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Iran : Kouchner, enfin !
05.10.2007

Devant l’Association de la presse diplomatique française (APDF), Bernard Kouchner a estimé que c’était le régime des mollahs qui faisait « tout » en Irak, devenu son territoire d’exercice « rêvé ». C’est sans doute la première fois qu’un ministre français exprime ce que l’on peut lire uniquement sur le site IRAN-RESIST, à savoir que les mollahs aident aussi bien les milices chiites que les milices sunnites ou encore qu’ils sont à l’origine du « déclenchement des conflits inter-chiites » (comme à Kerbala il n’y a pas longtemps).



Nous avions été sans doute le seul site au monde à attribuer les violences contre les chiites aux mollahs qui ont toujours eu recours à la technique de frappes contre les cibles amies pour faire accuser le camp adverse. Ils ont d’ailleurs inauguré cette stratégie en Iran pendant la révolution islamique, dans la tuerie de la Place Jaleh et l’incendie criminel du Cinéma Rex [1]. Nous avons également été et nous le sommes encore pour quelques heures les seuls à rejeter la théorie infondée de la guerre entre les sunnites et les chiites, et expliquer les violences en Irak à la volonté des mollahs d’aider des djihadistes (ni sunnites-ni chiites) pour promouvoir le chaos et se poser en seul arbitre capable de siffler la fin de la partie  [2].

Les déclarations de Bernard Kouchner vont à l’encontre des positions habituelles du Quai d’Orsay et elles vont déstabiliser ces experts qui se sont toujours alignés sur le prince, répétant à l’infini une théorie sans réalité mais communément admise. Mais dès demain le mal sera réparé et Olivier Roy, Alexandre Adler, George Malbrunot, François Heisbourg et autres cireurs de pompes nous feront des articles pour signaler le rôle néfaste joué par les mollahs et tout le monde fera semblant d’avoir oublié qu’ils ont toujours affirmé le contraire (dans leurs articles ou leurs conférences).

Bernard Kouchner est allé assez loin en affirmant que le régime des mollahs était derrière « ce fracas entre les milices que l’on attribue à Al Qaeda ». C’est encore un point de vue défendu avec conviction par notre site : « la nébuleuse Al Qaeda » est devenu un bouc émissaire pour ne pas accuser les vrais coupables, les mollahs qui entendent jouer un rôle régional en contrôlant des territoires précis via des milices qui ne se réclament pas d’eux.

La portée des propos est grande, car l’Irak attire des djihadistes du monde entier qui sont, selon Kouchner, pris en charge sur place par l’Iran qui maîtrise « l’argent, les hommes, les milices, les armes », selon l’expression du ministre.

On se souvient que le 5 juillet 2005, Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, avait déclaré : « Nous avons tous recensé dans nos différents pays un certain nombre de djihadistes passés par des camps en Afghanistan, en Iran, en Bosnie. Ces personnes, lorsqu’elles reviennent dans nos propres pays, constituent une menace particulière parce qu’elles sont passées à l’acte dans ces terrains d’entraînement et sont susceptibles de le faire à nouveau. »

Cette déclaration avait été faite à un moment où les mollahs refusaient d’écouter la Troïka, il s’agissait d’un demi-avertissement vite oublié. Après ces propos qui reconnaissaient la formation de terroristes djihadistes en Iran, Villepin a tout de même brillé par ses déclarations en faveur du dialogue avec ces mêmes assassins qui en forment d’autres pour ensanglanter l’Europe. On ne peut donc qu’être vigilent face à ces nouvelles déclarations de Kouchner. Principalement parce que ces déclarations ont une suite logique : on ne peut accuser l’Iran, ou plus exactement le régime des mollahs, sans accuser les Pasdaran.

Or on sait qu’il y a à peine une semaine, Kouchner ne voulait pas de sanction contre ces mêmes Pasdaran. L’avenir nous dira si Kouchner est porteur d’une nouvelle diplomatie ou s’il a juste imité Villepin dans sa version du 5 juillet 2005 pour lancer un demi-avertissement aux mollahs afin de leur signifier que le Quai d’Orsay pouvait se montrer plus méchant.

