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Iran – 4 novembre : La dernière surprise des mollahs
03.11.2009

Il y a 2 mois, le Mouvement Vert mené par Moussavi s’est mis en branle pour mobiliser les Iraniens pour manifester pendant la journée de Qods qui est consacrée à la gloire du Hezbollah, l’arme du régime pour exporter sa révolution islamiste. Nous avons été le seul groupe à informer les Iraniens pour qu’ils ne consolident pas ainsi les fondements du régime. Cet appel a été entendu en Iran, mais critiqué en Occident. La récente prise de position de Moussavi en faveur d’un refus de compromis sur le nucléaire a dissipé les doutes quant à l’appartenance politique de ce personnage. Il confirme cette appartenance en appelant les Iraniens à se mobiliser pour le 30ième anniversaire de la prise en otage de l’ambassade américaine le 4 novembre 1979 pour montrer la cohésion sociale autour de la révolution islamique.



Cela fait près d’un mois que Moussavi et ses partisans du Mouvement Vert sont à l’œuvre pour mobiliser les Iraniens avec des fausses promesses pour les convaincre de participer à la journée du 4 novembre.

Pour atteindre leur objectif, ils n’ont reculé devant aucune ruse car cette journée est fondamentale pour le régime au point qu’il lui a donné le nom de Youm Allah : jour divin !

Ce titre est amplement mérité car c’est la date à laquelle les mollahs ont pris le pouvoir dans la coalition (gauche-clergé) qui avait fait cette révolution avec l’aide des Etats-Unis en hostilité notamment à la politique pétrolière et régionale du Chah d’Iran, fondateur de l’OPEP en 1960…

Les Américains en Iran de 1940 à 1954 | C’est dans les années 30 que les Américains qui venaient d’arriver en Arabie Saoudite se sont intéressés au pétrole iranien alors propriété de l’Anglo-Iranian Oil Company (l’ancêtre de BP). Ces efforts ont été couronnés de succès quand, grâce aux subventions accordées à l’Iran, le gouvernement Mossadegh a pu concrétiser le rêve de tous les Iraniens de nationaliser le pétrole. Mossadegh était un politicien de carrière, grand tribun, mais n’avait pas de parti politique derrière lui. Pour accéder au pouvoir, il s’est allié au clergé –traditionnellement monarchiste-, puis aux communistes pro-soviétiques, idéologiquement hostiles à la monarchie et plus malencontreusement favorables à une occupation soviétique de l’Iran. Sur un fond de tensions et d’alliances instables, pour affermir sa position, il s’est braqué dans une posture ultra populiste refusant toutes les offres britanniques de compromis qui auraient assuré les intérêts pétroliers de l’Iran. Entre temps, ses alliés communistes sont devenus trop puissants ce qui a incité le clergé à appeler ses partisans notamment du Bazar à le laisser choir pour aider la monarchie. Sa chute a entraîné l’échec des négociations pour la prise de contrôle du pétrole iranien et bien que cette richesse fut nationalisée, son exploitation a été confiée en 1954 et pour 25 ans à une coalition de grandes compagnies appelée le consortium où les Américains absents du marché iranien se sont taillés la part du lion presque à l’égalité avec les Britanniques. Ce contrat devait prendre fin en août 1979 et dès 1972, le Chah avait annoncé qu’il ne serait pas reconduit. Des négociations ont été entamées, mais ont été arrêtées en 73. La campagne assidue contre les violations des droits de l’homme en Iran a démarré en 1972.

Les Américains en Iran de 1960 à 1979 | L’hostilité américaine contre le Chah ne date pourtant pas de 73. Cela a commencé par la création de l’OPEP en 1960 par le Chah d’Iran. C’est de cette époque que datent les premiers financements ou créations de groupes hostiles à lui. Le premier groupe de ce genre a été le Mouvement de Libération, ou Nehzat-é Azadi, une version plus islamiste du parti Mossadeghiste Jebheh Melli (Front National). Il fut fondé en 1961 par Ali Shariati et l’Ayatollah Taleghani (2 futurs maîtres à penser des Moudj), ainsi que Mehdi Bazargan, un jeune universitaire islamiste partisan de Mossadegh mais écarté par ce dernier de tout ministère en raison de son comportement très coranique.

Le fait que le Chah ait décidé de moderniser l’Iran pour le couper de son économie uniquement axée sur le pétrole a aussi joué en sa défaveur. Les Américains ont alors étendu leur soutien aux mécontents de cette modernisation teintée de laïcité, c’est-à-dire le clergé, allié historique des Britanniques. Il y eut alors sous Kennedy, une première action hostile au Chah en 1963 avec Khomeiny comme catalyseur. Le prétexte était l’octroi du droit de vote aux femmes et l’action a été soutenue par les partisans de Mossadegh et de Bazargan qui ont une réputation totalement imméritée de laïques en Occident. Khomeiny a été arrêté et exilé. Les Américains qui sont des pragmatiques se sont alors focalisés sur Nehzat-é Azadi, les Mossadeghistes de Jebheh Melli (Front National) et enfin les Moudjahiddines du Peuple, sous ensemble armé de Nehzat-é Azadi.

