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Iran : La Russie peut-elle le sauver ?
02.09.2009

Les Six doivent se réunir pour débattre d’un renforcement des sanctions contre l’Iran. On parle beaucoup d’une hostilité russe à de nouvelles sanctions. On pourrait envisager d’étendre l’option aux Chinois. La première est d’une efficacité très limitée, la seconde n’est pas acquise. | Décodages |



Il y a 6 mois, la Russie s’était opposée à de nouvelles sanctions en affirmant que la surveillance vidéo de l’AIEA ne montrait aucune activité nucléaire suspecte en Iran. Elle avait alors proposé de faire confiance aux mollahs tout en renforçant cette surveillance. Dans son dernier rapport, l’AIEA affirme qu’elle a pu renforcer cette surveillance avec l’aide de l’Iran. Sur la base de ce succès de son approche, Moscou a encore renouvelé son hostilité à de nouvelles sanctions avant d’appeler à une nouvelle solution négociée globale qui traiterait l’Iran en ami et non en suspect dans tous les domaines le concernant comme par exemple la stabilité du Moyen-Orient.

La Russie fait de son mieux pour protéger le régime des mollahs qui est son allié stratégique dans la région. Cette protection n’a rien de philanthropique : la Russie a besoin de ce régime pour interdire tout accès sécurisé vers l’Asie Centrale afin que cette région gazière reste dépendante de la Russie pour le transit de son gaz vers ses clients principalement Européens. Si la région s’ouvrait, la Russie serait privée d’importants revenus, mais aussi de son rôle de leader du marché gazier mondial. Ce serait la fin des rêves de grandeur de la Russie.

Tout repose sur l’Iran, un pays qui peut lâcher la Russie pour lui ravir ce grand rôle gazier dans la région. Ce serait d’ailleurs facile, mais il faudrait que ce pays accepte la main tendue par les Occidentaux qui lui propose de devenir leur principal fournisseur de gaz. Mais le fait est que l’Iran est dirigé par un régime faible et sans base populaire qui craint cette ouverture. Le régime des mollahs ne peut pas s’ouvrir. Affaibli à l’intérieur, il se maintient grâce à des milices armées disposées autour d’Israël qui menacent cet allié de Washington et promettent d’embraser la région si l’on s’avisait à menacer les mollahs.

Si les mollahs sont effectivement très intéressés par un rôle régional important dans le domaine du gaz à la place de la Russie, ils ne peuvent cependant pas accepter une entente aussi alléchante qu’elle soit sans le droit de préserver leur arme de dissuasion régionale : le Hamas et le Hezbollah. Dans le langage diplomatique, c’est ce que Téhéran appelle la reconnaissance de son rôle régional. Cette exigence définitivement incompatible avec les intérêts américains bloque tout.

L’Amérique qui est pressée d’accéder à l’Asie centrale avant de pénétrer dans les régions occidentales de la Chine a opté pour des sanctions pour affaiblir économiquement le régime afin que par peur d’une déstabilisation interne suivie d’un soulèvement fatal à son existence, le régime cède. Il a exigé le transfert du dossier nucléaire iranien au Conseil de Sécurité où il a obtenu des résolutions qui donnent une justification au principe de sanctionner l’Iran. Après avoir obtenu cette caution morale des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité, il a commencé à mettre en place ses propres sanctions qui interdisent aux entreprises étrangères actives aux Etats-Unis d’investir en Iran faute de quoi elles seraient éjectées du marché américain. Par ce stratagème détourné, Washington a mené l’économie iranienne qui depuis 1979 dépend uniquement des investissements étrangers au bord de l’asphyxie. Washington se garde cependant d’appliquer des sanctions fatales car il ne veut pas abattre ce régime dont les réseaux islamiques lui seront utiles pour pénétrer en Asie centrale, puis en Chine occidentale musulmane.

