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Iran : Un dégel, mais pas celui que l’on attendait
01.04.2009

Tout le monde attendait l’intervention du représentant des mollahs à La Haye, espérant le début d’une ouverture et une rencontre. Mais les choses ne se sont pas passées comme espéré : Téhéran a dit oui à une coopération uniquement avec l’Afghanistan, repoussant ainsi toute possibilité de dialogue ou de compromis avec les Etats-Unis, mais néanmoins accepté une brève rencontre qui fait crier au dégel. | Décodages |



Le problématique | Pour des raisons hautement stratégiques, les Etats-Unis doivent accéder à l’Asie Centrale : initialement, le corridor d’accès était l’Afghanistan, mais ce pays est en guerre. Il ne reste d’autre alternative que l’Iran, d’autant plus que les mollahs et d’autres pays intéressés par l’Asie Centrale (la Russie et la Chine) soutiennent les Talibans en leur fournissant des armes. Les Etats-Unis n’ont donc d’autre issue qu’une entente avec les mollahs, solution qui leur permettrait de prendre le contrôle de la quasi totalité des richesses du Moyen-Orient et de l’Asie Centrale.

Cependant, ils ne peuvent faire le premier pas en direction de Téhéran, car ils devraient alors faire des concessions, marchander les faveurs de Téhéran qui demande une reconnaissance d’un droit d’ingérence au Moyen-Orient via le Hamas et le Hezbollah.

C’est pour ne pas faire ces concessions que l’Amérique doit contraindre les mollahs à faire les premiers pas, des compromis pro-américains. Après des sanctions molles qui n’ont pas réussi cet exploit, la nouvelle administration a proposé un dialogue sans conditions préalables aux mollahs qui ont refusé pour ne pas faire le premier pas.

A La Haye, L’objectif était toujours de contraindre l’adversaire à faire le premier pas.

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Topo | Pour mettre fin à la fuite du régime des mollahs, Washington avait suggéré une participation iranienne à la conférence de La Haye. Y voyant un piège pour l’engager dans un processus de dialogue et de compromis, Téhéran avait exigé une invitation américaine : Il voulait se faire prier pour se déplacer en star qui dicte ses conditions (afin d’enterrer toute possibilité de futurs compromis). Il espérait y parvenir car les Etats-Unis ont besoin de l’Iran pour accéder à l’Asie Centrale. Washington avait refusé ce marchandage et avait demandé à ses alliés régionaux de relancer Téhéran au nom de la solidarité régionale et en insistant sur la justesse des points de vue diplomatiques iraniens. Téhéran avait finalement jugé qu’il n’était pas de taille à faire flancher les Etats-Unis : il a changé de tactique et annoncé sa participation.

Dégel ? | Téhéran est ainsi revenu à l’attitude qu’il avait adoptée sous Bush quand Condoleezza Rice avait suggéré une participation iranienne à la première conférence sur la sécurité de l’Irak : le 28 mai 2007, des diplomates iraniens ont rencontré à Bagdad leurs homologues de tous les pays et il ne s’est strictement rien passé. On avait alors crié également au dégel : par la suite, des diplomates iraniens et américains se sont même rencontrés directement à plusieurs reprises sans avancer d’un pouce.

Cette fois pour ne pas répéter les mêmes schémas stériles (se retrouver seul avec les mollahs fantasques), à peine ces derniers avaient-ils annoncé leur présence à la conférence que Washington médiatisait sa nouvelle stratégie en Afghanistan en annonçant la création d’un groupe de contact incluant l’Iran. Dans la foulée, il annonçait via l’entourage du président Obama certaines caractéristiques de cette ouverture : des domaines de coopération très précis, une durée de plus ou moins deux ans, la possibilité d’un alourdissement des sanctions contre l’Iran et l’initiative du dialogue réservée uniquement aux Etats-Unis.

En un clin d’œil, les mollahs se sont ainsi retrouvés engagés contre leur gré dans un processus très réglementé de dialogue et de coopération synonyme de nécessaires compromis par rapport à leur anti-américanisme violent, pierre angulaire de leur politique Moyen-orientale.

