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Iran : Le 7 décembre, un rendez-vous annuel bruyant
08.12.2009

Pour bloquer le dialogue avec les Six, le régime des mollahs a imaginé le Mouvement Vert, une opposition soi-disant populaire qui est hostile à toute négociation qui compromettrait le droit à l’enrichissement pour l’Iran. Cette fausse opposition n’a aucun soutien populaire. Il existe grâce à 3000 manifestants professionnels en Iran (des garçons et filles membres de la milice universitaire BCU) et aussi grâce à 400 animateurs du réseau Twitter. Tous les mois, cette petite équipe est sur le pied de guerre pour donner des micro-rassemblements des Verts, l’image d’un soulèvement national avec une participation populaire aveuglante. Cela a été le cas hier, le 7 décembre, Journée (iranienne) de l’Etudiant.



Le 7 décembre 1953, Mehdi Bazargan (46 ans), professeur et chef de file des étudiants islamistes de l’époque et futur 1er ministre de Khomeiny, a organisé une manifestation contre la réouverture de l’ambassade britannique en Iran. Au cours de ce petit rassemblement, trois membres de son groupe ont été tués par ses complices dans le but de donner des martyrs à la cause et aussi pour éclabousser le régime du Chah. Des années plus tard, ce même Mehdi Bazargan et son équipe ont appliqué ce principe de coup monté aux manifestations révolutionnaires.

On se souvient tous du coup des cercueils vides maculés de sang de mouton accompagnés des cris : « martyr, martyr » ou encore « je tuerai qui a tué mon frère ». La révolution a même obtenu le soutien de la rue grâce à deux coups montés célèbres : la tuerie de la Place Jaleh et l’incendie du Cinéma Rex dans le sud du pays, coups perpétrés par les révolutionnaires et attribués à tort à la police et l’armée de l’époque pour discréditer ces serviteurs de l’Iran. Ces deux évènements sont les seuls à ne pas être célébrés chaque année par le régime car tous les Iraniens connaissent la vérité à leur propos.

La vérité sur le 7 décembre commence aussi à être connue en Iran grâce aux efforts de l’historien M. Shemshiri qui a révélé les éléments peu connus de cette obscure affaire notamment le fait que pour une plus grande efficacité, c’est-à-dire se rallier les gauchistes iraniens, la bande à Bazargan avait prétendu que les trois étudiants étaient tombés en martyrs pendant une manifestation de contestation contre la visite en Iran de Nixon, alors vice-président (visite qui a eu lieu le 9 décembre).

Comme il a été avéré à l’ouverture de dossiers trouvés dans l’ambassade américaine de Téhéran, cette accusation anti-américaine n’a pas empêché ce même Bazargan de recevoir à partir de 1962 des fonds américains pour créer un parti islamo-gauchiste et fédéraliste (Nehzat Azadi, le parti mère de l’OMPI) hostile au Chah qui avait commis le crime impardonnable pour les Américains de fonder l’OPEP. Au moment de l’avènement de la doctrine Brzezinski qui souhaitait utiliser une vague islamiste pour désagréger l’URSS et la Chine communiste, Bazargan et ses réseaux sont devenus les instruments de Washington pour établir une république islamique fédéraliste en Iran, étape avant une balkanisation du pays qui aurait propagé le virus islamo-indépendentiste dans les républiques soviétiques de l’Asie Centrale. Ce rêve américain a été brisé par Khomeiny qui a gardé le pouvoir et chassé Bazargan. Mais avant ce drame pour ceux-là, dès son arrivée au pouvoir, Bazargan a fait du 7 décembre la « Journée de l’Etudiant ». Quand il chuta, la célébration de cette journée (qui a marqué l’alliance des forces de gauche et du clergé) a été confiée à la milice BCU chargée de la purge des universités dans le cadre joyeux de la dissolution de l’université (laïque sous le Chah) dans les séminaires islamistes de Qom.

