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Iran : Affaire Saberi – Ebadi – Ghobadi
23.04.2009

Sur un fond de tension avec les Etats-Unis, fin janvier 2009, Téhéran s’en était pris à Roxana Saberi, une Iranienne établie aux Etats-Unis mais travaillant en Iran. Il espérait une intervention musclée de l’administration Obama afin de crier à l’ingérence dans les affaires iraniennes pour bouder tout futur dialogue avec les Américains. En l’absence d’une telle intervention, Téhéran s’apprête à faire libérer cet otage devenu inutile voire encombrant. Cette libération sera néanmoins un nouveau spectacle avec la participation de Shirin Ebadi et Bahman Ghobadi, deux figures médiatiques du régime des mollahs.
| Décodages du comment et du pourquoi.



L’arrestation | Depuis fin janvier, Roxana Saberi est sous les verrous. Elle avait été arrêtée pour achat de bouteilles d’alcool ! L’arrestation a eu lieu au moment où Obama avait tendu officiellement la main en direction de Téhéran pour proposer un dialogue sans condition préalable afin de faire bouger les mollahs pour qu’ils fassent le premier pas en direction de Washington.

L’enjeu | Mais, quand Obama a évoqué ce dialogue sans condition préalable, il avait uniquement renoncé à l’exigence de suspension d’enrichissement sans pour autant geler les sanctions américaines qui pénalisent lourdement l’Iran. Le fait d’accepter le dialogue et le compromis dans ces conditions aurait été synonyme pour Téhéran d’être vaincu par les sanctions américaines. En acceptant de faire ce premier pas, Téhéran aurait également justifié les sanctions qui courent à son encontre aussi bien sur le nucléaire que sur son soutien au Hamas et au Hezbollah. En justifiant ces sanctions, Téhéran aurait de facto donné raison aux Américains qui ont classé le Hamas et le Hezbollah parmi les mouvements terroristes. Accepter la main tendue par Obama revenait à une capitulation sur toute la ligne.

Cependant, la grande difficulté est que Téhéran ne peut pas refuser directement car cela serait synonyme d’un programme nucléaire suspect, c’est pourquoi Téhéran s’est mis en quête d’une provocation pour faire bouger les Américains ou à défaut faire capoter le processus du dialogue. L’une des premières tentatives a été l’arrestation abusive de Roxana Saberi, fin janvier 2009.

L’affaire Saberi | Conformément à sa nouvelle tactique d’esquive vis-à-vis de l’Iran, Washington n’a pas pris de position officielle à propos de cette arrestation. Pour vaincre cette inaction, Téhéran a alourdi la charge en évoquant un exercice illégal de journalisme. Ce qui est une ineptie car en Iran, en l’absence d’accréditation, la personne qui aurait des ambitions journalistiques ne peut accéder à aucun site ou lieu où il se passe quelque chose. Washington n’a pas bougé.

Le 9 avril date anniversaire de la rupture en 1979 des relations diplomatiques irano-américaines à l’initiative de Washington, Téhéran a annoncé l’inculpation de Saberi pour espionnage, et fixé la date de son procès pas avant fin avril. Washington a encore esquivé. Pire encore, il a aussi esquivé les annonces nucléaires faites le même jour par le régime en se disant sceptique sur leur authenticité. Téhéran a alors fait état de son refus de tout dialogue sur le nucléaire, mais Washington a encore esquivé et reformulé son invitation pour une capitulation. Enervé par la passivité de Washington, Téhéran a sévi via le cas Saberi en annonçant la fin de son procès et sa condamnation pour espionnage. Washington a encore esquivé en se contentant d’émettre des avis personnels sur le désagrément que cela présentait pour la victime et sa famille. Obama n’a aucunement appelé à sa libération comme l’a prétendu l’AFP et comme le voudrait Téhéran : il a dit qu’elle aurait droit à être libre !

