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Iran : L’AFP a encore sauvé la peau de Moussavi !
01.03.2010

Selon l’AFP et les autres agences occidentales, « le principal opposant iranien Mir Hossein Moussavi a déclaré samedi qu’une secte avait confisqué le pouvoir en Iran ». Selon un autre média français, c’est « son attaque la plus virulente à ce jour contre le régime des mollahs ». C’est bien désolant pour la déontologie, car Moussavi n’a pas dit ces mots. Bien au contraire, dans son dernier entretien, Moussavi ne parle que de son attachement au système et à ses institutions dont la première est naturellement la tutelle du Guide suprême.

| Double Décodage |



le contexte de l’entretien | Les mercredi, jeudi et vendredi dernier, avait lieu à Téhéran la seconde des deux réunions annuelles de l’Assemblée des Experts, organe dirigé par Rafsandjani et chargé de confirmer ou destituer le Guide Suprême. Le rendez-vous était très attendu car selon tous les médias du régime, Rafsandjani, protecteur du Mouvement Vert, est à couteaux tirés avec le Guide Khamenei. Or, il n’y a rien de plus faux, les deux hommes sont des vieux amis qui se sont toujours aidés mutuellement pour avancer politiquement.

En 1989, à la mort de Khomeiny, son frère Rafsandjani a fait valoir un testament inconnu écrit par son frère (en fait un faux) pour soutenir la nomination de l’un de ses amis, Khamenei, un mollah obscur contesté par les grands ayatollahs, à la succession du leader de la révolution islamique. La première Assemblée des Experts dont Rafsandjani était alors le n°2 a entériné le choix. Dès que Khamenei est arrivé à ce poste clef avec les pleins pouvoirs politiques, il a révisé la constitution pour donner ses propres pouvoirs au Conseil de Discernement, un organisme créé et présidé par Rafsandjani. Ce dernier, alors un mollah obscur dans la hiérarchie religieuse, est ainsi devenu le patron politique du régime à l’insu des grands ayatollahs déjà écartés du pouvoir sous Khomeiny par son entourage (petits mollahs ou miliciens liés au Bazar). Etant donné que les membres de ce Conseil de Discernement étaient justement ces individus de l’entourage de Khomeiny et 7 mollahs pro-Khomeiny des 13 membres initiaux de l’Assemblée des Experts, cela ressemblait à un coup d’Etat organisé par tous les membres de l’entourage de Khomeiny pour garder définitivement tout le pouvoir et ses privilèges à l’insu du reste du clergé. Le coup était parfait car les 7 mollahs de l’Assemblée des Experts dont Rafsandjani (membres du Conseil de Discernement) protégeaient Khamenei qui à son tour les maintenait à la direction politique du pays. Dans les premiers mois de la mise en place de cette configuration, Mir Hossein Moussavi, membre du Conseil de Discernement, a proposé que le critère pour accéder à la direction de l’Assemblée des Experts ne soit plus le rang du grand ayatollah ou même l’appartenance au clergé et la motion fut évidemment adoptée. On a ainsi ouvert assemblée à de jeunes mollahs ou miliciens ambitieux, pions de la bande à Rafsandjani (toujours n°2 de l’Assemblée), afin de réduire les risques d’une riposte du clergé traditionnel.

L’objectif de ce groupe était de garder le pouvoir au sein du régime. Mais cela supposait que le régime tienne debout. C’est pourquoi après avoir accaparé les commandes, ce groupe qui a aussi la mainmise sur le comité des sélections des candidatures aux élections a mis en avant le projet des candidats réformateurs. On pouvait ainsi laisser entendre que le régime allait s’améliorer et qu’il fallait arrêter de le sanctionner. Mais étant donné que l’objectif était uniquement d’améliorer l’image du régime, pour expliquer l’absence de progrès dans les soi-disant réforme, la bande du Conseil de Discernement a recyclé le Guide dans le rôle du grand méchant omnipuissant qui refuse la démocratie et les changements.

Ce système bien huilé a dérapé à la suite d’événements imprévus. Le premier événement a été la décision américaine d’accuser les mollahs de fabrication d’armes nucléaires pour augmenter leurs pressions sur Téhéran afin qu’il accepte de devenir son allié régional sans demander des contreparties au Moyen-Orient. Sous la menace des sanctions, Khatami a signé les Accords de Paris en 2004. Pour ne pas appliquer la mesure, le régime, c’est-à-dire le Conseil de Discernement, a décidé de changer de Président.