Genèse du courant réformateur (Khatami) | Mais il est nécessaire de préciser que cette purge supervisée par un certain Khatami a supprimé les laïques, mais elle a préservé les gauchistes (à la mode iranienne c’est-à-dire musulmans) qui s’étaient ralliés au pouvoir. Ils sont encore très présents dans l’administration islamique et l’épaulent via leurs réseaux de relations en Occident dans les projets pour amélioration de l’image du régime comme le mouvement des réformes de Khatami !

Ce sont les gauchos iraniens qui ont vendu ce projet aux Occidentaux comme un mouvement progressiste alors que selon sa définition, les réformes devaient être un retour aux sources de la révolution islamique de 1979, un repli en arrière.

Ces conseillers gauchistes (tendance 68) ont aussi recommandé que les universités retrouvent leur effervescence : la célébration du 7 décembre devint un show médiatique avec des étudiants révoltés qui simulaient une agitation intellectuelle dissidente. De cette vitrine de révolution permanente, soi-disant réprimée pendant un 9 juillet 1999, devaient sortir des vedettes d’une fausse opposition interne destinées à infiltrer l’opposition en exil pour la dévoyer vers l’objectif d’une évolution du régime et non d’un changement du régime. Nous pouvons la dénoncer vu que nous y avons cru et même milité pour ces soi-disant victimes. Depuis, le show bat son plein chaque 9 juillet, mais aussi chaque 7 décembre.

La date du 7 décembre plait plus au régime car elle n’a pas l’étiquette de dissidence anti-régime qui a été collée par erreur par des opposants exilés qui prennent les vessies pour des lanternes.

Chaque année, pendant ces journées, le régime applique le même scénario : des étudiants se rassemblent sur le campus, les forces de l’ordre sont là et finalement le peuple adhère au mouvement des étudiants. Dans le cas du 7 décembre, il y a aussi une tradition de fracture des portes par les Etudiants au moment de la soi-disant rencontre entre le peuple et l’université.

Mais dans la réalité, les choses se passent plus confidentiellement sur le campus entre des miliciens qui jouent à l’étudiant et des miliciens qui jouent au peuple compatissant. Cette année, les conseillers de gauche du régime qui entourent de leurs soins le Mouvement Vert, suite logique des réformateurs de Khatami, ont cru bon de placer le show sous le signe du Vert. Ils étaient à l’œuvre depuis un mois dans tous les médias iraniens en exil pour donner aux Iraniens envie d’accepter l’invitation des Verts.

Campagne verte | Etant donné que les chefs et les animateurs du Mouvement Vert évitent tout slogan susceptible de remettre en cause le régime, toute critique sur l’application de la charia, tout reproche sur les pendaisons ou encore l’économie maffieuse qui a ruiné l’Iran et les Iraniens et rendu richissimes les mollahs, mais au lieu de cela, crient sans cesse Allah Akbar et se disent soucieux de l’avenir du régime et inquiets d’un compromis sur le droit au nucléaire ; la tâche de séduction était difficile. Nos amis gauchos ont donc mis l’accent sur le fait que le Mouvement Vert était une étape vers la liberté laïque. Les Iraniens qui avalent les pires mensonges depuis 30 ans n’ont pas été dupes et comme vous l’avez remarqué, il n’y a pas eu de foules de centaines de milliers de manifestants comme l’été dernier. Par ce refus de participation, ils ont privé Téhéran de ce machin conçu pour refuser un compromis sur le nucléaire et bloquer les négociations au nom du respect de la volonté du peuple.

Téhéran qui prévoyait cet échec avait annoncé la veille une « forte présence policière qui empêcherait la formation des manifestations en faveur des Verts ». Il a aussi évoqué une rupture du flux Internet vers l’étranger, et une interdiction imposée aux journalistes étrangers de couvrir les manifestations. Il faut cependant préciser que ces journalistes, qui font partie des personnes de confiance du régime, (sans quoi ils n’obtiendraient pas de visa pour l’Iran) ne transgressent jamais ce genre d’interdiction. En fait, il s’agissait de justifier le fait que la seule source d’info serait les témoignages des partisans du Mouvement Vert car le « témoignage du manifestant » est l’arme anti-boycott du régime.

