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Iran : L’éternel retour de Mossadegh
17.04.2011

Paris vient de sortir un film sur Mossadegh, le démocrate qui a tenu tête au Shah ! Le film est l’œuvre de Shirin Neshat, une artiste liée au régime des mollahs chargée d’esthétiser et banaliser le port du voile. Le film évoque le coup d’état du Shah contre son Premier Ministre démocratiquement élu. Le propos est anti-constitutionnel car dans la constitution iranienne, le roi nomme ou destitue le Premier Ministre sans avoir à expliquer ses choix. Le film dénature les faits historiques pour noircir l’image de la dynastie Pahlavi à un moment où cette dynastie et la monarchie enregistrent un soutien massif de la part des Iraniens. C’est évidemment une commande du régime pour que l’opinion occidentale ne puisse admettre l’existence de ce soutien et comprendre les raisons de ce soutien. Il est navrant que Paris puisse aider cette propagande pour maintenir un régime agonisant et impopulaire qui lui a accordé des contrats pétroliers à bas prix. Il nous est paru nécessaire de rappeler des faits historiques.



Dans les années 50, les Iraniens étaient en conflit avec les Britanniques qui ne respectaient pas leur part du contrat pétrolier de 60 ans signé avec l’Etat iranien en 1933. Ce contrat de 1933 résultait d’ailleurs de la contestation d’un précédent contrat d’exclusivité au motif du non respect des clauses par les Britanniques. Cette fois-ci (en 1950), les Iraniens avaient de bonnes cartes en main pour remettre en cause le contrat courant. Cependant comme ils ne disposaient pas de techniciens pour exploiter leur pétrole, ils ne pouvaient pas demander l’annulation du contrat. C’est pourquoi ils cherchaient un contrat avec un partage égal et des clauses imposant la formation des techniciens et cadres pétroliers iraniens en vue d’intégrer la compagnie. Après quoi ils auraient pu par la suite espérer acquérir leur indépendance.

Mais un politicien nommé Mossadegh (fils naturel de Mozzafar-eddin Shah, le signataire du contrat pétrolier de 1901) huait le projet et parlait alors d’annulation pure et simple du contrat, alors que le manque de techniciens aurait vite ruiné le pays, le forçant à demander l’aide à un autre état pétrolier qui aurait alors imposé ses vues. Comme par hasard, les Etats-Unis, adversaires historiques des Britanniques dans le domaine pétrolier, soutenaient ce projet d’annulation du contrat.

On peut dire que les Etats-Unis utilisaient Mossadegh pour priver la Grande-Bretagne de son contrat d’exclusivité et ainsi prendre sa place. Mais si Mossadegh était un orateur inspiré, il était également un politicien isolé et incapable d’accéder au pouvoir. Il a été encouragé à faire alliance avec les éléments les plus populistes et démagogues comme les communistes et les islamistes pour créer une majorité d’agitateurs pour conspuer le gouvernement Razmara qui négociait un accord équitable avec les Britanniques. Cette agitation n’a pas perturbé Razmara, il est parvenu à signer le contrat, mais comme par hasard, il a été mortellement blessé par un islamiste proche de Mossadegh le jour où il allait annoncer l’accord. Le neveu de Mossadegh, chef de sûreté de Téhéran, a conduit personnellement le mourant vers un hôpital. Il l’aurait aidé à mourir sur le chemin. L’assassinat du Premier ministre a provoqué une crise politique. Mossadegh et ses agitateurs se sont engouffrés dans la brèche, la seule issue pour calmer le pays a été de le nommer Premier ministre.

D’un point de vue purement tactique, Mossadegh a agi exactement sur le modèle de Hitler pour accéder au pouvoir ou plus exactement, les Américains ont imité le modèle d’accession au pouvoir de Hitler pour aider Mossadegh à prendre le pouvoir en Iran. Est-ce là un modèle démocratique ?

