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Iran : La récupération politique de la mort suspecte d’un étudiant kurde
29.01.2008

Actuellement, la presse occidentale et iranienne évoquent le cas d’Ebrahim Lotfollahi, un étudiant kurde iranien, mort en garde à vue dans les bureaux des services de renseignements du régime des mollahs. Son cas est très curieux puisque sa mort est directement exploitée par le régime des mollahs.



En effet, le régime a mis en place un faux mouvement estudiantin qui a de bien curieuses revendications : il fustige uniquement Ahmadinejad bien que constitutionnellement ce dernier soit dépourvu de pouvoir exécutif. Ce faux mouvement estudiantin participe à la campagne de réhabilitation médiatique des soi-disant réformateurs. En dehors de son opposition à Ahmadinejad, ce faux mouvement estudiantin n’a aucune revendication sociale et ne critique aucun autre dirigeant du régime ni aucun aspect choquant des lois iraniennes inspirées par la charia. Ce faux mouvement estudiantin n’existe sur le plan médiatique que par les nouvelles d’arrestations de ses présumés membres.

C’est exactement le même schéma que dans le cas des recalages des candidats soi-disant réformateurs : La vacuité d’un discours politique réellement dissident est masquée par un spectacle permanent d’arrestations à rebondissement et de mesures répressives à l’encontre des membres qui pourtant n’ont jamais remis en cause ni le régime, ni ses fondateurs, encore moins sa constitution ou encore la révolution islamique.

Nous avons d’ailleurs consacré quelques articles au cas de ce faux mouvement estudiantin. Ce mouvement et la vie soi-disant mouvementée de ses membres permettent également au régime des mollahs de donner une actualité à ses soi-disant dissidents officiels du régime. Parmi ces derniers, on peut citer Shirin Ebadi qui défend les membres emprisonnés de ce faux mouvement estudiantin.

C’est là une activité qui masque sa passivité face au régime qu’elle est censée critiquer : il y a eu récemment plusieurs cas de pendaisons collectives de vrais opposants politiques, des pendaisons publiques, des flagellations publiques, des amputations, des condamnations d’homosexuels : jamais il n’y a eu de protestation de la part de Shirin Ebadi ou d’un autre dissident officiel du régime. En revanche, le régime met en scène des soi-disant répressions des « étudiants ou féministes » partisans des réformateurs et uniquement à ces occasions les dissidents officiels prennent la parole pour protester. C’est un circuit fermé.

Arrive alors le cas d’Ebrahim Lotfollahi qui, selon les médias du régime, meurt pendant un interrogatoire musclé. Cependant personne ne semble connaître la victime : un site politique kurde reconnaît même que son nom ne figurait sur aucune liste d’activistes politiques kurdes [1]. Le cas de ce quidam inconnu, arrêté sans raison le 6 janvier et déclaré mort le 15 du même mois ressemble à s’y méprendre au cas de la journaliste iranienne Zahra Kazemi, décédée suite à ses blessures pendant un interrogatoire.

Le cas de Ebrahim Lotfollahi est d’ailleurs un bis du cas de Zahra Kazemi : on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement. A l’époque, le régime avait parlé d’une mort accidentelle de Zahra Kazemi suite à un chute, cette fois, il a prétendu que la victime s’était suicidée pendant sa détention provisoire. Dans le cas Kazemi, le corps avait été inhumé pour éviter une autopsie puis le cadavre avait été volé dans la nuit par des inconnus. Cette fois, le corps de l’étudiant kurde a été immédiatement inhumé après son soi-disant suicide, mais l’autopsie reste impossible car la famille de la victime aurait découvert que sa tombe avait été remplie de ciment !

Au moment du meurtre de Zahra Kazemi, le régime avait été pris au dépourvu par la force de réaction des médias occidentaux qui n’avait d’égal que le silence tabou et total de ses dissidents officiels (aussi bien les dissidents officiels féministes que les dissidents officiels journalistes). Par la suite, Shirin Ebadi s’est tardivement portée volontaire pour défendre le dossier, elle a réussi à éliminer le principal témoin accablant pour le régime et finalement elle a réduit le cas à un litige de procédure.

Mais entre temps le régime a tiré les leçons de ses erreurs de communication dans le cas de Zahra Kazemi : Cette fois, il n’y a pas de silence tabou et total des soi-disant dissidents féministes. Aussitôt que la nouvelle de la mort de Lotfollahi a été diffusée (autre curiosité de l’affaire), les dissidents officiels concernés, c’est-à-dire les membres du faux mouvement estudiantin ont immédiatement récupéré le pauvre Ebrahim Lotfollahi comme martyr de leur mouvement – alors qu’ils n’avaient pas protesté auparavant contre son arrestation ! Aussitôt, Shirin Ebadi –qui n’avait également pas protesté contre l’arrestation- a pris la parole pour protester contre les circonstances suspectes de sa mort !

La FIDH parisienne liée à Ebadi (mais aussi liée à Satrapi) lui a emboîté le pas ! Et dernière nouvelle un comité a été formé par 800 dissidents officiels du régime pour faire la vérité sur la mort du martyr. Quelle belle preuve de liberté d’entreprendre des activités de dissidence sous le régime des mollahs ! Il y a une récupération en chaîne pour alimenter les circuits fermés des faux mouvements dissidents.

La récupération malhonnête de ce meurtre va encore plus loin : le faux mouvement estudiantin relie le meurtre de Lotfollahi à l’affaire complètement bidon du recalage des candidats réformateurs. Mais bizarrement, si l’inconnu Lotfollahi fait un martyr parfait pour ce faux mouvement estudiantin, dans aucune des soi-disant manifestations spontanées organisées par ce faux mouvement estudiantin, personne ne scande son nom et les slogans restent invariablement formatés contre Ahmadinejad.

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Ebrahim Lotfallahi

Le beau et mystérieux Lotfollahi n’est pas seulement récupéré par les faux dissidents du régime mais aussi par les groupes kurdes alliés des Etats-Unis qui en font le symbole des victimes du régime. Les sites d’infos liés à Washington et la Radio Farda rediffusent ces nouvelles.

Un tempête médiatique a été déclenchée qui profite à tout le monde sauf à la victime, un quidam arrêté pour une raison inconnue et mort en détention. Peut-être qu’il avait le parfait profil pour être l’indispensable vedette de ce spectacle à la gloire de l’action associative sous le régime des mollahs.

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[1Ebrahim Lotfallahi | un inconnu pour les activistes kurdes

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