En 2005, il a validé la candidature d’Ahmadinejad, le candidat du Guide, qui a battu Rafsandjani avant de remettre en cause les Accords de Paris. Rafsandjani est alors logiquement devenu par la force des choses un ennemi du Guide, ce qu’il ne peut pas être.

Le second événement a été la rumeur de maladie de Khamenei en 2007. Il n’allait effectivement pas bien car le régime a diffusé pendant quelques mois ses vieux discours. On l’annonçait mourant, Rafsandjani, éternel n°2 de l’Assemblée des Experts, a alors brigué et obtenu la présidence de cette instance de ses pairs afin de pouvoir siéger au sein du Haut Conseil de Transition qui selon la loi est formé par le président de l’Assemblée des Experts et deux grands ayatollahs ! Il voulait réduire les risques d’une revanche des grands ayatollahs écartés du pouvoir. Mais finalement Khamenei n’est pas mort et de fait, Rafsandjani s’est trouvé en position de force pour destituer celui qu’il ne peut destituer.

Dernièrement, un troisième événement est venu accélérer l’influence de ces imprévus. Dans le cadre de la crise nucléaire, en réponse aux pressions américaines exigeant un compromis, Téhéran a eu l’idée du Mouvement Vert, une révolution interne en faveur de Moussavi, accessoirement bras droit de Khomeiny -chantre du refus de tout compris avec les Etats-Unis-, pour donner une nouvelle légitimité à son refus actuel. En simulant une révolution de couleur, Téhéran espérait piéger Obama : lui faire reconnaître les Verts comme le porte-parole du peuple pour que leur refus de compromis soit légitimé ! Obama bien conseillé ne disait rien. Pour briser son silence, les concepteurs du Mouvement Vert ont eu l’idée de slogans anti-Khamenei, identifié par Obama comme le grand méchant du régime. Ce slogan n’a pas délier la langue de l’Américain, mais de facto, Moussavi et Karroubi, tous deux membres du Conseil de Discernement sont aussi devenus les ennemis du Guide. Rafsandjani s’est alors retrouvé plus en avant dans son rôle d’ennemi du Guide.

En septembre dernier, le régime a échappé à un conflit évident d’intérêts avec l’annonce du Guide en faveur de l’opposition. Les Verts ont alors oublié leurs slogans anti Khamenei, mais le régime devait encore obtenir une reconnaissance officielle d’Obama à sa fausse révolution de couleur pour homologuer son refus de compromis. Il a alors opté pour des scénarii de maltraitance des partisans du Mouvement Vert – notamment des viols-, scénarii dans lesquels, le Guide est revenu dans le rôle du grand méchant protecteur des petits méchants comme Ahmadinejad et ses tortionnaires violeurs. Il est ainsi redevenu sujet à une mise en examen par l’Assemblée des Experts ! Rafsandjani se trouvait à nouveau dans le rôle qu’il ne peut pas jouer.

Gêné, le régime a fait une diversion médiatique avec l’annonce différée de l’arrestation du chef de Jundallah. Ses médias ont alors oublié de la confrontation logique entre les deux soi-disant ennemis qui ne pouvait pas avoir lieu.

Comme on pouvait s’y attendre, l’Assemblée des Experts n’a pas destitué le Guide ! Le destituer serait synonyme de la mise en place anticipée d’un Haut Conseil de Transition dont l’issue sera la nomination d’un Guide proche du clergé exclu du pouvoir depuis 1979, ce qui présage une charrette de destitution au Conseil de Discernement. C’est pourquoi non seulement il ne pouvait y avoir de destitution, mais on devait aussi éviter le début d’une critique, prétexte dont ce serait servi le clergé à l’affût pour prendre sa revanche. C’est pourquoi non seulement le président de l’Assemblée des Experts n’a pas destitué le Guide, mais encore il a salué « sa brillante direction pour sauver les institutions » quand certains œuvraient pour les détruire en remettant en cause les élections démocratiques du régime et criant des « slogans hostiles conformes à l’attente des étrangers ».

la réaction de Moussavi | Le grand intérêt de ces conclusions est qu’elles n’ont déclenché aucune indignation. Pas un seul des milliers de blogs ou site pro-Moussavi n’a critiqué ces conclusions ! Aucun journaliste réformateur n’a rien écrit sur le sujet, ce qui est la preuve éclatante que toutes les querelles et les oppositions internes du régime sont totalement artificielles.

