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Rapport sur l’Iran : Réactions des alliés et des adversaires des Etats-Unis
05.12.2007

Le rapport conjoint des 16 services secrets américains a radicalement changé la donne dans la crise nucléaire iranienne, et semé la zizanie la plus totale chez ceux (experts ou Etats) qui s’étaient toujours alignés sur les précédentes accusations principalement formulées par les Etats-Unis et l’équipe Bush. Un tour des réactions s’impose et il est plutôt amusant. Nous les avons classées suivant deux ensembles : les réactions des alliés des Etats-Unis et les réactions des alliés et amis des mollahs.



Réactions des alliés des Etats-Unis

L’étonnement américain. Tout d’abord la Maison-blanche a réaffirmé que l’Iran restait dangereux et que toutes les options demeuraient sur la table, une manière détournée pour laisser croire que ce rapport n’a pas été commandité par elle et que le président américain a été surpris par son contenu. Ce qui n’est vraiment pas plausible. L’administration Bush a lâché sa bombe médiatique dont nous allons vous expliquer la fabuleuse onde de choc.

La neutralité britannique et la prudence allemande. Parmi les alliés des Etats-Unis, c’est partout le désarroi sauf chez les Britanniques qui partagent les objectifs régionaux des américains de privilégier la création d’une alliance avec des chiites. La Grande-Bretagne a salué le rapport mais aussi les précédentes positions américaines. C’est une position neutre et très solidaire des Etats-Unis qui lui a permis de revenir en Irak, créé par les Britanniques d’où ils avaient été chassés, pour obtenir de bonnes concessions pétrolières jadis propriétés de Total. Ils espèrent également que les mollahs arriveront à un accord régional avec les Etats-Unis.

Parallèlement à la position neutre des Britanniques, il y a la position fort prudente des allemands qui ont longtemps résisté aux demandes des américains d’imposer des sanctions bancaires contre Téhéran. Juste au moment où ils venaient de céder, ils se retrouvent avec ce coup de théâtre qui remet en cause la menace iranienne et leur engagement pour le combattre. C’est le silence à Berlin où un porte-parole a déclaré que le ministre des Affaires étrangères, Steinmeier, discuterait du rapport ce mardi avec son homologue américaine Condoleezza Rice.

La France qui avait à son tour affirmé récemment avoir en sa possession des informations sur l’existence d’un programme nucléaire militaire se retrouve bien sûr en porte-à-faux. On se souvient des déclarations présidentielles sur « la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran » ou encore les propos du ministre des affaires étrangères sur la guerre avec l’Iran, après ces excès de langage dus non pas à leurs auteurs mais aux très mauvais analystes du Quai d’Orsay, cette institution a préféré affirmer que la position de la France dans le dossier du nucléaire iranien demeurait « inchangée ».

« Il n’y a absolument pas d’élément nouveau susceptible de nous faire dévier de notre position », a déclaré le porte-parole du Quai d’Orsay lors d’un point de presse.

Et pourtant si, et le ministère français des affaires étrangères devra sans doute revoir ses jugements sur ce dossier, ne serait-ce que pour ne pas demeurer dans son erreur d’estimation quant aux vrais objectifs américains vis-à-vis de l’Iran. Afin de ne pas perdre la face, Mme Andreani, porte-parole du Quai d’Orsay, a rappelé quelle était cette position « inchangée ». Il s’agirait du refus du régime des mollahs d’appliquer les résolutions du Conseil de Sécurité. Or, ces résolutions avaient été sciemment orientées pour pénaliser le programme nucléaire militaire des Pasdaran, et le rapport providentiel des américains remet donc en cause cette orientation très particulière des deux précédentes résolutions. Le régime des mollahs appuyé par ses alliés russes, chinois, non-alignés ou encore El Baradei ne manquera pas de prétendre qu’il s’était refusé d’obéir à ces résolutions car elles étaient sans fondement.

Demeurant sur « sa position », le Quai d’Orsay maintient également les pressions sur l’Iran, officiellement en référence au dernier rapport d’El Baradei, mais aussi comme l’a redemandé encore aujourd’hui George Bush. Nous ne pouvons que mettre en garde l’Elysée sur les mauvais choix des analystes du Quai d’Orsay décidément dépassés par ce rapport retors, œuvre d’une diplomatie qui cache ses véritables objectifs, c’est-à-dire arriver à une entente secrète avec la république Islamique d’Iran.