Malgré cette application dosée, plus le temps passe et plus le régime se fragilise, ce qui augmente les risques d’une entente avec Washington. C’est pourquoi la Russie plaide sans cesse pour une pause dans les sanctions voire leur gel définitif pour renforcer Téhéran et affaiblir le processus américain, sans la garantie que Téhéran lui restera fidèle s’il s’échappe au processus des sanctions. Parallèlement et pour les mêmes raisons, elle soutient aussi la demande iranienne d’un rôle régional, formule diplomatique pour le droit à disposer de milices armées.

L’efficacité de ces demandes reste très limitée d’une part parce que la Russie n’est pas en mesure de recommander des recettes pour une région dans laquelle elle ne joue pas de rôle et de l’autre parce que les sanctions qui affectent l’Iran ne sont pas celles qui ont été adoptées par elle au sein du Conseil de Sécurité, mais les sanctions américaines.

La demande russe n’aura aucune conséquence positive pour l’Iran à moins qu’une majorité des membres du groupe des Six (le Conseil de Sécurité plus l’Allemagne) adopte la même position pour demander le retrait du dossier du Conseil de Sécurité.

L’hypothèse est exclue du moins cette fois car l’Allemagne et la France ont annoncé leur volonté d’appliquer des sanctions européennes (extra-onusiennes) contre les mollahs. Il s’agit d’une limitation des exportations de marchandises par air ou par mer depuis l’Iran. C’est une mesure légère car l’actuel problème du régime n’est pas l’exportation vers l’Europe, mais l’importation notamment de carburant car le pays ne dispose que d’une autonomie de 70 jours. La sanction franco-allemande bien que peu dangereuse pour Téhéran affirme l’attachement des deux pays au processus de sanctions en contradiction avec la demande russe, mais aussi Britannique d’une pause dans ce domaine. En faisant bloc autour des Etats-Unis, le couple franco-allemand a constitué une majorité pro sanction car on imagine mal la Grande-Bretagne s’associer à la Chine et à la Russie malgré son hostilité aux sanctions.

Panique à Téhéran | Conscient de l’inefficacité de la Russie -seule face aux Etats-Unis et ses deux alliés-, le régime des mollahs s’est retourné vers Pékin. Lundi, Rafsandjani, le patron politique du régime, a reçu l’ambassadeur de la Chine (ci-dessous) pour un long entretien où il a assuré son interlocuteur que la Chine était le « meilleur partenaire de l’Iran depuis 1979 » et aussi un bon ami des musulmans, clin d’œil aux efforts que le régime peut consentir pour améliorer l’image de la Chine dans le monde musulman après le massacre des Ouïgours. Téhéran espérait déclencher une sortie tonique de la Chine pour épauler la Russie et créer un front anti-sanctions au sein des Six, ou provoquer une éventuelle frayeur européenne de voir la montée en puissance de la Chine sur le marché iranien.
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Téhéran avait déjà agi de cette manière vis-à-vis de la Chine. Cela n’a pas plu. Consciente du manque de sincérité des mollahs, Pékin n’a pas bougé. Dans le même temps, Sarkozy a dit que « les Iraniens méritaient d’autres dirigeants ». Merkel a maintenu son attachement aux sanctions. Lavrov qui avait parlé dans un cadre non officiel n’a pas officialisé la position de la Russie. Téhéran a réalisé qu’il devrait sans doute faire face à de nouvelles sanctions qui confirment le maintien de ce processus.

Normalement, Téhéran aurait dû accepter la demande de la suspension vérifiable de ses activités nucléaires. Il ne l’a pas fait car pour aller jusqu’au bout d’un vrai processus d’apaisement, il lui faudrait démanteler les milices qui garantissent sa sécurité.

Lâché par tous ses alliés et dans l’impossibilité de reculer : il est désormais sanctionné par ses alliés, par lui-même et par ses adversaires. Ironie du sort, il ne doit sa survie qu’au refus de ces derniers de durcir leurs sanctions.


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