Cette passivité a mis les mollahs dans un vrai pétrin : ils espéraient qu’en prenant en otage une journaliste, les médias feraient un tapage inouï qui forcerait Washington à faire le premier pas ou à lâcher son initiative d’apaisement. En l’absence d’un tel tapage, il n’obtenait rien et en plus il se retrouvait dans le rôle du super-méchant. Nous avions pronostiqué des mises en scène pour se débarrasser de cet otage encombrant et les mollahs que nous connaissons bien nous donnent encore raison, à peine 3 jours après ce pronostic !

Ebadi | Dans un premier temps, Ahmadinejad a ordonné que la condamnée puisse bénéficier des meilleurs défenseurs de l’Iran. Wouah ! Aussitôt, Shirin Ebadi est intervenue pour annoncer depuis Berlin qu’elle se chargerait de la défendre pendant son procès en appel.

Pour mémoire, rappelons que cette dame a un bilan humanitaire très faible : il y a eu plusieurs pendaisons de prisonniers politiques en Iran ces dernières semaines qu’elle n’a pas condamnées, mais en revanche elle a mis sa notoriété au service du régime pour appeler Obama à geler les sanctions contre les mollahs et accepter de dialoguer sans aucune condition préalable y compris sur les violations des droits de l’homme !

Son arrivée est suspecte car au lendemain de l’arrestation de Roxana Saberi, Shirin Ebadi était à Paris où elle avait été reçue par Bernard Kouchner. Elle n’avait alors rien dit en condamnation de cette arrestation grotesque pour achat d’alcool, pas plus que par la suite, elle ne s’est exprimée sur sa détention pour exercice illégal de journalisme ou son inculpation pour espionnage. Elle se greffe sur ce procès médiatique lié aux Etats-Unis et ne manquera pas de rappeler son attachement au dialogue afin d’obtenir pour les mollahs ce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir par les changements successifs de chefs d’accusations.

Si l’administration Obama tente d’engager Téhéran malgré lui à faire le premier pas, Téhéran entend renvoyer l’ascenseur en utilisant Ebadi, la mère la vertu du régime, qui utilisera sa notoriété de Prix Nobel de la Paix pour pousser les Américains à faire le premier pas !

Dans cette opération vitale pour son avenir, le régime profitera du contexte pour évoquer la « liberté judiciaire en Iran », preuve irréfutable d’un début de démocratie. A cette fin, en bon petit soldat du régime, comme d’habitude dans son speech, Ebadi a affirmé sa foi en la constitution de la république islamique d’Iran, un texte qui pourtant dans son préambule insiste sur le statut inférieur de la femme… C’est d’une pierre deux coup.

C’est plutôt futé. Nous avions évoqué son entrée en scène dans le premier article consacré à cette affaire. Comme dans la première partie de cette affaire, Téhéran espère une médiation exagérée pour mettre mal à l’aise Washington afin qu’il fasse le premier pas.

C’est pourquoi Ebadi a lancé son speech depuis Berlin où elle se trouvait pour recevoir un « Prix pour la dignité humaine » remis par Horst Köhler, président de l’Allemagne, le plus grand partenaire commercial de l’Iran [1] et aussi un partenaire pour sa propagande.

Ghobadi | Cependant, craignant une faible médiatisation aux Etats-Unis, Téhéran a trouvé la parade avec un certain Bahman Ghobadi, cinéaste soi-disant dissident, qui à l’instar d’Ebadi joue les persécutés, mais voyage inlassablement à travers le monde avec un passeport du régime pour inviter les Occidentaux à travailler avec l’Iran (plus exactement avec son régime).

Bahman Ghobadi vient de publier une lettre ouverte très larmoyante où il affirme que Roxana est restée en Iran non pour espionner mais « par amour pour lui », qui traversait « une grave dépression nerveuse » car il avait été « assigné à résidence ». C’est pourquoi il demande au Guide suprême de faire preuve de clémence.

