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Analyse globale des relations irano-américaines
10.04.2008

Hier, alors que David Petraeus, le commandant en chef des forces américaines en Irak, répondait aux questions des trois candidats américains, Téhéran a incité son poulain Moqtada Sadr à évoquer une guerre ouverte avec l’Amérique. Au même moment, les États-Unis ont menacé l’Iran de nouvelles sanctions et Téhéran a répliqué par de nouvelles provocations nucléaires… Sans la grille de lecture d’une analyse globale des relations irano-américaines, les différentes initiatives des deux Etats sont incompréhensibles.



Grille de lecture à minima | Les Etats-Unis ont besoin de conclure une entente géopolitique avec les dirigeants iraniens quels qu’ils soient. L’Iran domine le détroit d’Ormuz, couloir d’accès aux richesses pétrolières du Golfe Persique et il est également un couloir d’accès vers l’Asie Centrale, l’autre grand réservoir de pétrole de notre planète. Washington a également besoin du régime des mollahs pour l’intégrer dans sa diplomatie : cet agitateur islamique contrôlé devrait semer le désordre chez les adversaires chinois en perturbant la production pétrolière dans les pétromonarchies sunnites du Golfe Persique, mais aussi au sein de l’OPEP, ou encore chez les pseudo-républiques de l’Asie Centrale alliées de la Chine et de la Russie. Les mollahs alignés sur Washington seront également efficaces pour soulever les musulmans chinois de la région minière de Xinjiang [1] contre le PC chinois.

Les mollahs espèrent vendre cette entente en échange de la garantie que leur régime ne sera jamais inquiété. C’est ce que l’on appelle des « Garanties de Sécurité ». Mais la parole des américains ne suffit pas aux mollahs : ils étaient en principe les alliés du Chah et l’ont renversé pour islamiser et balkaniser l’Iran et ses voisins. Ce plan a partiellement échoué car les mollahs qui ne devaient être qu’un catalyseur ont gardé le pouvoir et chassé les pions islamo-gauchistes de l’Amérique. Entre temps, les mollahs ont créé le Hezbollah et ont tissé des liens avec d’autres milices qu’ils financent ou équipent pour devenir un acteur incontournable de toute la région. C’est cette ingérence qui leur garantit la survie de leur régime. Ce qu’ils veulent se résume donc à une reconnaissance américaine de leur rôle via leurs milices et la garantie que les Etats-Unis ne chercheront pas à démilitariser ces milices à commencer par le Hezbollah.

Tel est le point de départ de la crise qui sévit entre les deux pays : d’un côté, la nécessité pour les Etats-Unis de conclure un accord géopolitique pour renforcer leur hégémonie sur le Golfe Persique et l’Asie Centrale, et de l’autre le prix exorbitant pour cet accord exigé par Téhéran.

Pour ne pas payer ce prix, l’Amérique doit affaiblir les mollahs (sans les achever) et les contraindre à céder sur leurs exigences. L’Amérique a donc choisi de frapper le régime des mollahs sur son point faible : son économie déficitaire. Les pressions américaines s’exercent donc dans ce domaine. Pour justifier ses sanctions, Washington accuse Téhéran d’être une menace nucléaire balistique. Pour ne pas céder du terrain, dans ce poker atypique, Téhéran surenchérit dans ces deux domaines afin de diviser le camp atlantiste et le Conseil de Sécurité, tous les deux composés des américains plus les partenaires commerciaux de l’Iran. Mais non seulement Téhéran surenchérit dans le domaine nucléaire ou balistique, mais en plus il relance son adversaire en le frappant sur ses points le plus sensibles : la présence militaire américaine en Irak et les morts américains au front. Téhéran qui excelle dans le domaine du terrorisme, harcèle les américains en Irak ou en Afghanistan en apportant son soutien aux djihadistes de ces deux pays sans oublier d’utiliser le Hamas et le Hezbollah pour enquiquiner l’autre point sensible des Etats-Unis.