Le rôle clef de Nehzat-é Azadi | A sa création, le Mouvement de Bazargan a déclaré son attachement à trois éléments, l’Islam et la charia, l’Iran et la déclaration des droits de l’homme. Aujourd’hui encore chacun souligne l’antinomie des principes 1 et 3, mais le 1 était pour le futur Iran et le 3 pour être politiquement correct et fréquentable par les Etats-Unis.

Bazargan et ses amis universitaires ont alors reçu des aides pour aller suivre des formations de guérillas en Egypte alors dirigée par Nasser. Le chef du camp de la formation était un certain Tchamran qui devint ministre de la défense du gouvernement provisoire de Bazargan.

En 1977, le vent a définitivement tourné en faveur de ce mouvement car les Etats-Unis ont adopté la doctrine Brzezinski qui voulait installer des républiques révolutionnaires islamiques au sud de l’Union Soviétique (en Afghanistan, au Pakistan et en Iran) pour devenir l’épicentre d’une onde de choc islamiste qui embraserait l’Asie Centrale alors soviétique puis les régions occidentales et musulmanes de la Chine. En 1977, Washington a envoyé en Iran un certain Ramsey Clark pour épauler Bazargan à monter l’association pour la défense des droits de l’homme (l’Association des juristes démocrates), organe qui a en tandem avec Amnesty International dressé un portrait noir des conditions de détention dans les prisons iraniennes du Chah. Cette campagne fut d’autant plus incroyable que depuis toujours, tous les prisonniers issus des groupes terroristes arrêtés armes à la main avaient droit à avoir l’avocat de leur choix, d’ailleurs souvent des membres de Nehzat-é Azadi. Et que par ailleurs, pour donner des gages d’absence de torture ou maltraitance à l’encontre de ces prisonniers, dès le début de la campagne contre sa politique, le Chah avait autorisé l’inspection des prisons iraniennes par les émissaires de la Croix Rouge.

Les Américains, Nehzat-é Azadi et la révolution islamique de 1979 | Les Américains ont tout misé sur Bazargan et les membres de son groupe comme Yazdi, Amir-entezam, Ghotb-zadeh ou encore Sazgara, l’un des futurs fondateurs des Pasdaran (il travaille désormais avec le régime). Ce groupe manquait cependant de base populaire, on est alors allé rechercher Khomeiny pour l’installer en France encerclé par les personnes nommées ci-dessus avec Ramsey Clark installé dans une maison à une centaine de mètres du pavillon où logeait Khomeiny pour faire une révolution islamique en Iran. [1]

Pourquoi en France : ce pays faisait partie du consortium dont le contrat prenait fin en 1979. D’ailleurs, si la France a fourni le logement, d’autres ont fait plus à la hauteur de leur part dans le consortium. Les Britanniques qui avaient plus de 40% de parts ont d’une part été présents via Amnesty, mais aussi en mettant la BBC au service de Khomeiny. Or, historiquement l’essor du clergé chiite comme force politique en Iran est lié au soutien que les Britanniques ont apporté à la révolution constitutionnaliste de 1906 qui établit une constitution islamiste en Iran officiellement en vigueur « jusqu’à l’arrivée de l’imam caché ! » En faisant la part belle au clergé chiite –catalyseur non désiré par les Etats-Unis-, les Britanniques espéraient se venger de la défaite que les Américains leur avaient infligée en 1954. Chacun avait ses poulains (sauf les Français).

Les Américains qui étaient les maîtres d’œuvre, en jouissant de leur présence militaire en Iran, ont aussi obtenu la neutralité de l’armée. Tout était en place pour l’avènement d’une révolution islamique et une république Islamique dont les artisans politiques seraient les figures du mouvement fondé par Bazargan. Ce sont d’ailleurs eux que l’on a retrouvés dans le premier gouvernement révolutionnaire : le gouvernement provisoire ouvertement pro-américain.

Ce gouvernement provisoire a alors appliqué le projet à la lettre : suppression physique de l’armée en vue de la création d’un corps paramilitaire chargé de défendre et exporter la révolution. Le nom a été choisi par les membres de Nehzat-é Azadi à Neauphle-le-Château par les membres du groupe de Bazargan qui entourait Khomeiny. Ce dernier a donné son accord et les statuts écrits par Mohsen Sazgara, qui vit actuellement à Washington et fait office de stratège du Mouvement Vert !

