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Iran-Rafsandjani : l’Etat se fissure.
09.03.2011

Rafsandjani n’a pas été réélu à la tête de l’Assemblée des Experts. Les médias parlent d’une « mise à l’écart d’un modéré proche de Moussavi et de Karroubi » alors qu’à ce poste, Rafsandjani n’avait pris aucune décision modérée. Ce remaniement est lié au fait que la promesse latente d’un retour des soi-disant modérés n’a pas pu désamorcer la contestation, elle a même aggravé la situation car elle a été vue comme la preuve de la peur du régime, ce qui a incité ses derniers partisans à fuir pour sauver leur peau. Le régime vient d’écarter un pilier du régime incarnant ce scénario contre-productif pour stopper la fuite.



Il y a 7 mois, le régime n’a pas réussi à mobiliser ses forces armées (Bassidj, Pasdaran, armée) pour le rassemblement annuel de la Journée de Qods qui rend hommage à la lutte contre Israël. Dans les semaines suivantes, il a été incapable d’organiser d’autres rassemblements exigeant la présence des miliciens ou des militaires. Il était clair qu’il avait perdu leur soutien. Cela est devenu plus visible le 9 février avec l’annulation du grand défilé militaire de la célébration de la révolution islamique.

Le régime était désormais réduit aux dirigeants et leurs proches collaborateurs qui sont trop peu pour assurer sa sécurité face à une manifestation hostile.

Moussavi et Karroubi, les chefs de l’opposition officielle, avaient alors appelé le peuple à manifester le 14 février pour anticiper cette manifestation hostile afin de prendre le contrôle d’une contestation désormais impossible à empêcher ou à réprimer. Le régime cherchait à dévoyer la contestation vers de soi-disant réformes ou à participer à la transition pour amortir sa chute.

Cette initiative a été soutenue par les Européens car tout changement de régime équivaut à l’annulation de contrats avantageux accordés par les mollahs pour se préserver. Washington a également soutenu cette option excluant la chute du régime islamique car il a besoin d’un Etat iranien islamique mais dirigé par ses propres pions pour agiter l’Asie Centrale. Selon des informations reçues cette semaine, au cours des quatre dernières semaines, il y a même eu des contacts entre Washington et le fils d’Akbar Rafsandjani (le concepteur historique de l’opposition officielle et des faux opposants) pour obtenir en échange de ce soutien américain une participation des pions de Washington dans un gouvernement non pas de transition, mais de transmutation.

Sans être au courant de ces manœuvres secrètes qui ont changé la mission de l’opposition officielle, nous avions alors été les seuls sur cette vaste planète à expliquer les objectifs du régime et les intentions de Washington en appelant le peuple à les neutraliser en boycottant l’invitation lancée par le Mouvement Vert de Moussavi et Karroubi pour la manifestation du 14 février (accessoirement la Saint Valentin). Cet appel a été entendu. Il n’y a pas eu de manifestation et en conséquence, pas de deal amoureux entre Téhéran et Washington. Par ailleurs, le boycott a remis en cause la capacité de ce « plan de manifestation contrôlée » à sauver le régime. Une partie des derniers collaborateurs du régime ont pris leur distance pour ne pas périr avec le régime perçu comme étant fini.

Dans nos émissions, nous avons félicité nos compatriotes d’avoir érodé la base du régime, mais avons précisé que cette résistance passive par le boycott ne nous donnerait pas la victoire surtout avec le soutien accordé par les Occidentaux aux islamistes. Nous avons insisté sur la nécessité de manifester mais à des dates qui n’ont rien à voir avec la révolution islamique.

Nous avions alors évoqué deux dates. La première était le 15 mars, l’anniversaire de Reza Shah Pahlavi, le père de la laïcisation et la modernisation des institutions ainsi que l’architecte de la résurrection de l’identité iranienne, un personnage historique admiré par la jeunesse iranienne. La seconde date était la Fête du Feu, qui incarne la même identité et pour cette raison a été interdite par le clergé et par la république islamique. Il s’est avéré que cette fête qui a lieu le dernier mardi de l’année tombait le 15 mars, faisant de cette date un rendez-vous par excellence pour le peuple de montrer le rejet du système islamique.

La fausse opposition, le Mouvement Vert de Moussavi et Karroubi, a alors appelé les Iraniens à manifester « uniquement les mardis » afin de déposséder par avance le peuple de sa seule manifestation symboliquement hostile au régime.

Les médias Iraniens alimentés par Washington n’ont nullement dénoncé ce geste ignoble et ont même intensifié leurs efforts pour convaincre les Iraniens d’accepter cette invitation dès le 1er mars pour lancer la révolution sous une direction islamique avant la date fatidique du 15 mars.

Le peuple iranien a encore boycotté l’invitation et le régime a joué de malchance avec un temps pluvieux lui interdisant de recycler les images d’archives du soulèvement du peuple en juin 2009 comme des images de soutien au Mouvement Vert islamique de Moussavi et Karroubi. Cet autre boycott a d’avantage remis en cause la capacité de la fausse opposition à sauver le régime. Seule une centaine de collaborateurs du régime ont participé à l’opération du mardi 1er mars. D’autres ont été tentés par la vente de leurs actions boursières pour réunir des dollars afin de préparer leur fuite. Le régime a tenté de calmer le jeu en mettant en vente de l’or tout en misant sur un succès de son « plan de manifestation contrôlée par l’opposition officielle » le mardi 8 mars, accessoirement journée mondiale de la femme.