Moussavi lui-même a accordé un long entretien à son propre site où au lieu de hurler sa douleur pour les soi-disant martyrs de son Mouvement, il se défend d’avoir aidé les ennemis des institutions. Il affirme qu’il a toujours « œuvré pour les institutions du régime ». Cela aussi n’a pas suscité d’articles critiques. Tout le monde a fait semblant de n’avoir rien entendu car l’affaire touchait la crédibilité du patron Rafsandjani. Opportunément, le figurant Ahmadinejad a parlé contre l’existence d’Israël, nouvelle diversion pour occuper les esprits et faire oublier le silence des médias de l’opposition sur cette affaire.

intervention de l’AFP | Cette triple affaire de retournement de Rafsandjani, du silence des Verts et du profil bas de Moussavi aurait dû avoir un écho important en Europe ou aux Etats-Unis. Mais il n’y a rien de négatif sur le sujet car Rafsandjani et Moussavi sont les représentants officiels des soi-disant modérés, personnages qui servent d’alibi aux Occidentaux pour plaider auprès de leur peuple l’opportunité de bonnes relations avec les mollahs. C’est pourquoi parallèlement à l’absence de tout commentaire négatif sur l’artificialité de l’opposition interne, l’AFP, les autres agences et de nombreux journaux occidentaux ont publié des articles qui prêtent à Moussavi des propos acerbes, mais inexistants, contre le régime des mollahs !

invention d’une phrase | On prétend que Moussavi a dit : « c’est le règne d’une secte qui a confisqué le concept de nationalisme ». La phrase citée n’existe pas dans le texte. Ce n’est pas la première fois que les agences de presse réécrivent les déclarations de Moussavi pour diminuer leur portée islamiste.

Le 1er janvier dernier, quand les Occidentaux avaient affirmé que le Mouvement Vert était en faveur d’un changement radical, Moussavi avait accordé un entretien pour affirmer son attachement au régime et à sa doctrine islamiste. Les Occidentaux les avaient alors censurés et remplacés par des propos inventés faisant état du nationalisme de Moussavi car on connaît l’attachement des Iraniens à cette valeur.

Dans le cas présent, l’accusation d’avoir « confisqué le concept de nationalisme » tient de la même tentative pour donner une stature populaire à Moussavi car la phrase n’existe pas dans cet entretien axé sur l’attachement aux institution du régime.

En revanche, Moussavi fait référence à une image diffusée récemment par les Verts sur le net où l’on voyait un drapeau iranien sur lequel la bande verte avait viré au bleu. C’était l’un des coups médiatiques du Mouvement Vert que personne n’a pris au sérieux car l’effet Photoshop était très flagrant. Dans son entretien focalisé sur son attachement à l’islamisme, au détour d’une phrase rappelant la guerre sainte contre Saddam, Moussavi parle de ce photomontage pour se dire « contre le changement des couleurs de son pays » en le qualifiant « de marque d’attachement d’une secte aux valeurs nationales ». Il n’y est pas question de « confiscation du concept de nationalisme », mais de « marque d’attachement » et en l’occurrence ces mots n’accusent personne et ne défendent pas le nationalisme car plus haut Moussavi a cité le nationaliste comme un sous ensemble de la doctrine islamiste du régime, et par la suite il demande aux Iraniens de boycotter la Fête du Feu (Fête nationaliste et anti islamique, exutoire annuel pour rejeter le régime).

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
L’AFP et consoeurs peuvent modifier les propos de Moussavi, mais la réalité restera la même. Ce régime est monolithique, tout est faux et artificiel : l’opposition, la modération, les réformes. De plus tout repose sur un seul homme, Rafsandjani, qui est détesté par le peuple, mais aussi par ses pairs. Au lieu de contrefaire la vérité pour se rassurer sur l’avenir d’un tel régime utile mais condamné, il vaut mieux préparer l’avenir en misant sur ceux qui sont les plus nombreux en Iran, c’est-à-dire les Iraniens.


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De plus cette contrefaçon irrite les mollahs et les encourage à rééditer leurs propos :
- Iran : Karroubi, par la petite porte !
- (27 JANVIER 2010)

| Mots Clefs | Mollahs & co : Rafsandjani |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |
| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Selon l’AFP |