Très perturbé par cet embrigadement forcé, Téhéran n’a pas commenté l’annonce et s’est mis en quête d’un argument logique pour sortir de ce piège tactique. Une réponse très tactique a été partiellement dévoilée à la conférence sur l’Afghanistan organisée par le Groupe de Shanghaï à Moscou : Téhéran a évoqué la « nécessité d’augmenter sa coopération avec les Etats de la région. »

Nous l’avions analysé comme une tentative pour axer sa coopération sur l’Afghanistan et non sur les Etats-Unis, évitant du même coup tout contact direct, tout dialogue ou compromis. C’est ce discours refusant la coopération directe qui a été aujourd’hui prononcé à La Haye.

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Cependant, il y a eu une « rencontre fortuite et cordiale » avec la délégation américaine, une rencontre que Téhéran n’a pas refoulée. En fait, il n’y a aucune contradiction : Téhéran ne voulait pas de l’ouverture proposée par Obama à ses conditions, mais d’une ouverture à sa propre initiative et selon ses propres conditions. Téhéran a même manœuvré très adroitement pour y parvenir.

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Les manoeuvres | Après l’annonce par Obama de la création d’un groupe de contact avec l’Iran, Téhéran a observé un mutisme total à propos de l’offre avant La Haye. Washington a alors cru qu’il avait coincé les mollahs dans son mécanisme de coopération compromettante. Amusée, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton avait même indiqué à la veille de la conférence qu’elle avait « hâte d’entendre ce que l’Iran avait à proposer à la conférence de La Haye. »

Elle disait s’attendre à une attitude « constructive » ou plus précisément à des « propositions (de coopération) » venant des mollahs, « pour aider les Etats-Unis à atteindre leurs objectifs de sécurité et de stabilité en Afghanistan ». Hillary Clinton s’attendait en fait à voire les mollahs faire les premiers pas... Ce que Téhéran n’a pas fait. Il a non seulement refusé de faire ce pas en avant, mais par son refus, il a forcé Washington à faire un pas en sa direction pour sauver son entreprise du dialogue via la coopération en Afghanistan.

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Un refus déclencheur | Ce refus a été poussé à son extrême par un discours régionaliste, presque anti-américain, qui ne mentionnait même pas le nom des Etats-Unis. La proposition d’Obama pour la création d’un groupe de contact est décrite comme des « propositions de coopération offertes par les pays contributeurs en Afghanistan ».

Puisque Washington avait fait intervenir ses alliés régionaux comme le Qatar, la Turquie ou l’Afghanistan pour saluer la justesse des points de vue de Téhéran, le régime des mollahs s’est permis de faire la leçon aux participants en critiquant haut et fort « la présence de soldats étrangers » dans ce pays, une présence qui « ne peut apporter ni la paix ni la stabilité », et ne fait qu’« encourager l’extrémisme ».

Ce discours régionaliste n’était pas uniquement tactique ou défensif, il avait aussi un caractère offensif puisqu’il a posé le problème de l’indépendance de Karzaï dans un contexte électoral défavorable et aussi le problème du désengagement des troupes d’Afghanistan, un thème susceptible de nuire à Obama qui s’est fait élire sur des promesses d’une Amérique moins guerrière.

Un petit pas... | Cette fermeté imaginative inattendue a surpris Washington : pour sauver le mécanisme de dialogue réglementé avec Téhéran, véritable bijou de tactique (pour obtenir des concessions), la délégation américaine a dû faire le premier pas. Ce n’est pas un dégel, mais une victoire pour les mollahs ! Ils n’ont évidemment pas refusé la rencontre.

Immédiatement, à Téhéran, un membre de la commission parlementaire de Sécurité Nationale et de Politique Extérieure a fait savoir qu’en 2009, le Parlement Islamique d’Iran « étudierait le processus de normalisation des relations avec les Etats-Unis en fonction des éventuelles actions honnêtes de l’administration Obama ». Téhéran ne prend aucun risque car le Parlement Islamique est dépourvu d’un vrai pouvoir : Téhéran peut à tout moment faire marche arrière.

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Bilan | Téhéran a refusé la porte ouverte par les Américains à leurs conditions, essayé de redéfinir les domaines de son intervention en Afghanistan, poussé les Américains à faire un premier pas en sa direction, avant de reprendre l’initiative du dialogue en leur proposant sa version de porte ouverte (à ses conditions).

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Pourquoi Washington ne réagit pas plus fermement :
- Etats-Unis : Nouvelle politique iranienne, nouveaux désordres
- (11 MARS 2009)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |

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| Mots Clefs | Décideurs : Hillary Clinton |
| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Afghanistan |