La réponse est positive pour les alliés de Mossadegh à savoir les islamistes extrémistes et les communistes qui sans ce procédé étaient privés du pouvoir. Aujourd’hui encore, les héritiers de ces deux groupes restent unis pour saluer la mémoire de leur héros. Mais revenons à l’histoire de la nationalisation du pétrole, ce pourquoi Mossadegh a été poussé vers le pouvoir.

L’objectif initial du projet été de permettre à l’Iran d’être le grand bénéficiaire des revenus de son pétrole. Avec la bénédiction de Washington, Mossadegh a rompu le contrat ; coupant l’accès de l’Etat Britannique au pétrole iranien, mais aussi à ses raffineries situées en Iran à un moment où à la sortie de la seconde guerre mondiale, l’Etat Britannique était ruiné.

Mais étant donné que l’Etat iranien n’avait pas de techniciens pour extraire son pétrole et faire fonctionner les raffineries, ni de cadres et de contacts pour vendre du brut ou du raffiné, il ne pouvait pas accéder à des bénéfices, en revanche Washington a pu étrangler l’Etat Britannique qui était ruiné, mais se maintenait à flots grâce à ses revenues pétroliers. Mossadegh est devenu un pion dans un jeu qui le dépassait. Il a sans cesse refusé aux britanniques tout compromis bénéfique à l’Iran, mais nocif pour les Etats-Unis, en présentant ses refus contraires à l’intérêt de l’Iran, mais bénéfiques pour les Américains, comme de la résistance à l’impérialisme britannique. Il est alors devenu le Grand Mossadegh ! On est très loin d’une figure nationaliste même petite.

Il serait idiot de dire que Mossadegh n’avait pas conscience des enjeux, mais il poursuivait un autre objectif : renverser les Pahlavi qui avaient renversé sa famille, les Qajars. Il a utilisé ses refus de compromis présentés comme du nationalisme pour se donner une stature de chef absolu. Il a alors libéré des forces néfastes comme les communistes, les islamistes pour créer un front hostile au Shah : il a oublié le projet pétrolier pour servir ses ambitions politiques. On est loin de la figure d’un grand serviteur de l’Etat.

La somme des ambitions qui gravitaient autour de Mossadegh et son front national islamo-marxiste a mené le pays au bord de l’explosion, créant les conditions de la chute des Pahlavi prémices à une balkanisation du pays. Washington a laissé faire car in fine son objectif n’était pas de laisser l’Iran devenir maître de son pétrole après le départ des Britanniques, mais d’avoir un Iran faible et divisé qu’il aurait pu facilement avaler. Ces options effrayantes de Washington ont échoué grâce à l’intervention des patriotes iraniens. Mais Washington est resté le grand gagnant car le pays était ruiné et il a dû accepter la proposition américaine de création d’un consortium multinational d’achat de son pétrole [1].

On était parti pour diminuer l’emprise des Britanniques sur le pétrole iranien, on s’est retrouvé avec un contrat qui aliénait ce pays à toutes les grandes compagnies ! On avait aussi failli cesser d’exister comme un seul pays ! On n’entendit jamais le Grand Mossadegh ou ses partisans islamo-marxistes dénoncer ces méfaits ou encore l’arrangement très bénéfique aux Etats-Unis.

En revanche, on a entendu ces islamo-marxistes réunis sous le nom de Nehzat Azadi ou « Mouvement pour la Liberté » critiquer le Shah lors de la création de l’OPEP, c’est-à-dire le mécanisme qui allait libérer l’Iran du joug du consortium imaginé par les Américains pour avoir une part du pétrole iranien. Par la suite, ces Mossadeghistes islamo-marxistes inféodés à Washington se sont donnés une branche armée islamo-marxiste nommée l’OMPI pour sans cesse harceler le Shah avant de l’abattre avec la bénédiction de Jimmy Carter quand ce souverain nationaliste refusait de reconduire le contrat du consortium pour une nouvelle période de 25 ans.

