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Iran- attentat : à qui profite le crime ?
05.08.2010

Hier à 10 heures du matin (12h30 en Iran), une nouvelle s’est propagée dans tous les médias : Ahmadinejad avait été victime d’un attentat. L’information avait été confirmée par un site d’info iranien dirigé par un des patrons du régime, Ali Larijani. Par la suite, l’Agence officielle IRNA a rejeté la thèse d’un attentat pour affirmer qu’il s’agissait d’un pétard, mais aux dernières nouvelles, une source proche de la présidence aurait admis qu’il s’agissait d’un attentat. Les médias sont perdus. Ils hésitent entre les thèses de provocation ou vrai attentat contre le n°1 iranien (sic) ?



Quand un crime ou un attentat sont commis, pour trouver le coupable, on demande à qui profite le crime ?

Dans le cas présent, certains ont affirmé que « le coupable était les Etats-Unis qui sont agacés par le comportement du n°1 iranien ». Or, selon la constitution de la république islamique, le président n’est qu’un exécutant : toutes les décisions et les orientations culturelles, sociales, politiques et diplomatiques extrémistes qu’il applique sont prises par le Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime (CDIR), organe dirigé d’une main de fer par son créateur Rafsandjani (demi-frère de Khomeiny). C’est aussi lui qui est à l’origine de l’actuel programme nucléaire iranien. Au sein de l’organisme qu’il préside, il a un rival, Ali Larijani, ex-protégé de Mottahari, un rival de Khomeiny qui a été éliminé par le clan Khomeiny en 1979. Si d’aventure, Washington souhaitait changer l’orientation de la république islamique ou même le régime (ce qu’il ne veut pas), il lui faudrait s’attaquer aux hommes qui siègent au CDIR et non à un simple exécutant qui leur sert de paratonnerre. Les vrais dirigeants seraient ravis car ils auraient une bonne raison pour refuser tout compromis avec Washington. Washington ne changerait rien, mais en visant des civils dans un lieu public, il se discréditerait durablement. De fait, bien qu’il finance des groupes armés qui visent les Pasdaran pour intimider le régime, dans le cas présent, il aurait plus à perdre qu’à gagner. Le crime ne lui profite pas.

On peut aussi parler d’un attentat commis par un Iranien. Mais un Iranien mieux que quiconque sait que le pouvoir est entre les mains de Rafsandjani et ses collègues de CDIR. Il y a par ailleurs un autre bémol : cela s’est passé dans la région de Lorestan où les gens sont très pieux, musulmans avant d’être Iraniens. La région n’a par ailleurs eu aucune velléité indépendantiste.. Mais en imaginant quand même un attentat de ce genre, on ne voit pas pourquoi, il n’a pas explosé sa grenade à proximité du 4X4 présidentiel que tout le monde peut approcher. Cette hypothèse est farfelue.

De fait, il ne reste que la thèse d’un faux attentat que le régime nie plus ou moins pour ne pas être soupçonné de l’avoir organisé. Cette véhémence résulte d’ailleurs du fait que les mollahs sont coutumiers du genre. Il y a eu plusieurs cas et modèles différents de faux attentats selon les circonstances ou les besoins des dirigeants : agiter l’opinion, se victimiser pour demander justice sur le plan international ou encore pour réprimer les opposants, éliminer des rivaux en accusant des tiers…

Dans le cas présent, puisque le régime nie la thèse de l’attentat, on ne peut pas envisager l’accusation ou un projet de purge. Là, se pose la question des motivations et l’intérêt de cet événement pour le régime.

La réponse se trouve dans l’actualité des mollahs : tous leurs supposés amis, les Européens, les Canadiens ou encore les Japonais les ont abandonnés pour rejoindre le camp des sanctions. Il n’y a pas un jour où l’on ne parle de nouvelles sanctions en étalant dans les médias les noms des organismes qu’ils avaient montés avec l’accord tacite de ces amis pour détourner les sanctions. Les mollahs ne se retrouvent pas seulement isolés, mais trahis et humiliés, ce qui n’est guère tolérable quand on se veut le patron de la région, une puissance qui pousse toutes les autres à composer avec lui. Pour vous, les mollahs sont peut-être des petits, mais pour beaucoup de musulmans, ils sont vus comme leurs derniers remparts. Téhéran qui a une réputation à défendre a trouvé un moyen pour surclasser ces nouvelles humiliantes par beaucoup de bruits autour d’un non-événement. Plus il niera et plus on en parlera comme d’un attentat !

Hier, Téhéran a lâché une bombe médiatique. Quelqu’un a balancé une grenade d’entraînement ou pas. On a fait parvenir la nouvelle à Al-Arabiya qui est en froid avec le régime. La chaîne a diffusé le scoop sans avoir la moindre preuve sonore ou vidéo. Puis le régime a entretenu le feu par des démentis, des nouvelles versions contradictoires et surtout des explications besogneuses qui donnent envie de croire le contraire. De rumeurs en supputations, aujourd’hui, tout le monde croit à la thèse de l’attentat (américain). C’est du joli travail : les médias occidentaux seront occupés pendant un bon moment !

Le timing est aussi parfait. Cela arrive à un moment où le Hezbollah accuse Israël de l’attentat contre Rafic Hariri. Sur des sites anti-israéliens ou anti-juifs, on ne manquera pas de faire certains rapprochements pour tirer certaines conclusions pour alimenter les médias conventionnels afin qu’ils restent sur ce sujet plutôt que sur les sanctions qui humilient le régime.


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- (20 avril 2010)

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