Par ailleurs, la référence française au rapport d’El Baradei n’est pas sans danger car ce dernier sort très renforcé après ce rapport américain qui confirme les doutes d’El Baradei sur l’existence d’un quelconque programme nucléaire militaire en Iran depuis 2003. Or, c’est bien en 2003 que l’AIEA a eu vent de l’existence d’un programme nucléaire secret en Iran (les informations lui avaient été transmises par l’intermédiaire de l’OMPI – la marionnette des Etats-Unis). Le rapport des 16 services secrets affirme que c’est à cette date que le dit programme secret a cessé d’exister. C’est une reconnaissance des affirmations d’El Baradei et les protestations iraniennes. En faisant référence à ce rapport et à celui d’El Baradei, la France se met encore en porte-à-faux faute d’avoir analysé et dénoncé le contenu très particulier de ce rapport de l’AIEA fondé uniquement sur des affirmations iraniennes et non corroboré par une inspection.

La position française (comme celle de l’Allemagne) est sans doute la moins confortable de toutes les grandes puissances engagées dans le règlement de cette crise. Cet inconfort résulte des mauvaises analyses de départ, héritage des choix faits sous Chirac, qui n’ont jamais été remis en cause depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Les Etats-Unis ont manipulé tous leurs alliés européens et ces derniers n’ont rien vu et la France qui s’était engagée plus que d’autres (Italie, Espagne, Grande-Bretagne) est encore plus lésée après ce coup tordu de la diplomatie américaine.

Le cas d’Israël I il en va de même pour Israël qui n’a cessé depuis hier de protester contre le rapport publié par les Etats-Unis. C’est la première fois que les deux Etats sont en désaccord sur le dossier nucléaire iranien. Hier encore, le site Guysen publiait un article sur la possibilité d’une alliance Israélo-américaine pour bombarder l’Iran ! L’article et le concept ont pris d’un coup un sacré coup de vieux. Le désarroi israélien est plus grand car ce pays dépend totalement pour sa défense des Etats-Unis et ne peut entrer en conflit avec son puissant allié. C’est ainsi qu’après avoir contesté le contenu du rapport, Ehud Barak, le ministre israélien de la Défense, a remis de l’eau dans son vin pour remettre en cause l’analyse des renseignements américains sur l’Iran.

« Il semble qu’il soit vrai qu’en 2003, l’Iran ait interrompu son programme nucléaire militaire pendant un temps. Mais à notre avis, l’Iran a depuis repris ce programme… L’Iran continue probablement son programme de fabrication de la bombe nucléaire », a dit Ehud Barak à la radio israélienne.

Le rapport américain envenimera les relations entre les deux pays et Israël ne pourra compter sur ses sympathisants américains car le principal centre de réflexion et définition des lignes fortes de la diplomatie américaine, le Council on Foreign Relations, avait chargé deux de ses pensionnaires (John Mearsheimer et Stephen Walt) d’écrire « Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine », un livre pour diaboliser AIPAC, le principal lobby pro-israélien aux Etats-Unis.

Dans le contexte électoral américain où désormais tous les candidats réclament une nouvelle politique ou (« un sursaut diplomatique ») vis-à-vis de l’Iran, il serait malvenu de la part de ce lobby de militer pour la manière dure. Le rapport américain sur le degré de la menace iranienne est en fait une véritable bombe aux effets fort dévastateurs.

La nouvelle vérité. Bien sûr, il n’y a pas de changement sur le fond : les programmes nucléaires et militaires des mollahs ont toujours été très faibles et de purs produits marketing réinventés quotidiennement à coups d’annonces anxiogènes et de bluffs. Mais désormais cette absence de menace est devenue la vérité des américains. C’est le drame pour Israël dont les politiciens faisaient un usage électoral de la menace des mollahs. Israël se retrouve également dans une position inconfortable qui risque d’être la première d’une longue série, résultat d’une trop grande confiance dans les liens qui lieraient ce pays aux Etats-Unis. Si Israël avait eu une autre politique régionale nous n’en serions pas là, à dépendre du bon vouloir des américains qui nous dicteraient « la vérité sur le nucléaire iranien ».

Réactions des alliés et amis des mollahs

Il va sans dire que la nouvelle vérité des américains convient totalement aux mollahs, ainsi qu’à leurs alliés et amis : El Baradei, la Chine et Vladimir Poutine !