Témoignage du manifestant : mode d’emploi | Régulièrement, les Verts lancent des invitations au peuple, leurs animateurs Twitter font le nécessaire pour faire de la publicité pour cette invitation et le jour J, ils abreuvent Internet de témoignages évoquant de fortes participations, d’adhésion populaire ou de confrontations avec les forces de l’ordre, des tirs lacrymogènes, des corps blessés… Mais ces annonces étant fausses, ils ne peuvent fournir des images filmées avec leur téléphone portable. Il y a donc généralement un flot de témoignages et quelques vidéos qui n’ont rien à voir avec ces soi-disant témoignages. Hier, nous avons eu exactement cela.

Témoignages du 7 décembre 2009 | Le matin, à la première heure, nous avons les témoignages : saignants, puis les vidéos où l’on ne voit jamais le soi-disant super dispositif policier (évoqué par l’AFP sur foi de témoignages verts) ni les tirs de lacrymo, mais des petites foules crient dans des paysages improbables de rues vides des campus. Mis bout à bout, on retrouve les 3000 manifestants professionnels de la milice universitaire : ils étaient 1200 à l’université de Téhéran (du côté de l’auvent), 800 du côté de la Faculté des Sciences, 150 près de la porte à casser, 100 à l’université Sharif et 400 à Amir Kabir (doublés grâce à Photoshop) et une quarantaine à faire le rôle du peuple (à un carrefour et devant la porte à casser).

Le point commun de toutes les vidéos du son ajouté pour donner l’impression d’une plus forte présence, mais avec l’anomalie que l’on ne voit pas les mains en train d’applaudir quand on entend des applaudissements. Les figurants pour jouer le peuple étant très peu, le valeureux Mouvement Vert a diffusé des vidéos de circulation avec des cris « Allah Akbar » ajoutés !

Voilà qui va entretenir le désamour des Iraniens pour ce Mouvement.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG


à l’université de Téhéran, les étudiants crient « Mort au dictateur ».
C’est un <uslogan sans danger pour le régime.


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à l’université de Téhéran, campus des sciences. On chante l’hymne national interdit par les mollahs (pour draguer les Iraniens), mais aussi le slogan khomeyniste « je tuerai qui a tué mon frère ».


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à l’université d’Amir Kabir (foyer de la milice BCU)


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à l’université Sharif


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La fracture des portes (pré-démontées)


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Une soi-disant charge de la milice, fuite des soi-disant insoumis au régime des mollahs qui chantent « Allah Akbar » !


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Le peuple. En fait, c’est la technique du son ajouté. Au milieu de passants, un homme fait semblant de crier. Le son ajouté répète « Mort à Khamenei ». C’est le nouveau <uslogan sans danger pour le régime.


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La rue avec du son rajouté. Ici, les soi-disant insoumis au régime des mollahs hurlent « Allah Akbar » ou encore « Ya Hossein, Mir Hossein » qualifiant Moussavi d’être l’égal du 3ième imam des chiites, le fils d’Ali, le plus grand tueur arabe du peuple perse. Vous remarquerez que les voix sont identiques dans les deux vidéos.


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Tout ceci étant bien étrange, le régime s’est reporté sur ses chouchous comme Vincent Hugeux de l’Express pour épaissir le récit. Notre ami Vincent a évoqué une forte participation en faveur des « étudiants insoumis ». Il a même expliqué que leurs « Allah Akbar » étaient en fait un cri anti-régime.

« Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu... »


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Les raisons du boycott des Verts par les Iraniens :
- Iran : La semaine en images n°94
- (6 NOVEMBRE 2009)

Le précédent rassemblement du Mouvement Vert :
- Iran : Micro-manifs et micro-vidéos
- (5 NOVEMBRE 2009)

| Mots Clefs | Resistance : Boycott |

| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |
| Mots Clefs | Institutions : Désinformation et fausses rumeurs |

| Mots Clefs | Institutions : Fausses Manifs |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Journalistes et média Français |
| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Selon l’AFP |