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France - Iran : Le Grand Ecart !
17.01.2007

IRAN-RESIST | Si notre site est critique vis-à-vis de certains journalistes ou experts, Natalie Nougayrède du Monde nous surprend régulièrement par ses articles et elle vient de signer un papier incontournable. Il y est question des démarches françaises entreprises par Jacques Chirac pour aboutir à un consensus avec les mollahs. Le président français fidèle à sa propre ligne diplomatique ne cesse de réclamer un rôle régional pour la république Islamique d’Iran. Peut-être que nous aimons les articles de Natalie Nougayrède car ils sont impartiaux et rejoignent invariablement nos analyses et nos prévisions qui insistent sur les liens qui existent entre la crise Libanaise (et irakienne) et le traitement du dossier nucléaire Iranien. | L’article de Natalie Nougayrède suivi de nos commentaires !



Le Monde | Jacques Chirac veut dialoguer avec l’Iran sur le Liban, malgré la crise du nucléaire

Jacques Chirac veut tenter une ouverture diplomatique en direction de l’Iran, au moment où ce pays est visé, depuis le 23 décembre, par des sanctions de l’ONU et où le Liban est secoué par une grave crise politique. Le président français, qui entend faire du dossier libanais l’une de ses priorités de politique étrangère jusqu’à l’élection présidentielle, a décidé d’envoyer à Téhéran un émissaire de haut rang [1] pour discuter de la situation au Liban, où le Hezbollah, soutenu par l’Iran, menace le gouvernement du premier ministre, Fouad Siniora. Ce dernier fait l’objet d’un fort soutien de M. Chirac, qui a prévu d’organiser, le 25 janvier, à Paris, une conférence internationale consacrée à l’aide financière pour la reconstruction du Liban.

Le Monde a appris par ailleurs, de sources diplomatiques concordantes, que M. Chirac avait envisagé de dépêcher à Téhéran, en janvier, le ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy. Il s’agissait d’envoyer aux autorités iraniennes le signal que le fil du dialogue pouvait être maintenu, en dépit du vote, par le Conseil de sécurité de l’ONU, de la résolution 1737, qui frappe l’Iran de sanctions et somme ce pays de cesser ses activités d’enrichissement d’uranium dans les soixante jours. Ces deux gestes, dont les responsables iraniens ont été informés, n’ont fait l’objet d’aucune annonce publique.

Le projet d’envoyer M. Douste-Blazy à Téhéran a été gelé, sans que M. Chirac et son entourage y aient totalement renoncé. Un tel déplacement aurait pour objectif d’inciter les responsables iraniens à jouer un rôle constructif dans la résolution de la crise interlibanaise, ainsi que cela avait été le cas, rappelle-t-on à l’Elysée, lors du processus électoral qui s’est déroulé au Liban en 2005. Mais il ne s’agirait pas, précise-t-on dans l’entourage de M. Chirac, de s’engager à Téhéran dans une discussion parallèle concernant le dossier nucléaire, qui est traité à l’ONU et, au niveau européen, par Javier Solana.

Une lettre du chef de l’Etat, adressée au Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a été préparée dans l’éventualité d’un voyage de M. Douste-Blazy. Une visite du ministre français des affaires étrangères à Téhéran aurait une forte charge symbolique : la dernière fois qu’une telle démarche a eu lieu remonte à octobre 2003, lorsque Dominique de Villepin et ses homologues britannique et allemand avaient lancé une initiative diplomatique visant à désamorcer la crise autour du nucléaire iranien.

- En juillet 2006, au plus fort de la guerre au Liban, Paris a discrètement dépêché à Téhéran un diplomate, ancien chef de la DGSE et fin connaisseur du Proche-Orient, Jean-Claude Cousseran.

En septembre, M. Chirac recevait à l’Elysée Hashemi Samareh, émissaire personnel du président iranien Mahmoud Ahmadinejad et tenant de la ligne la plus dure au sein du régime iranien. Maurice Gourdault-Montagne, le conseiller diplomatique de Jacques Chirac, a revu M. Samareh en octobre, à Genève.

C’est en novembre-décembre, au moment où les sanctions contre l’Iran se négociaient à l’ONU, que l’idée d’un voyage de M. Douste-Blazy à Téhéran a été envisagée par l’Elysée. Le 10 décembre (à la veillez du Conférence Négationniste de Tehéran – ndlr), M. Gourdault-Montagne s’entretenait, à Bahreïn, en marge d’une conférence internationale, avec le ministre iranien des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki. Il a alors été question, entre les deux hommes, d’une visite du ministre français à Téhéran à la mi-janvier.