Mais malheureusement pour les Américains et leurs pions, ce sont les mollahs, alliés historiques des Britanniques, qui ont gagné le jeu car ils étaient plus nombreux et mieux organisés. Les Mossadeghistes islamo-marxistes inféodés à Washington se sont divisés en deux groupes, les uns ont rejoint les mollahs, les autres ont élu domicile à l’étranger. Mais aucun n’a renié son idéologie hybride ou le bilan des actes du groupe car tous espèrent accéder à des postes suprêmes, les uns sous ce régime, les autres grâce à une autre révolution islamique orchestrée par les Etats-Unis pour les remettre en selle. Cela les a conduits à ne jamais critiquer le système basé sur l’islam et la Charia. Est-ce là des figures au service des intérêts du peuple, des démocrates, que l’on peut envisager comme des références ?

La réponse est évidemment non. Ce comportement a réveillé les Iraniens au bout de quelques années. Ils ont lu et appris des faits qui ont réhabilité le Shah et anéanti les partisans de Mossadegh et in fine le personnage lui-même au point que certains adorateurs de Mossadegh vont jusqu’à affirmer que le principe même de la nationalisation était une erreur.

C’est évidemment excessif car l’objectif final de tous les patriotes a été la nationalisation pour assurer l’indépendance économique du pays. On a d’ailleurs eu droit à de nombreux coups d’état contre le Shah dès qu’il s’approchait de ce but et finalement on a eu une révolution anéantissant le pays quand cette indépendance était en voie de réalisation avec la rupture du contrat du consortium. On ne peut de ce fait remettre en cause la nationalisation qui était une étape nécessaire, ce qui est critiquable est la gestion de Mossadegh qui utilisait ce projet pour assouvir ses ambitions sans tenir compte des risques qu’il faisait encourir au pays.

Aujourd’hui, le point qui importe aux Iraniens est la restauration d’un système politique qui garantirait cette indépendance. L’expérience avec Mossadegh a prouvé que les élus pouvaient être inféodés à l’étranger et devaient être encadrés pour ne pas dépasser les bornes. De fait, les Iraniens envisagent la monarchie constitutionnelle comme un système fiable car le « roi » est par nature garant de la sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays par le refus de toute balkanisation et le refus de toute exploitation non étatisée de ses richesses. En fait, l’expérience avec Mossadegh a d’abord dévalorisé cet homme, il réhabilite à présent la monarchie constitutionnelle comme la solution pour l’avenir.

Cette restauration ne permet en aucun cas aux Etats-Unis et autres puissances occidentales de privatiser le pétrole iranien. Pour se donner des chances d’avaler le pétrole iranien, il leur faut la combattre. La monarchie qui garantit l’intégrité territoriale et économique étant populaire en Iran, les Occidentaux ne peuvent pas la combattre en Iran. Ils mettent un point d’honneur à donner une mauvaise image de la monarchie avec le récit falsifié autour du Grand Mossadegh pour rendre suspect l’annonce de la popularité de la monarchie afin que leurs citoyens se montrent indifférents à cette attente.

L’objectif de ces attaques est d’épuiser les Iraniens afin qu’ils acceptent les opposants soutenus par l’Occident : des fédéralistes libéraux adeptes de la privatisation du pétrole et des autres secteurs de l’économie iranienne quitte à recourir à la balkanisation. Comme par hasard, les enfants des partisans islamo-marxistes de Mossadegh et la seconde génération de l’OMPI sont devenus des fédéralistes libéraux !

Cette semaine, le peuple a contesté vivement le régime en célébrant Norouz de manière contestaire sur un appel des monarchistes ou en visitant (presque religieusement) les sites marquant de l’histoire de la monarchie, on nous sort le film de Shirin Neshat sur Mossadegh pour taper sur la monarchie ! L’ironie est que ce film datant de 2008 n’a pas été spécifiquement tourné contre la monarchie, mais pour utiliser la popularité occidentale de Mossadegh l’intransigeant afin de revaloriser l’intransigeance nucléaire d’Ahmadinejad et du régime !

