement 1200 kg et non 1500 kg. Quel que soit le volume réel de son trésor atomique, Téhéran précise que son réacteur de recherche qui sera abandonné d’ici 1 ou 2 ans avait consommé dans les 20 dernières années seulement 16 kg de combustible à base d’uranium enrichi à 19,75%. Il ne voit donc pas l’utilité de remettre 1200 kg d’uranium faiblement enrichi aux Russes pour recevoir 197 kg de combustible enrichi à 19,75%. Il donnera par conséquent le volume qui correspond à ses besoins actuels. Il recommencerait l’opération si ses besoins évoluaient (en cas d’un retard de l’entrée en fonction du réacteur d’Arak qui doit remplacer celui de Téhéran).

En second lieu, à chaque fois, Téhéran veut un échange instantané entre la matière remise et son équivalent en combustible d’origine étrangère ou à défaut un délai de 2 mois et non un délai de 18 mois comme stipulé dans l’offre américaine.

Le troisième point est que Téhéran ne veut pas de la France ou de la Russie comme fournisseurs. Il précise que la première l’a privé de sa part de production dans le contrat Eurodif (soit 50 tonnes de l’UF6) et la seconde tarde à lui livrer la centrale de Bouchehr. Il voudrait donc un autre fournisseur.

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décodages n°2 | Ces trois conditions sont éminemment politiques. En premier, Téhéran veut préserver environ 1100 kg de son stock d’uranium faiblement enrichi, potentiel nominatif pour fabriquer une bombe : il restera ainsi engagé pleinement dans son bras de fer avec les Etats-Unis.

La seconde condition est une clause d’autorité, une remise en question gratuite pour bousculer Washington. Le point le plus important est la troisième condition : Téhéran repousse la candidature russe et française pour se retrouver en tête-à-tête avec les Américains comme fournisseurs de produits susceptibles d’être détournés à des fins militaires. Il estime que la livraison de ce produit par les Etats-Unis vaut une reconnaissance de la légalité de son programme nucléaire, une reconnaissance de l’infondé des sanctions.

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conclusions | Hier, le régime des mollahs a en fait dit non à l’apaisement et posé ses conditions accompagnées d’un discours d’ouverture : « A présent, vous voulez changer votre conduite. Nous saluons ce changement et saisirons toute main tendue avec honnêteté… »

La veille, Moussavi et Karroubi que l’on n’avait guère entendu sur le nucléaire ont pris la parole pour apporter leur soutien à ce genre de solution intransigeante. Ce n’est pas un hasard. Cela a un rapport avec la réponse de Téhéran.

En fait, depuis un mois, le régime et ses lobbyistes du Mouvement Vert préparent des manifs à travers le monde en soutien à Moussavi et Karroubi. Ils n’ont cessé d’appeler tous les opposants à l’unité. A la dernière minute, les deux hommes qui ne sont pas des vrais opposants ont pris la parole en défendant le droit à l’enrichissement et tout ce que cela suppose en des termes plus extrémistes que ceux utilisés par Ahmadinejad. Ils ont ainsi au bénéfice du régime redéfini l’objet de ces manifs pour en faire la démonstration d’un consensus national -toutes couleurs politiques confondues- sur la politique nucléaire des mollahs. Les animateurs web du Mouvement Vert seraient aussi de retour sur Tweeter. Avis donc à tous pour boycotter ces lobbyistes et leurs manifs.

On comprend le dépit de Washington qui a préféré censurer tout afin de ne pas s’engager dans des polémiques difficiles ou des réactions susceptibles de frôler la question sensible des sanctions. Washington est en revanche reparti à l’offensive sur le plan des violations des droits de l’homme. Direction : Pas les Moussavistes, mais les Américains détenus en Iran et les ex-détenus mineurs qui sont dans le couloir de la mort


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article complémentaire :
- Iran - sanctions : La soupe de la soupe d’Obama
- (29 OCTOBRE 2009)

article complémentaire :
- Iran : la France, un prétexte pour refuser l’apaisement
- (21 OCTOBRE 2009)

Article complémentaire :
- Iran : La feuille de route des mollahs
- (8 OCTOBRE 2009)

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Institutions : Provocations |
| Mots Clefs | Nucléaire : Crise & Escalade |
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Ahmadinejad |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Karroubi |
| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Journalistes et média Français |