En décembre 2006, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Mahmoud Moussa, en mission à Beyrouth pour tenter de dénouer la crise politique inter-libanaise, indiquait à un diplomate français qu’il était en mesure de parvenir à un règlement impliquant le Hezbollah, mais qu’il fallait pour cela qu’aucune sanction ne soit votée à l’ONU contre l’Iran dans la douzaine de jours qui suivaient.

Depuis ces épisodes, et à l’issue d’intenses débats entre responsables français, la visite de M. Douste-Blazy à Téhéran a été reportée. L’une des raisons en a été l’opposition ferme exprimée par l’Arabie saoudite et l’Egypte, deux partenaires qui ont été étroitement consultés.

En visite le 6 janvier à Riyad et au Caire, M. Douste-Blazy a sondé les Saoudiens et les Egyptiens sur l’opportunité d’un voyage à Téhéran. Ses interlocuteurs le lui ont fortement déconseillé. L’activisme iranien dans tout le Moyen-Orient ne cesse d’inquiéter les régimes arabes sunnites. Une visite à Téhéran, ont mis en garde les responsables saoudiens et égyptiens, reviendrait à légitimer le rôle de l’Iran au Liban. Avant le déplacement de M. Douste-Blazy à Riyad, M. Chirac avait téléphoné au roi Abdallah d’Arabie saoudite.

L’idée d’un déplacement à Téhéran a été fortement contestée par des responsables du Quai d’Orsay, qui ont prédit un fiasco, et jugeaient crucial de ne pas relâcher la pression sur l’Iran au moment où ce pays parle d’accélérer ses activités nucléaires.

M. Douste-Blazy n’était pour sa part pas très favorable au projet, ayant notamment à l’esprit les potentielles retombées négatives en termes d’image, alors que Téhéran vient d’organiser une « conférence » sur la Shoah, dénoncée avec virulence dans les capitales occidentales. L’Elysée a finalement renoncé au voyage du ministre dans l’immédiat, jugeant que « le moment n’est pas venu », selon une source proche de M. Chirac.

L’idée d’envoyer M. Douste-Blazy à Téhéran a par ailleurs déplu aux responsables américains, qui ont pris connaissance de ce projet sans que l’Elysée, qui estime « ne pas avoir à demander l’autorisation », ne les consulte. Stephen Hadley, le conseiller pour la sécurité nationale de la Maison blanche, a fait part de la désapprobation américaine à l’ambassadeur français à Washington, Jean-David Levitte.

Les Iraniens sont, quant à eux, très mécontents du fait que la visite n’ait pas eu lieu [2]. L’ambassadeur iranien à Paris, Ali Ahani, a transmis une lettre de protestation à M. Gourdault-Montagne.

Cette affaire met en évidence le fait que Jacques Chirac a pris de grandes distances avec la ligne adoptée par l’administration Bush, qui a récemment durci le ton face aux agissements de Téhéran au Moyen-Orient et sur la question nucléaire. Le président français souhaite que des négociations s’engagent avec l’Iran autour de l’offre transmise le 6 juin 2006 à Téhéran par M. Solana.

Fin juillet 2006, M. Chirac déclarait au Monde : « On peut discuter avec l’Iran, un grand pays [dont] la préoccupation de compter dans la région est légitime ». Le président français est revenu, le 5 janvier, lors d’un discours prononcé à l’Elysée, sur les aspirations de l’Iran à « jouer au Moyen-Orient tout le rôle que sa civilisation millénaire lui destine », tout en appelant Téhéran à « rétablir la confiance par un geste souverain » en suspendant l’enrichissement d’uranium.

Le décalage est très sensible avec les propos tenus, dimanche 14 janvier, par le vice-président américain, Dick Cheney. Ce dernier parle d’une « menace multidimensionnelle » émanant de l’Iran, notamment sur l’Irak ; tandis que M. Chirac a à l’esprit le dossier du Liban, sur lequel il entend rester mobilisé jusqu’à la fin de son mandat, en mai. Le président français espère capitaliser, en matière de politique intérieure, sur le soutien que lui a valu dans l’opinion française son action pendant la guerre au Liban de l’été 2006, ainsi que sur le souvenir de son opposition au déclenchement de la guerre américaine en Irak en 2003.