Neshat Bis | Par la suite, le régime a décidé de créer une opposition interne hostile à Ahmadinejad, mais pro-nucléaire pour donner une couleur démocratique à ce refus de compromis, Shirin Neshat est alors une des porte-parole de cette opposition factice ! Le peuple a boycotté cette opposition inféodée au régime, mais il a profité de l’occasion pour contester le régime et montrer sa sympathie à la monarchie. On n’a jamais entendu Neshat défendre cette autre opposition.

Mais elle reparle à présent alors que l’Occident a décidé de rediffuser son film pour noircir l’image du système monarchiste car cette opération convient au régime. Très opportunément, la cinéaste propagandiste a changé de pitch pour son film : elle insiste sur la douceur démocratique de Mossadegh et la méchanceté des monarchistes.

Fort heureusement l’insensibilisation de l’opinion occidentale aux attentes des Iraniens n’a pas pour l’instant refroidi ces derniers, ils tiennent bon et continuent de contester le régime tout en rejetant les faux opposants qu’on leur propose. Mais l’absence de soutien de la part des Etats Occidentaux ralentit la chute du régime. Cela a un coût élevé car le régime pend plus de 30 personnes par jour dont des miliciens déserteurs ou des officiers qui ont refusé de participer à la répression. Plus de 30 familles sont détruites chaque jour. Ce régime ne peut pas rester au pouvoir avec un tel taux d’impopularité qui ne cesse d’augmenter. Il le fait pourtant car l’Occident n’aide pas les opposants ou ils aident des gens que les Iraniens haïssent.

Nous ne pouvons qu’exhorter l’Occident en particulier la France à abandonner cette politique néfaste pour le peuple iranien qui ne saurait sauver un régime de plus en plus impopulaire. Il faut cesser donc de diffuser les récits falsifiés de Shirin Neshat sur Mossadegh. Il faut jeter à la poubelle ce pion historique aux deux visages qui a sacrifié les intérêts du peuple et cette mauvaise cinéaste propagandiste qui l’imite tout aussi bien. Il faut cesser également de glorifier les OMPI et la révolution islamique. Il faut aussi cesser de diffuser des infos sans intérêt pour faire diversion quand le peuple conteste le pouvoir ou quand le régime perd pied.

L’avenir appartient à un peuple qui sait beaucoup de choses. Il vaut mieux vous ouvrir à ce peuple pour soutenir ses attentes et non ses ennemis du passé et du présent. Vous y gagnerez.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Pour en savoir + sur Mossadegh et le pétrole iranien :
- Iran : Les chiens de garde veillent !
- (25 DÉCEMBRE 2010)

Pour en savoir + sur les cinéastes du régime :
- Iran-Berlinale : Ours d’Or contre otages ?
- (22 FÉVRIER 2011)

Pour en savoir + sur la situation interne du régime :
- Iran : Une crise de confiance interne déstabilise le régime
- (12 AVRIL 2011)

| Mots Clefs | Histoire : Mossadegh |

| Mots Clefs | Resistance : Lobby Cinématographique des mollahs |
| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Resistance : Boycott (du régime ou du Mouvement Vert) |

| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |

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[1Le « consortium » comprenait  :

Standard Oil of New Jersey : 8% 

Standard Oil of Californie : 8% 

Gulf Oil corporation : 8% 

Socony Vacuum corporation : 8% 

Texas Oil corporation : 8% 

British Petroleum : 40%
Royal Dutch Shell : 14%
Compagnie Française du pétrole : 6%.
Les Américains avaient donc officiellement obtenu des parts égaux aux Britanniques. Ces derniers restaient cependant majoritaires car ils possèdent Shell.