Depuis nos débuts, nous ne cessons de rappeler que Khatami a été le grand responsable de la purge des universités et de l’islamisation des programmes, et que Moussavi et Karroubi appartiennent au premier cercle du pouvoir en raison de leur appartenance au Conseil de Discernement de l’Intérêt du régime, l’organe plénipotentiaire qui détient légalement l’ensemble des pouvoirs en Iran. De fait, ces hommes ne peuvent pas être considérés comme des opposants voire des dissidents : ce qu’ils font fait partie de scénarii conçus dans l’intérêt du régime. C’est dans l’intérêt du régime que ces messieurs ont simulé une révolution de couleur d’aspect démocratique le 13 juin dernier et c’est encore dans l’intérêt du régime qu’aujourd’hui, ces messieurs la recentrent aussi explicitement sur l’attachement à la journée de Qods et à Khomeiny, c’est-à-dire l’acceptation de la révolution islamique dans sa totalité.

Nous devons ce changement à la peur de ces messieurs de revivre un nouveau 15 juin.

Définition (du 15 juin) | Parce que le régime a bâti sa réputation régionale sur des promesses de destruction des Etats-Unis et d’Israël, il ne peut en aucun cas accepter un apaisement avec les Etats-Unis qui plus est sous la menace de sanctions à son encontre, car ce serait l’aveu de son impuissance. Mais en refusant un quelconque compromis, il s’expose à un renforcement des sanctions. Pour refuser l’apaisement sans écoper de nouvelles sanctions, Téhéran a eu l’idée de mettre en place un mouvement politique de contestation des résultats d’Ahmadinejad, le principal interlocuteur des Six dans le dossier nucléaire. Téhéran espérait enthousiasmer les Occidentaux par l’idée d’une révolution de couleur afin qu’ils soutiennent ce Mouvement, ce qui aurait été la validation d’une absence de légitimité d’Ahmadinejad, l’invalidité de tout dialogue avec lui.

Si les Occidentaux avaient soutenu ce Mouvement Vert, ils se seraient mis dans un sacré pétrin. Ils se sont méfiés. Ils n’ont pas été les seuls à se méfier : les Iraniens se sont aussi étonnés que les slogans insistent sur des « votes volés » car chacun savait que les élections avaient été massivement boycottées. Ils ont aussi été surpris par le choix du Vert, couleur de l’Islam, et enfin pas franchement rassurés de participer à des manifestations que le régime laissait filmer à des journalistes étrangers. Ils sont restés chez eux, privant ainsi le régime de figurants nécessaires pour simuler sa révolution de couleur destinée à duper les Occidentaux.

Pour obtenir l’effet escompté, c’est-à-dire un soutien des Occidentaux à ceux qui contestent le président, mais pas le régime, Téhéran a décidé d’autoriser plus de manifestations. Il a laissé courir la rumeur que Moussavi allait à la rencontre de ses partisans le 15 juin.

Ce 15 juin 2009 fut une journée de cauchemar pour le régime car des millions d’Iraniens sont descendus dans les rues non pas pour Moussavi mais contre le régime. Avant la fin de la journée, le régime a ouvert le feu sur les manifestants hostiles et a interdit aux journalistes, qui encore la veille étaient les bienvenus, de sortir pour couvrir ce qui allait devenir une mini révolution d’une dizaine de jours.

La crainte d’un nouveau 15 juin | Cette semaine, il y a eu des débats intensifs par Internet ou téléphones entre les opposants iraniens hostiles au régime, basés en Iran ou à l’étranger –comme nous- pour savoir si la Journée de Qods pouvait ou pas être le récipiendaire d’un second 15 juin. Nous avons pour notre part plaidé pour une autre date non liée au régime afin que la présence des Iraniens ne puisse en aucun cas être présentée comme leur attachement au programme jihadiste du régime. Nous avons informé nos compatriotes que le régime était très affaibli économiquement et qu’ils peuvent bien plus lui nuire en restant chez eux pour faire grève qu’en marchant dans les rues et en s’exposant au double risque de la matraque et de l’exploitation de leur image en faveur du régime.

Bien que ces recommandations aient eu une bonne diffusion en Iran, le régime qui avait lui-même diffusé d’innombrables appels anonymes et non-islamiques à manifester (pour pouvoir enfin relancer son scénario de contestation du président) a paniqué devant l’ampleur du débat sur la possibilité d’un nouveau 15 juin.

Pour ne prendre aucun risque, il a préventivement mis en avant les chefs du Mouvement Vert qui ont ouvertement ancré le Mouvement Vert dans la révolution islamique. Ainsi, en cas de nouveau dérapage, on pourrait dans un premier temps attribuer la foule au Mouvement Vert. C’est plus sûr, mais pas une bonne affaire pour le régime car ce discours sera dissuasif car il a convaincu les indécis que les appels anonymes sans signature verte étaient encore une fois fabriqués par le régime.

Autre mauvaise affaire pour le régime : ce ralliement à la révolution mettra mal à l’aise les lobbyistes du régime qui cherchent à convaincre les Occidentaux que le Mouvement Vert est un courant d’avenir sans lien avec la révolution islamique.

Ce changement en cours de route pose un dernier problème au régime. Initialement, le régime pensait pouvoir duper les Iraniens avec les appels anonymes : s’attendant à une certaine mobilisation, il avait accordé 104 visas à des journalistes européens mais aussi arabes pour qu’ils apportent une large couverture médiatique pour la reprise de sa révolution verte. A présent, il se retrouve avec 104 petits curieux difficiles à satisfaire. On devrait s’attendre à une « interdiction de dernière minute de la manif des Verts » qui est la solution adoptée par Téhéran depuis deux mois pour dissimuler l’absence de partisans de ce mouvement fictif.

Ce sont là 2 victoires pour les opposants laïques, partisans d’un changement de régime :

1. Le Mouvement Vert a tombé le masque : il sera plus facile de dénoncer son propos, mais aussi ses lobbyistes déclarés ou non déclarés (ceux qui s’habillent en vert ou portent des bracelets verts comme la copine iranienne de William Leymergie).
2.</font
style="background:Yellow"> Le régime a sabordé, seul, la relance du Mouvement Vert, ce qui le prive d’un moyen pour bloquer les négociations. Le régime sera, comme nous l’espérons, exposé à de nouvelles sanctions, alliées indispensables d’une grève générale pour le renverser.