La France a déployé 1700 soldats dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), mise en place après la guerre de juillet-août entre le Hezbollah libanais et Israël. Le rôle de l’Iran est considéré à Paris comme central dans l’évolution de la situation sur le terrain. Les services secrets français s’inquiètent, en outre, d’un risque d’attentats terroristes pouvant provenir de groupes affiliés à l’Iran.

Le voyage de M. Douste-Blazy à Téhéran a été envisagé au moment où M. Chirac s’apprête à accueillir, à Paris, le 25 janvier une conférence internationale, sur le Liban, destinée à rallier un fort soutien au gouvernement Siniora, qui est confronté à une vague de contestation nourrie par le Hezbollah.

Ni l’Iran ni le Hezbollah ne seront représentés à cette conférence, indiquent les diplomates. Le président français a multiplié ces derniers temps les déclarations incitant le Hezbollah à agir en force politique libanaise responsable, et à s’affranchir des visées de l’Iran. La France « veut poursuivre ses relations de confiance avec toutes les communautés » du Liban, a-t-il souligné le 5 janvier.

Inquiet d’un dérapage du dossier nucléaire iranien et des incidences que cela pourrait avoir au Liban, par Hezbollah interposé, M. Chirac souhaite empêcher le scénario que prônent les Etats-Unis : celui de sanctions internationales qui iraient croissant contre l’Iran, dans un délai rapide.

La période des 60 jours fixée par la résolution 1737 expire fin février. L’Elysée craint un engrenage : un cycle de sanctions qui pourrait, un jour, mener à une action militaire contre l’Iran, et qui, dans les mois qui viennent, risquerait d’entraîner une détérioration au Liban. L’entourage de M. Chirac nourrit l’espoir que le débat interne qui semble se faire jour au sein du régime iranien débouchera sur un changement d’attitude de Téhéran s’agissant du nucléaire. Tout en constatant que, à ce stade, les intentions des dirigeants iraniens restent « indéchiffrables ».

Natalie Nougayrède

Le Monde nous plonge dans les abysses de la diplomatie française : malheureusement les diplomates Français ne considèrent pas que c’est le Hezbollah qui est au coeur des enjeux régionaux et continuent à réclamer un rôle régional pour les mollahs mais sans un Hezbollah surpuissant. C’est l’un des thèmes de notre site et comme nous l’avions écrit le 7 janvier sans avoir eu accès aux informations révélées par Nougayrède : la France va au devant d’un autre échec mais elle ne devra pas se plaindre du manque de coopération des mollahs car c’est elle qui fait semblant de ne pas comprendre le deal. Nous avons une formule iranienne qui explique bien la situation : on peut réveiller quelqu’un qui dort mais on ne peut pas réveiller quelqu’un qui fait semblant de dormir.

Le Quai d’Orsay qualifie les positions iraniennes d’Indéchiffrables ? Eh bien, décodages !

Actuellement, les responsables du régime des mollahs (qui sont proches de Rafsandjani) sont à la recherche d’une reprise de dialogue avec Solana :

- Cette initiative a pour objectif de briser l’unité affichée au Conseil de Sécurité par les 5 membres permanents. La France avait réclamé pendant des mois une résolution à l’unanimité en ayant la certitude qu’elle serait impossible à réaliser mais dès lors qu’elle fut votée à l’unanimité, elle a commencé à prendre ses distances sans aucun égard pour cette unité si difficile à construire.

Le voyage officiel de Douste-Blazy avait été programmé fin novembre 2006 pendant que la France faisait semblant de vouloir obtenir une résolution à « l’unanimité ». Ces dates sont proches de l’incident du 29 novembre 2006 : Jacques Chirac avait alors essayé sans succès de contrer une entente américano-russe, en organisant un dîner en tête-à-tête avec Vladimir Poutine, en marge du sommet de l’OTAN à Riga (lire article –un must- et nos commentaires) : A la même époque, le Président Français avait multiplié les démarches pour associer les Pasdaran, Gardiens de la Révolution des mollahs, au commandement des forces de l’OTAN en Afghanistan.

En réalité le Président Français n’a pas cessé d’aller dans le sens des demandes iraniennes et a plaidé en faveur de leurs exigences comme s’il s’agissait des siennes. Rappelons également, qu’à la même époque, les miliciens proches des mollahs ont tué un agent de la DGSE en essayant d’enlever des diplomates français en Irak mais cela n’a pas modifié les plans de l’Etat Français comme au bon vieux temps des otages Français au Liban.