La vente d’or a été vue comme une concession, elle a convaincu les derniers collaborateurs du régime que ce dernier était aux abois. La focalisation maladive sur la fausse opposition interne qui est très impopulaire a convaincu ces mêmes gens que le régime n’avait aucun joker. C’est pourquoi les vétérans de réserve de la 27ème Division des Pasdaran chargés de la défense de la capitale n’ont pas daigné participer à la manifestation en leur honneur. In extremis, samedi dernier, le régime avait laissé entendre un marché passé avec les pions préconisés par Washington à savoir les Moudjahiddines du peuple.

Mais bon nombre des collaborateurs fidèles seront sacrifiés dans cette transmutation du régime, c’est pourquoi cette initiative n’a pas rassuré la base. Bien au contraire, cette initiative a provoqué une vente massive d’actions de la part d’un grand nombre de gens tentés par la fuite. Cette vente massive avait provoqué une baisse de 2% à la bourse de Téhéran alors qu’elle baisse quotidiennement d’1% depuis le début de la présente agitation.

Le régime a alors augmenté l’offre de vente d’or, tout en restant focalisé sur la propagande pour la manifestation de 8 mars, dernière date pour lancer l’opposition officielle et lui donner les moyens de signer l’entente, autrement dit, il avait tenté de rouler ses derniers collaborateurs.

Deux jour plus tard, le régime vient d’écarter l’homme incarnant les négociations secrètes dans le dos de ceux qui assurent la sécurité. C’est une concession qui dénonce la volonté de plaire à une base qui échapperait au régime, probablement une diminution du nombre de ses derniers collaborateurs qui a provoqué une baisse de sécurité pour les dirigeants.

Un fait divers abonde en ce sens : ce dimanche, le mollah de la ville de Varâmine, attiré par des inconnus à un rendez-vous de prière, a été finalement kidnappé, emmené dans sa mosquée, attaché à la grille de l’ossuaire, aspergé d’essence et brûlé vivant !

En résumé, dans un contexte de colère latente, à une semaine de la date prévue pour la première manifestation hostile, il était urgent pour le régime de rassurer les gens qui assurent sa sécurité pour éviter leur fuite afin de ne pas permettre à la colère de s’exprimer facilitant l’apparition d’un nouveau soulèvement. Le régime a fait du préventif pragmatique.

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Mais Rafsandjani avait été déjà écarté de la direction politique en raison de son incapacité à redresser la barre avec son scénario d’une révolution interne ! Il avait été remplacé par Larijani. Si le régime voulait montrer un changement de direction, il aurait fallu écarter ce dernier. La décision d’écarter Rafsandjani, mais aussi les commentaires évoquant un « coup dur contre l’opposition (officielle) » laissaient entrevoir l’intention de continuer le même scénario basé sur Moussavi et Karroubi, mais sans l’option d’un « marché avec les Américains ».

Ce choix de continuer une solution qui ne marche pas a été sanctionné le soir même par les derniers collaborateurs du régime : aucun d’en eux n’est allé dans les rues pour animer les manifestations du 8 mars boycottées par le peuple car personne ne veut être associé à un régime qui n’a aucun partisan.

Par ailleurs, il a également encore plu, le régime ne pouvait donc pas diffuser des images de l’été 2009. De fait, cette journée du 8 mars a été un échec absolu avec zéro vidéo ! La solution basée sur Moussavi et Karroubi s’est effondrée.

En conclusion, le régime voulait colmater la fuite dans ses canalisations avec un ruban adhésif pour continuer sa propre fuite en avant : il a échoué sur les deux plans et n’a réussi qu’à se dévaloriser davantage.

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Que va-t-il faire maintenant ? Probablement rien, car ces gens qui viennent de lui tourner le dos étaient sa dernière chance, ils n’ont pas la possibilité d’aller vers le peuple, ils n’ont que le choix de fuir en cas de geste inconsidéré et anxiogène. Le régime doit se montrer prudent pour éviter d’augmenter leur anxiété afin de ne pas accélérer cette fuite qui est leur seule option et la fin de tous ses espoirs d’où le discours très conciliant du nouveau président officiellement non modéré de l’Assemblée des Experts, Mahdavi-Kani.

Mais le régime est devant la date fatidique du 15 mars : il est obligé de hausser le ton alors qu’il n’a pas les troupes pour se défendre, un geste forcément anxiogène pour ses derniers collaborateurs.

Dans le même temps, il est aussi obligé de sonder régulièrement l’état de ces derniers collaborateurs pour préparer éventuellement sa propre fuite. Cette enquête sera forcément anxiogène quelle que soit sa forme.

Il est donc partagé entre la nécessité de ne rien faire et l’obligation de solliciter directement ou indirectement sa base instable déjà dans les six jours à venir (avant le 15 mars), puis régulièrement par la suite, quoi qu’il arrive. C’est une période propice à l’apparition de nouvelles fissures imprévisibles et incontrôlables à tous les niveaux. L’Etat se fissure et personne ne n’y peut rien.


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article complémentaire :
- Iran-Karoubi : L’Occident parie sur un cheval mort
- (15 FÉVRIER 2011)

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie médiatico-Islamique |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Rafsandjani |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Ali Larijani |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Karroubi |

| Mots Clefs | Résistance : Boycott (du régime ou du Mouvement Vert) |

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