Accueil > News > Iran - les Six : Téhéran cherche uniquement un tremplin



Iran - les Six : Téhéran cherche uniquement un tremplin
14.04.2009

Mercredi dernier, les Six ont évoqué la possibilité de négociations sans condition préalable de suspension de l’enrichissement avec Téhéran. Dans un premier temps, le régime des mollahs n’avait pas répondu favorablement à cette invitation, mais à la suite d’une combinaison d’événements, il a subitement changé d’avis ! Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière.



La semaine dernière, Téhéran a fait savoir qu’il annoncerait le jeudi 9 avril d’importants progrès nucléaires. Il montrait ainsi qu’il refusait d’aller sans le sens de l’apaisement attendu par la communauté internationale en arrêtant ou en ralentissant son programme nucléaire. Conscients du risque de l’escalade, pour calmer le jeu, à la veille des annonces, les Six ont fait état d’une invitation commune à un dialogue sans la condition préalable d’une suspension des activités nucléaires iraniennes.

Or, fondamentalement Téhéran ne souhaite aucun compromis avec les Six, mais uniquement un arrangement géopolitique avec les Etats-Unis, son véritable adversaire dans la région. Au centre de ce marchandage se trouve la nécessité pour les Etats-Unis de connecter leurs pipelines à l’Asie Centrale, une connexion possible via l’Iran que les mollahs entendent marchander contre une reconnaissance de leur « rôle régional », c’est-à-dire un droit d’ingérence dans le conflit israélo-palestinien via le Hezbollah et le Hamas. Cette ingérence qui menace la sécurité d’Israël est l’assurance-vie du régime des mollahs. D’ailleurs, Téhéran précise désormais que toutes futures négociations sur le nucléaire doivent déborder sur les questions régionales.

Dans ce cadre très précis, Téhéran a perpétuellement besoin de provoquer une crise majeure avec les Américains afin que par la peur d’une nouvelle guerre ou une crise pétrolière, tout le monde pousse ces derniers à céder aux demandes iraniennes à propos du Hezbollah. C’est pourquoi Téhéran n’a donné aucune suite précise à l’invitation des Six et s’est focalisé sur les Américains en faisant ses annonces nucléaires à connotation militaire sur un fond de discours très hostile à la fausse modération d’Obama. Téhéran s’attendait à une réaction agressive des Américains et à des représailles pour bouder pour de longs mois le dialogue avec Obama pour retarder pour autant la connexion sur l’Asie Centrale et ainsi marchander sa réconciliation contre des concessions américaines…

Washington n’a pas réagi comme prévu : il a nié l’authenticité des annonces nucléaires de Téhéran pour renouveler sa main tendue aux mollahs (ce qui revient à forcer Téhéran à faire un compromis). En apparence, les Américains ont agi comme les Six quelques jours plus tôt, mais en vérité, ils ont répondu sans avoir consulté les cinq autres, le Conseil de Sécurité et son gendarme nucléaire, l’AIEA, seul organisme officiellement habilité à contester ou pas les déclarations nucléaires de Téhéran. Les Etats-unis se sont en fait substitués aux Six, au Conseil de Sécurité et à l’AIEA et ont parlé en leur nom en patron de la crise et qui plus est pour évoquer un dialogue déréglementé exclusivement irano-américain dont chacun sait qu’il doit déboucher sur une entente bilatérale excluant les 5 autres membres du groupe des Six qui tous ont d’importants intérêts en Iran.

Cette attitude cavalière de Washington a fait réagir la France qui craint cette hégémonie énergétique et financière contraire à ses intérêts pétroliers en Iran. Par la voix de son ministre des affaires étrangères, elle a insisté sur la nécessité de se soumettre à l’arbitrage de l’AIEA et du Conseil de Sécurité, conditions pour ne pas laisser les Etats-Unis faire cavalier seul. Parallèlement pour contrer le projet américain d’un dialogue direct et déréglementé avec Téhéran, Kouchner a insisté sur la nécessité de respecter la condition onusienne (collective) d’une suspension de l’enrichissement par l’Iran.

Alors que la France cherchait à contrer Washington, il a au passage troublé les projets de Téhéran. Immédiatement, le régime des mollahs a réagi en rappelant via Saïdi, un haut responsable de son programme nucléaire, et aussi Larijani, le président du Parlement Islamique, que « la république islamique d’Iran ne prendrait part à aucune discussion avec la condition de suspension ». Pour faire état d’un front uni sur cette question, Larijani a également précisé que le Parlement se saisissait du dossier pour surveiller les négociateurs : « chacune de leur décision sera débattue par les élus ».

En dernier point, Téhéran a annoncé qu’il acceptait l’invitation préventive des Six, qui reste à ce jour la seule offre immédiate de dialogue sans aucune condition préalable de suspension, mais également sans aucune obligation de renoncer à ses alliances régionales.

Cependant, il faut préciser que Téhéran ne s’intéresse pas à l’ « offre des Six », mais au retrait de la clause de suspension. C’est ce que Téhéran appelle une coopération constructive. Tous les médias du régime ont d’ailleurs écrit des articles sur ce sujet ! Téhéran veut l’entériner car elle est à ses yeux le synonyme implicite d’une reconnaissance de son droit à l’enrichissement.

Il ne faut donc pas fonder un espoir démesuré sur ce revirement de Téhéran car dans le communiqué qu’il a promis de publier pour annoncer sa décision, il insistera sans doute sur la nécessité d’une telle reconnaissance comme l’a d’ailleurs rappelé ce dimanche Larijani après la malheureuse initiative de Kouchner.

« Désormais, le groupe des 5+1 n’a aucune raison de refuser et de nier la technologie nucléaire de l’Iran et par conséquent les futures négociations devront être basées sur les droits contenus dans le Traité de non prolifération », a dit Larijani.

Comme d’habitude Téhéran veut négocier les clauses des futures négociations avant même leur début… Si on lui cède pour faire démarrer les négociations, le moindre point concédé lors des discussions sera rejeté par le Parlement Islamique après un long délai, délai pendant lequel Téhéran continuera à faire de nouvelles annonces nucléaires à forte connotation militaire, pour provoquer des crises et encourager un arrangement global.

L’acceptation par Téhéran de l’invitation inconditionnelle des Six est le début d’un nouveau bras de fer. En définitif, on peut sans la crainte d’une erreur affirmer que Téhéran cherche une victoire politique, une tribune anti-américaine et un tremplin vers une nouvelle crise, un tremplin vers un arrangement avec Washington.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Pour en savoir + :
- Iran : L’offre des Six a deux défauts intrinsèques
- (13.06.2008)

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Nucléaire 2 : DROIT à l’enrichissement et Maîtrise du cycle |
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Nucléaire : Négociations sans fins (Manoeuvres dilatoires) |