Le couple France-Iran a une histoire commune mouvementée qui remonte à l’aide française à Khomeiny pour se poursuivre avec l’épisode des attentats à Paris et les prises d’otages au Liban, tous deux gérés par Rafsandjani quand le régime des mollahs ne se souciait pas d’avoir des modérés ou des réformateurs en son sein.

Cet article est rempli de détails intéressants qui nous renseignent sur l’état d’esprit du Quai d’Orsay qui avance selon une ligne directrice immuable et figée sans tenir compte des modifications géopolitiques. Ainsi ni les mensonges nucléaires des mollahs, ni leurs implications directes dans les meurtres de Hariri ou de Gemayel, ni leurs ingérences en Irak, ni leur espionnage militaire en Afghanistan, ni la conférence négationniste de Téhéran et encore moins leur Guerre privée au Liban n’arrivent à modifier la direction de cette diplomatie têtue.

Une diplomatie qui se caractérise dans sa constance par son anti-américanisme dû au sentiment que l’Europe n’aurait plus besoin de l’OTAN pour sa défense car il n’y a plus de menace contre ce continent. En réalité, le Quai d’Orsay fait également semblant de dormir dès qu’il s’agit du terrorisme islamique, principalement parce que c’est le régime des mollahs et le Hezbollah qui en sont les acteurs principaux.

En réponse à cette réalité, la France a gommé l’aspect terroriste du Hezbollah et le passé accablant des dirigeants du régime des mollahs. La France a même décrété que le Hezbollah était un facteur de stabilité dans le processus démocratique libanais et que le régime des mollahs était l’architecte de cette stabilité par sa bonne influence pacifique sur le mouvement libanais !

La France cherche à trouver un consensus avec ces deux interlocuteurs (les mollahs et le Hezbollah) tout en faisant semblant qu’ils sont indépendants l’un de l’autre. Evidemment, le président Français sait que les problèmes sont liés, il l’a dit lui-même devant un micro non éteint à son ami Zapatero.

Il espère cependant réussir à préserver ses intérêts en Iran tout en amadouant ce régime qui par son comportement nuit à d’autres alliés très importants de la France dans la région : les arabes sunnites. C’est le grand écart.

Les mollahs surfent sur les scandales, la crise et la recherche délibérée de la crise, et Jacques Chirac cherche à trouver une solution médiane pour laisser une trace dans l’histoire et pourquoi pas se représenter.

Plus la France cherchera le consensus et plus elle deviendra la chose des mollahs qui l’utilise pour torpiller l’unité du Conseil de Sécurité et l’incroyable unité façonnée par la nécessité entre les Etats-Unis, Israël et les pays arabes sunnites : unité qui peut justement devenir la base d’une résolution partielle du conflit israélo-palestinien. Diplomatiquement, la France se suicide en direct.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Hommes politiques : Chirac |

| Mots Clefs | Pays : France (diplomatie Française) |

Pour en savoir + :
- Iran : Paris est devenu une partie du problème !
- 05.10.2006 | Edito

[1Envoyer à Téhéran un émissaire de haut rang ? | Selon Natalie Nougayrède, cet émissaire ne serait pas Philippe Douste-Blazy : Lorsque Nicolas Sarkozy a appris qu’il était question que le ministre français des affaires étrangères se rende à Téhéran, le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle a signifié son désaccord, commentant en substance que, si le ministre faisait cela, il aurait à en subir les conséquences. M. Douste-Blazy s’est rallié en décembre à la candidature de M. Sarkozy.

[2Les mollahs sont très mécontents du fait que la visite n’ait pas eu lieu ! | Actuellement il y a urgence : de nombreux contrats des mollahs ont été annulés et même si l’Onu n’a pas encore voté des sanctions économiques à l’encontre de l’Iran, le régime est lourdement sanctionné par la Chine et le Japon et les banques suisses, allemandes et Japonaises. En même temps, l’amplification des crises régionales a un coût et les mollahs doivent distribuer d’importantes sommes de dollars à leurs alliés miliciens : le Hezbollah, al Qaeda irakien, les milices Chiites et le Hamas.

Le régime est actuellement très endetté et ce que l’on compte comme les avoirs du régime sont les comptes personnels des caïds du régime. Il leur faut d’urgence recréer la confiance et faire revenir les investisseurs en Iran. Ce voyage de Douste-Blazy est un geste international qui aurait pu améliorer leur image internationale et relancer les investissements étrangers qui ne se renouvellent plus !