Ce gouvernement s’est aussi chargé de liquider toutes les personnes de valeur de l’ancien régime pour livrer l’Etat à des hommes nouveaux propres à appliquer la dernière mission de Nehzat-é Azadi : former un régime régionaliste ou fédéral. Les Américains dont l’Etat est formé par une fédération qui a lié des Etats désunis prônent pour tous leurs alliés le fédéralisme qui veut désunir pour balkaniser des Etats-Nations. Dans le cas de l’Iran, il s’agissait de lancer une seconde vague de déstabilisation régionale.
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Le 4 novembre 1979 | Les ministres étaient issus de Nehzat-é Azadi ou Jebheh Melli (les deux groupes financés par les Eta-Unis). Tout avançait selon les plans, les généraux ont été fusillés par un tribunal restreint présidé par Ebrahim Yazdi, le chef de l’équipe de Neauphle-le-Château et ministre des affaires étrangères de Bazargan. Les Pasdaran tenaient le pays... Mais Khomeiny n’était pas ravi de ce partage des pouvoirs. Il a pris pour prétexte la rencontre entre Bazargan et Brzezinski le 2 novembre 1979 à Alger, à l’initiative de Bazargan pour demander la restitution du Chah alors hospitalisé aux Etats-Unis. Les Américains ne pouvaient pas le faire officiellement. Ils ont refusé, mais Bazargan a resserré la main de Brzezinski.
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En se référant à cette poignée de main, le 3 novembre, Khomeiny a appelé les jeunes à honorer le sang versé des révolutionnaires en se montrant le plus anti-américains possible. Le 4 novembre 1979, 400 étudiants des écoles islamistes (les futurs réformateurs) ont pris d’assaut l’ambassade américaine et pu pénétrer dans les locaux au bout de trois heures d’affrontement. Ils ont alors mis la main sur les documents attestant des liens connus entre les membres du Nehzat-é Azadi et les Etats-Unis. Bazargan a remis la démission de son gouvernement au complet. Le pouvoir est passé entre les mains du Conseil de la Révolution Islamique dominé par le clergé. C’est ce que l’on appelle la seconde révolution islamique, la vraie, celle qui a donné le pouvoir à la clique actuellement au pouvoir.

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Il n’est donc pas anodin quand Moussavi et les Verts appellent à une mobilisation pour le 4 novembre (13 Abân) !

Nous l’avons expliqué car Moussavi et les Verts comptent sur l’ignorance des Occidentaux de l’histoire contemporaine de l’Iran [2]. En exploitant cette ignorance et en tenant un discours ambigu sur leurs intentions, ils cherchent à embrigader l’opinion derrière un homme présenté comme un espoir. Mais il s’agit uniquement d’obtenir la caution internationale pour Moussavi afin de remettre en cause la légitimité du président en place, interlocuteur officiel des Six. Ainsi, le régime peut bloquer les négociations et se donner des nouveaux délais pour appliquer à fond sa politique anti-apaisement destinée à provoquer une éventuelle guerre pour obtenir une capitulation.

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Une fois encore, seuls contre tout l’appareil de propagande du régime, avec nos amis de Radio Toloo (رادیو طلوع), nous avons informé les Iraniens des dessous de cet appel douteux. Si le régime a finalement interdit la tenue de la manifestation des Verts, c’est bien parce que notre appel à la démobilisation a été entendu en Iran. Pour ne pas perdre la face, le régime feint l’interdiction pour expliquer l’absence de mobilisation. Il ne manquera cependant pas de donner à ses miliciens déguisés en manifestants une certaine valeur en simulant des attaques de miliciens en uniforme. Le régime a d’ailleurs accordé des visas aux journalistes étrangers pour faire diffuser ce genre d’images. Nous serons encore au rendez-vous pour décoder les images et dénoncer les supercheries.


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Les capacités de mobilisation de Moussavi :
- Iran : Le Chemin Vert de l’Espoir porterait-il bien son nom ?
- (19 AOÛT 2009)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Mir-Hossein Moussavi |
| Mots Clefs | Mollahs & co : Karroubi |
| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |

| Mots Clefs | Histoire : Mohammad-Reza Shah (le shah) |
| Mots Clefs | Histoire : Mossadegh |

| Mots Clefs | Histoire : Brzezinski et Carter |
| Mots Clefs | Histoire : Révolution Islamique |
| Mots Clefs | Mollahs & co. : Khomeiny |

[1à Neauphle-le-Château | Il y avait également dans les parages des éléments de Jebheh Melli comme Bani-Sadr (lui aussi lié aux Américains), ainsi que les proches Khomeiny.

[2Ps. Actuellement, un livre vendu sous le titre « Histoire secrète de la révolution iranienne » (de Ramin Parham et Michel Taubmann) cherche à réhabiliter Bazargan comme un laïque pour redonner une chance aux pions islamistes pro-américains initialement destinés à dominer l’Iran. Ce livre loue également les mérites de Brzezinski. Nous consacrerons bientôt un article inventaire aux divers mensonges publiés dans ce livre.