A Téhéran, un communiqué du ministère des Affaires étrangères du régime des mollahs a souligné que la nouvelle évaluation du renseignement américain venait prouver que les précédentes affirmations américaines selon lesquelles Téhéran travaillait à la fabrication d’une bombe atomique, étaient erronées. Le communiqué précise : « l’une des conséquences de ce rapport est que la saisine du Conseil de Sécurité était illégale puisque, comme le précise l’évaluation des agences de renseignement américaines, l’Iran n’avait pas de programme d’armement nucléaire lorsque son dossier a été renvoyé au Conseil en 2006 ».

En attendant des indemnités, Téhéran demandera avec force le retrait de son dossier du Conseil de Sécurité et son retour entre les mains de d’El Baradei, le directeur de l’AIEA. D’ailleurs, ce dernier s’est déclaré « satisfait de la publication du rapport du renseignement américain », qui met « en évidence la nature civile des activités nucléaires iraniennes » conformément aux constatations faites ces dernières années par les inspecteurs de l’AIEA.

« Cette nouvelle évaluation américaine devrait contribuer à désamorcer la crise actuelle », a déclaré Mohammad El Baradei en relevant que le rapport encouragerait l’Iran à continuer sa coopération avec l’AIEA. Rappelons que cette coopération est bilatérale, puisque El Baradei coopère aussi avec les mollahs en cautionnant leurs affirmations sans exiger un droit d’inspection.

La Chine qui avait montré plus de souplesse quant à la possibilité d’adopter une nouvelle résolution à l’encontre des mollahs a immédiatement changé de position tout en faisant savoir que sa position était inchangée (mais pas comme la France) : selon la Chine, il faut chercher une solution par le dialogue ! C’est une position neutre, conforme au rôle limité joué par les Chinois au Moyen-Orient.

Mais les déclarations les plus distrayantes nous arrivent de Moscou où Vladimir Poutine a pris le contre-pied de toutes les attentes, en apportant son soutien aux mollahs non pas en référence à ce rapport mais dans l’absolu.

Il faut se remémorer que Moscou avait jugé sévèrement le manque de coopération entre l’Iran et l’AIEA en réaction à un rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis au sujet de l’Irak. La Russie avait le sentiment que les mollahs l’utilisaient pour éloigner les sanctions mais entre temps ils faisaient tout pour se rapprocher des américains en vue de trouver un deal régional. Après cette grosse colère, peu constructive, elle avait décidé de passer à une diplomatie offensive en liant la livraison de Bouchehr à une alliance plus franche entre l’Iran et la Russie.

Le milicien Jalili chargé du dossier nucléaire iranien avait été appelé à Moscou pour parler avec ses homologues russes et contre toute attente, il a été aujourd’hui reçu par Vladimir Poutine en personne accompagné de son ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov.

C’est au cours de la conférence de presse qui a eu lieu après la rencontre que les deux dirigeants russes ont abattu leurs cartes : Poutine et Lavrov, sans parler du rapport, ont salué l’attachement de Téhéran au TNP et la volonté de coopération transparente avec l’AIEA. Il s’agissait de montrer l’intérêt de la Russie pour l’Iran, avec ou sans ce rapport qui blanchirait les mollahs. Les deux hauts dirigeants russes ont promis de rester en contact permanent avec Téhéran et même en bonus, Lavrov a souligné la volonté de Moscou d’être l’allié stratégique du régime des mollahs dans toutes ses initiatives !

« La Russie veut contribuer avec l’Iran à la recherche des moyens de désamorcer les crises en Irak, en Afghanistan, dans les Territoires palestiniens et au Liban », a déclaré Sergueï Lavrov. C’est une reconnaissance du rôle régional de l’Iran que l’Amérique lui refuse.

Poutine a abattu ses cartes, le jour où l’Amérique a reculé, sans doute consciente qu’elle ne pouvait pas pousser les mollahs dans leurs derniers retranchements car il y avait le risque d’un effondrement (que l’Amérique ne souhaite pas) ou d’un rapprochement définitif avec la Russie. Poutine a saisi sa chance aujourd’hui, c’est le résultat d’une parfaite connaissance de tous les enjeux de cette crise, une connaissance qui a manqué aux analystes du Quai d’Orsay.

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Pour en savoir + :
- Iran : Lettre au futur ministre des Affaires Etrangères de Nicolas Sarkozy
- (15 MAI 2007)

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