Kouchner a parlé enfin, mais le peu qu’il a dit aura de lourdes conséquences difficiles à assumer, des retombées qui peuvent remettre en cause l’ensemble des choix traditionnels du Quai d’Orsay : Les Pasdaran gèrent non seulement « l’argent, les hommes, les milices, les armes » en Irak, mais aussi en Iran, où les mêmes djihadistes d’al Qaeda Irak reçoivent leurs formations et disposent des bases séparées et spécialement dédiées à eux. Ces mêmes Pasdaran sont également les parrains du Hezbollah et c’est eux qui ont préparé ce mouvement djihadiste pour devenir une petite armée capable de tenir tête à Israël tout en étant un parti politique capable de désorganiser la vie politique au Liban. Le Liban est l’otage des mollahs. Et c’est encore les Pasdaran qui ont accompagné le Hamas pour la prise de Gaza. Le conflit Israélo-palestinien est arbitré par les mollahs. Après ces déclarations de Kouchner, logiquement la France devrait revoir toute sa diplomatie.

Et ce serait une bonne chose de faire une diplomatie nouvelle dans un monde où les rapports de force ont changé radicalement. Une nouvelle politique, ni Américaine, ni Russe, une politique Européenne et laïque, pour un Moyen-Orient stable d’Etats nation forts, garants de la stabilité régionale. L’Iran et ses 70 millions d’habitants seront vos alliés pour ce modèle politique alliant modernité et tradition, identité et laïcité.

Déclarations Européennes similaires | En juillet dernier, Javier Solana, représentant diplomatique de l’Union européenne, avait évoqué un lien entre l’Iran, la prise de la bande de Gaza par le Hamas, les attaques récentes contre l’armée libanaise et les attaques contre les casques bleus au Sud Liban. Mais il s’agissait pour Solana d’admettre l’influence régionale des mollahs. Espérons que l’objectif de Kouchner ne soit pas de l’imiter en recommandant « un dialogue avec cette puissance régionale » qui contrôle tout en Irak.

Mais encore | En attendant que le Quai d’Orsay devienne logique, en disant cette vérité qui dérange les mollahs, le nouveau Kouchner a jeté le trouble dans les esprits de ces experts qui avaient trouvé une ligne de conduite bien confortable où tout s’expliquait par le conflit sunnite-chiite.

Ce soir, nos amis experts (Adler, Guetta, Heisbourg, Malbrunot, Sfeir, Roy…) passent une mauvaise soirée, à se torturer l’esprit pour savoir si Kouchner a fait du Villepin où s’il s’agit d’un tournant dans la diploamtie française (ce serait peu probable).

Eux qui avaient été prompts à écrire dès le lendemain des déclarations guerrières de Kouchner sont ce soir devant un dilemme : ils avaient défendu la nécessité d’une guerre et Kouchner avait repris sa parole. Comment doivent-ils admettre les liens entre les mollahs et les djihadistes sunnites… nous aurons la réponse demain.

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La diplomatie traditionnelle du Quai d’Orsay :
- Kouchner à Bagdad joue la carte de l’Iran !
- (21 Août 2007)

| Mots Clefs | Décideurs : Kouchner |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : France |

| Mots Clefs | Terrorismes : Ingérence des mollahs en Irak |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : IRAK |

| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |

| Recherche Par Mots Clefs : Al Qaïda | Al Qaeda |

[1La tuerie de la Place Jaleh et l’incendie criminel du Cinéma Rex | Deux épisodes sinistres de l’histoire iranienne qui sont racontés dans Persépolis de Marjane Satrapi selon le point de vue des mollahs.
- Iran : Marjane Satrapi et sa Bridget Jones voilée |

[2« ni sunnites-ni chiites » | Tout de suite après la révolution islamique en Iran, les mollahs ont commencéà aider les mouvements comme le FPLP, l’OLP ou même l’IRA irlandais alors que ces mouvements n’étaient ni chiites, ni même islamistes ou formés par des musulmans sunnites. Le soutien apporté par les mollahs aux mouvements terroristes n’a jamais eu de priorité chiite : le seul critère a été le degré de nuisance des mouvements sur le territoire où ils opéraient. L’objectif des mollahs n’est que de disposer de pions leur permettant de promouvoir des crises internationales pour obtenir en échange de leur arbitrage des contreparties pour eux-mêmes.