Pour résumer, quand Washington évoque de nouvelles sanctions, Téhéran intensifie sa guerre asymétrique en Irak et vice et versa quand Téhéran intensifie la guérilla, Washington évoque de nouvelles sanctions. Parallèlement à cette double entreprise d’affaiblissement mutuel, régulièrement les deux parties se rencontrent et les rencontres peuvent aussi accélérer les initiatives pour affaiblir l’adversaire.

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Actuellement… | Nous l’avons expérimenté récemment quand Téhéran avait embrasé Bassorah : il a suffi d’une allusion de la CIA à la reprise de la fabrication des armes nucléaires par l’Iran, pour que Téhéran voit se pointer la menace de nouvelles sanctions économiques l’empêchant de signer un important contrat pétrolier avec l’Inde.

Dès le lendemain, Téhéran a fait calmer le jeu et même envoyer un message à Washington via l’irakien Abdel Aziz Hakim pour la reprise de leurs pourparlers pour une entente. Washington a répondu positivement en proposant la reprise des négociations. Téhéran a démarré l’action des milices sur le terrain pour arriver au rendez-vous en ayant le dessus et ce choix tactique de Téhéran a été fait en fonction de l’audition de Petraeus à Washington. Téhéran voulait que l’on admette sa puissance sur le terrain. Evidemment, Petraeus a comme d’habitude répété des propos maintes et maintes fois tenus sur l’influence nocive des Pasdaran « sur les chiites irakiens » [2]. Téhéran n’a pas eu gain de cause et en plus pour le punir, Washington a répliqué en évoquant de nouvelles sanctions financières et diplomatiques au prétexte de la poursuite par Téhéran d’activités nucléaires prohibées par le Conseil de Sécurité. Très atlantiste, Paris s’est immédiatement aligné sur Washington.

Comme nous l’avons dit plus haut, la surenchère nucléaire de l’Iran a toujours pour objectif de diviser le Conseil de Sécurité dont chaque membre a des intérêts divergents en Iran.

Et il faut toujours revenir à la grille de lecture : l’objectif final de Washington d’imposer toujours plus de sanctions est d’affaiblir le plus Téhéran pour lui imposer un accord afin de priver Moscou d’un allié régional géopolitiquement indispensable pour préserver l’hégémonie russe sur l’Asie Centrale et la Mer Caspienne. C’est pourquoi, la Russie a immédiatement réagi en affirmant qu’il était hors de question d’imposer de nouvelles sanctions contre l’Iran (pour l’affaiblir afin de le contraindre à signer), ni de revoir la durée du délai de 90 jours accordé à Téhéran par le Conseil de Sécurité et encore moins d’envisager une solution autre que négociée via le conseil de Sécurité (c’est-à-dire en présence de la Russie). Lavrov a également évoqué la possibilité de proposer des vraies Garanties de Sécurité à l’Iran !

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Sans la grille de lecture d’une analyse globale des relations irano-américaines, mais aussi des relations irano-russes, les différentes initiatives des pays intervenants restent incompréhensibles. Nous vous orientons donc vers plusieurs articles sur la complexité des relations entre l’Iran et la Russie [3], son allié géopolitique par défaut.

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| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Textes essentiels d’IRAN-RESIST |

| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |

| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Terrorismes : Ingérence des mollahs en Irak |

[1La région autonome de Xinjiang représente 24 milliards de tonnes de pétrole, 11,000 milliards de mètres cubes de gaz, dix millions de tonnes de cuivre, 2190 milliards de tonnes de charbon et 14 milliards de tonnes de sel... Il y a aussi d’abondantes réserves d’or, de chrome, de cuivre, de nickel et de métaux rares... La région recèle également d’importantes ressources agricoles...

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Chine |

[2Lors de son audition devant le Sénat américain, David Petraeus a évoqué le rôle de la Syrie et a également déclaré : « Récemment, certains miliciens sont redevenus actifs, cette résurgence a mis en lumière le rôle destructeur que l’Iran joue en finançant, entraînant, armant et dirigeant les « forces spéciales » (Pasdaran+Hezbollah)… » Ce sont aux mots près des propos tenus avant les événements de Bassorah qui n’ont pourtant pas empêché Washington de demander la reprise des pourparlers bilatéraux avec les mollahs.

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