Le problème est que ce monsieur n’a jamais été persécuté ou assigné à résidence : en mai 2008, il était à Bahraïn puis à Berlin pour la promotion de son dernier film. Dans cette ville, il a dragué le réalisateur espagnol Guillermo Arriega pour le faire tourner en Iran. Après il s’est rendu successivement au Khazakhstan (pour un festival du film eurasien) et en Pologne, puis en Turquie : ce sont des informations publiées sur son site. Ghobadi ne tourne plus : il n’en a pas le temps puisqu’il va de festival en festival pour draguer les stars et les faire venir en Iran. Sur son site, il a publié des images de ses efforts de lobbying, mais il a oublié d’y mettre photo d’une de ses meilleures prises : Sharon Stone en foulard à Téhéran. Mais ce n’est pas tout !
© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Le 8 avril, date de l’inculpation de Roxana Saberi, son amoureux déprimé et assigné à résidence était à Harvard pour parler de l’état du monde, mais il n’a pas jugé bon d’évoquer le cas de sa chérie avec les médias occidentaux.

Une semaine après, le 15 avril, alors que le régime avait convié en Iran des hommes d’affaires liés aux milieux du business, de la culture et du tourisme, cet amoureux déprimé et assigné à résidence était à Bruxelles pour une conférence au siège de l’UE pour inviter les Européens à se montrer plus intéressés par la culture iranienne. Au cours de cette réunion, cet assigné à résidence a aussi préparé le programme de la Biennale de Venise qui va essayer de donner une autre image de l’Iran. A cette rencontre, il n’a pas jugé nécessaire de parler de sa chérie qui était en train d’être jugée pour espionnage.

On ne peut pas imaginer que ce type voyage à travers le monde, insouciant, alors que sa bien aimée est en instance d’être jugée pour espionnage, un crime normalement puni en Iran par la pendaison.

Autre incohérence de son récit : d’après les interviews qu’il avait données avant d’être greffé sur cette affaire, il était question qu’il s’installe en Allemagne pour y tourner son prochain film avant de partir aux Etats-Unis pour tourner un autre film pour Dream Works. On ne voit donc pas pourquoi il aurait demandé à Saberi de demeurer en Iran alors que lui-même était sur le départ ?

La vérité est que ce lobbyiste du régime est attendu la semaine prochaine aux Etats-Unis pour une tournée promotionnelle. Le régime a greffé ce crapaud dans cette affaire dans le rôle de l’amoureux de la belle Roxane, rôle dans lequel notre jeune cinéaste retraité et vrai lobbyiste peut faire du bruit sur le cas de Saberi pendant sa tournée dans les universités ou sur les plateaux télé afin de plaider la nécessité du dialogue entre les peuples… Comme Ebadi, il dira que c’est aux Etats-Unis de donner le bon exemple en faisant le premier pas !

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Ces efforts sont cependant sans intérêt, puisque Washington ne va pas sacrifier sa stratégie vis-à-vis de l’Iran pour les beaux yeux de Roxana. Elle demeure une invitée encombrante même si Téhéran espère réussir à mettre Washington dans l’embarras avec sa lauréate du Prix Nobel de la Paix. Roxana sera libérée quand le régime jugera l’affaire trop contreproductive pour lui-même mais aussi pour Ebadi.

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Pour en savoir bcp + :
- Iran : Roxana Saberi, otage américain des mollahs !
- (9 AVRIL 2009)

Article complémentaire :
- Iran – Etats-Unis : La grande esquive
- ( 16 AVRIL 2009)

Article complémentaire :
- En fait, Ebadi propose la fin des sanctions contre les mollahs
- (20 AVRIL 2009)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Terrorismes : Prise d’otages |

| Mots Clefs | Réformateurs & dissidents : Shirin Ebadi |
| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |
| Mots Clefs | Resistance : Lobby pro-mollahs en France et ailleurs |

| Mots Clefs | Resistance : Lobby Cinématographique des mollahs |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |
| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

[1Le commerce entre l’Iran et l’Allemagne se porte bien. Selon les chiffres du Bafa, l’autorité en charge du contrôle des exportations allemandes, il a représenté un volume de 4 milliards d’euros en 2008, en hausse de 10,5 % par rapport à 2007. En 2008, le ministère de l’Economie allemand a donné son aval à l’exportation de trente-neuf biens dits à double usage, qui peuvent servir à des fins autant civiles que militaires.