Accueil > News > Iran - Etats-Unis : Double Exercice de style à l’ONU



Iran - Etats-Unis : Double Exercice de style à l’ONU
04.05.2010

La république islamique d’Iran avait demandé et obtenu le droit à la parole pour son remuant président pour la journée inaugurale de la conférence de suivi du Traité de Non Prolifération. Il était prévisible que son discours serait polémique. Nous avions pour notre part évoqué des thèmes : on les retrouve tous dans le discours. Grâce à ses thèmes énumérés dans un discours plus critique que polémique, Téhéran s’est encore posé en porte-parole des déshérités du monde, ceux qui n’ont pas accès au magnifique amphithéâtre des Nations Unies pour s’exprimer. En quittant la salle au milieu de ce discours, les Etats-Unis ont donné raison aux mollahs.



1er exercice de style | Il y a 4 ans, Ahmadinejad –qui est de loin le plus grand tribun que n’ait jamais connu le régime des mollahs– s’exprimait pour la première fois dans le grand amphithéâtre de l’ONU le 19 septembre 2006. Le régime était alors face à un défi important : la demande américaine du transfert du dossier nucléaire iranien du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA vers le Conseil de Sécurité pour légitimer le recours à des sanctions économiques. Les Etats-Unis, qui le sanctionnaient depuis 1996 pour ses liens avec le Hezbollah, allaient pouvoir renforcer leur guerre d’usure économique à son encontre et donc à l’encontre du Hezbollah qui par son agitation garantit la sécurité du régime. Ce n’est donc pas un hasard si le Hezbollah s’est battu en 2006. Mais à l’issue de cette coûteuse démonstration de force estivale, Téhéran n’a pas réussi à obtenir le retrait de la demande américaine du transfert de son dossier nucléaire du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA vers le Conseil de Sécurité. Il envoya alors son tribun Ahmadinejad à l’ONU avec un beau discours de séduction pour les Non Alignés et les Etats Musulmans, très nombreux au sein du Conseil des gouverneurs de l’AIEA, pour qu’ils ne votent pas en faveur du transfert de son dossier nucléaire vers le Conseil de Sécurité.

Nous vous conseillons vivement de relire ce discours [1] car on n’y retrouve pas l’antisionisme habituel du régime. Israël contre lequel il se battait un mois plus tôt était cité une seule fois et sans qu’on le menace. Téhéran a joué la partie en faisant preuve de pragmatisme. Le régime a remplacé son antisionisme panislamique par une avalanche de références religieuses. Il a oublié Israël pour axer ses propos sur le manque de légitimité et de représentativité du Conseil de Sécurité qu’il appelait à réformer notamment en créant d’urgence de nouveaux sièges permanents dotés d’un droit de veto pour le Mouvement des Non Alignés, l’Organisation de la Conférence Islamique et le continent africain pour mettre fin à toutes les discriminations.

Ce discours qui se voulait très altruiste n’a eu droit à aucune explosion d’applaudissements de la part des Etats courtisés et par la suite, ces derniers ont même voté le transfert de son dossier nucléaire vers le Conseil de Sécurité. Dès lors, Téhéran a changé de ton pour revenir à ses discours sur sa négation habituelle de l’Etat d’Israël, un thème de séduction plus porteur qui vise les peuples des Etats qui venaient le trahir : la rue arabe, mais aussi la rue musulmane en général.

En 2009, à l’occasion de son discours pour Durban 2, alors que le monde entier l’attendait pour une explosion d’antisionisme, le régime a surpris en revenant à son idée de remise en cause de la légitimité du Conseil de Sécurité, cette fois avec l’exigence de la création d’un siège permanent pour les Etats musulmans et aussi avec l’évocation contradictoire de la nécessité de supprimer le droit de veto. Ce discours était un brouillon, nous pensions qu’à l’occasion de son intervention d’hier à la conférence de TNP, Téhéran allait le reprendre dans une version plus aboutie et mieux axée sur le nucléaire et sur l’antisionisme en parlant du comportement discriminatoire de « Washington qui ne sanctionne nullement l’Etat hébreu pour son arsenal nucléaire alors qu’il les malmène pour une bombe qui n’existe pas encore ». Notre analyse était juste puisque l’on retrouve l’argument mot pour mot dans le discours d’Ahmadinejad.

Autour de cet argument logique sur le thème de la discrimination, Téhéran a brodé un ensemble de critiques contre les Etats-Unis et le TNP pour proposer ses solutions anti-discrimination qui ne manquent pas de culot. En premier, Téhéran a demandé que le TNP, NPT en anglais, se transforme en « DNTP, Destruction & Non Proliferation Treaty » et que l’on demande aux Etats nucléaires de « détruire leurs arsenaux sous la surveillance d’un organe indépendant » (du Conseil de sécurité) « dans un délai défini et court ». Pour la réussite de ce plan, il a proposé « la suspension de tous les Etats nucléaires en particulier les Etats-Unis du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA car ils bloquent la révision des articles clefs du TNP » et enfin, il a espéré que « cela puisse déboucher rapidement sur une réforme du Conseil de Sécurité pour qu’il ne soit plus un organe discriminatoire pour préserver les privilèges des Etats nucléaires ».

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
2nd exercice de style | Abstraction faite de ce qu’est la république islamique, de ce qu’est son bilan dans le domaine nucléaire, ce qui a été dit était légitime car tous les Etats membres de l’ONU et tous les signataires du TNP ont le droit de critiquer les règlements internes de ces deux institutions. Pendant ce discours légitime, dans un mouvement automatique, à la prononciation du nom d’Israël, sans que Téhéran n’ait formulé une menace contre ce pays, plusieurs délégations dont celle des Etats-Unis ont quitté la salle.

Téhéran ne pouvait espérer mieux car qu’on le veuille ou pas, Washington a automatiquement associé Israël à la discrimination et a donné 100% raison aux mollahs à un moment où ce pays traverse une grave crise suite à l’initiative de J Street-J Call qui l’accuse de comportements en quelque sorte discriminatoires.

Si Washington n’était pas ouvertement engagé depuis un an dans un processus d’apaisement avec la république islamique d’Iran pour parvenir à une entente stratégique avec les mollahs, on aurait conclu à une erreur tactique. Or, ce n’est pas le cas car il y a un an, Washington a tourné le dos au peuple iranien quand ce dernier était en mesure de renverser les mollahs et il ne cesse de leur proposer des ponts d’or pour une union via des alliés comme la Turquie ou le Brésil.

Washington n’a pas fait d’erreur. Il a agi délibérément comme il y a trente ans quand il aidait l’arrivée au pouvoir des islamistes en Iran [2].


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Pour en savoir + :
- Iran : Ahmadinejad part à NY pour contrarier Obama
- (30 avril 2010)

article complémentaire :
- Iran : Dans les coulisses des 2 Mouvements Verts
- (19 mars 2010)

| Mots Clefs | Nucléaire : TNP+AIEA |

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Institutions : Provocations |

| Mots Clefs | Nucléaire : TNP+AIEA |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : ONU |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Ahmadinejad |
| Mots Clefs | Institutions : Slogans des mollahs |
| Recherche Par Mots Clefs : Anti-sionisme (des mollahs) |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Israël |

| Mots Clefs | Décideurs : Hillary Clinton |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

[1Le discours d’Ahmadinejad à l’occasion dle la 61ème assemblée générale de l’ONU, le 19 septembre 2006.

PDF - 98.4 ko
Ahmadinejad 2006

[2Israël ressent sans doute de l’amertume, mais ce pays avait aidé Washington en 1979 et continue encore à l’aider pour maintenir les mollahs au pouvoir.