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Afrique du nord : Un parfum de jasmin pour dissimuler l’odeur du pétrole
29.01.2011

Les islamistes étaient derrière les premières lignes du mouvement anti Ben Ali qui a très rapidement été salué par Washington. Les Frères Musulmans égyptiens sont à présent dans les rues du Caire aux cris d’Allah Akbar avec le soutien encore plus explicite de Washington. Les médias occidentaux parlent de démocratie, mais aucunement du contexte géopolitique. On oublie de préciser que Washington intervient sur une région très pétrolière dominée par la Chine comme il a soutenu l’arrivée au pouvoir des islamistes en Iran pour les utiliser en Asie centrale, région hautement pétrolière dominée par la Russie et la Chine.



En 1979, les médias occidentaux accusaient le Shah des pires tortures et des pires corruptions. Le monde entier a alors été invité à soutenir des révolutionnaires islamiques. Ces gens qui se disaient hostiles à l’impérialismes russe et américain ont pris le pouvoir en Iran suite à l’intervention d’un émissaire de Washington, le général Huyser, qui a obtenu la neutralité de l’Etat major. Washington a été le premier Etat au monde à reconnaître le 1er gouvernement islamiste de la révolution islamique et ce gouvernement officiellement anti-impérialiste a accepté le soutien américain car en fait Washington finançait cette révolution depuis des années, notamment en raison des efforts du Chah pour libérer le pays de la mainmise américaine sur le pétrole iranien.

A titre anecdotique, les islamistes anti-impérialistes financés par Washington étaient contre la création de l’OPEP et aussi contre les projets d’industrialisation du pays ou encore les efforts pour réconcilier Israël et l’Egypte. Ils ont d’ailleurs annulé l’ensemble des contrats d’industrialisation signés avec les Européens et ont immédiatement remis en cause les efforts du Shah pour la paix en Israël et l’Egypte… Mais leur principale mission ne concernait pas l’Iran qui devenait un géant régional.

Selon les vœux du principal théoricien américain Brzezinski, il s’agissait de doter l’Amérique d’un important allié islamiste officiellement anti-impérialisme rouge pour agiter l’Asie Centrale alors soviétique et de là s’attaquer à la très riche région musulmane de la Chine. Le projet appelé « Ceinture Verte » en référence à l’islam prévoyait aussi une guerre avec l’Irak pour détruire l’OPEP et surtout l’exportation du modèle révolutionnaire islamique dans le monde arabo-musulman afin de mener au pouvoir des Etats islamistes alliés en Afrique du Nord pour s’emparer de la Libye et de l’Algérie, grands producteurs pétroliers non alignés sur Washington. De là, Washington aurait pu étendre son empire islamiste sur des pays pétroliers sub-sahariens comme le Gabon et le Nigeria.

Mais cette opération de balkanisation à l’échelle mondiale empiétait sur les zones gérées par Shell et BP et pouvait priver la Grande-Bretagne de sa suprématie sur le marché pétrolier mondial. Les Britanniques ont donc participé à l’éviction du Shah pour prendre la direction de la république islamique via leurs alliés historiques, les mollahs. Les Russes, écartés du plan mais présents en Iran, ont aussi apporté leur concours aux Britanniques pour l’éviction des pions américains. En moins de 8 mois, la république islamique a changé de dirigeants. Les Etats pétroliers comme la France qui avaient perdu leurs contrats et allaient être lésés par le projet d’hégémonie pétrolière américaine ont alors soutenu les mollahs. Ces Etats ont ainsi évité une catastrophe tout en se renforçant en Afrique. En faisant échouer le projet « Ceinture Verte », l’Europe et la Russie ont sauvé la Chine qui a non seulement gardé et renforcé son influence en Asie Centrale, mais a aussi pu grâce à son invraisemblable excédent s’emparer des plus importants pays producteurs d’Afrique.

En 1979, après l’éviction de ses pions de la direction de la république islamique, Washington n’en était pas à ce point, il devait cependant reprendre la direction de la république islamique pour prendre le contrôle du prix du baril afin d’empêcher la naissance du géant chinois.

Ce moyen fut le recours à des sanctions accompagnées d’offres de dialogue et d’entente. A ce moment, le régime avait déjà déçu par son extrême cruauté et son mépris pour l’identité iranienne. Le peuple était capable de renverser le régime avec l’aide des officiers qui avaient échappé au massacre autorisé par les Américains. Ces derniers n’ont alors pas hésité à dénoncer un projet de coup d’Etat avant de choisir la voie des sanctions graduelles pour mener l’économie étatique des mollahs à la banqueroute afin que la peur d’une pénurie difficile à gérer les pousse à accepter une entente qui aurait permis aux Américains de revenir dans ce pays avec leurs pions pour prendre le pouvoir par des élections.

Cette approche compliquée marquée par de nombreuses pauses pour éviter l’effondrement du régime islamique haï par tout un peuple a donné les délais nécessaires aux Chinois pour sortir de leur champ et aller prospecter ailleurs : en Iran, en Irak, au Yémen, en Arabie Saoudite (qui en 1996 avait refusé de reconduire le contrat d’exclusivité des Américains) et enfin en Afrique du Nord et dans l’Afrique Sub-saharienne. Grâce à son excédent, la Chine est même parvenue à prendre la place des Français et des Britanniques parfois en coopération avec les mollahs !
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Cette mainmise chinoise a fait de chacun de ces territoires de nouveaux fronts de la lutte américaine anti-chinoise. C’est ainsi que Washington avait accusé l’Arabie Saoudite d’activités terroristes avant de parler des activités nucléaires iraniennes pour renforcer ses sanctions, tout en s’invitant en Irak, puis en Afghanistan pour s’offrir un couloir d’accès sécurisé vers l’Asie Centrale afin de tenter ses dirigeants avec ses offres.

Cette offensive anti-chinoise au Moyen-Orient n’a pas été un succès sur tous les fronts car l’Arabie Saoudite a lâché Saddam et les Talibans pour se laver des accusations infondées des Américains. Washington a placé au pouvoir des islamistes en Irak et en Afghanistan, mais il s’agit de dirigeants sans charisme qui sont incapables de jouer le rôle d’exportateurs de la révolution islamique ou encore d’assurer leur propre sécurité. Ces derniers associent également les Américains à l’image de manipulateurs et non à des amis du monde musulman.

Par ailleurs, Washington ne parvient pas à prendre le dessus sur les Talibans armés et aidés par les Russes et les Chinois. Enfin, le refus de compromis des mollahs malgré les sanctions économiques a provoqué la rupture de leurs miliciens. A présent, le régime islamique qui était conçu pour servir les intérêts de Washington est isolé et impopulaire : depuis peu, il est devenu clair qu’il ne pourra pas organiser de grand rassemblement pour son anniversaire le 11 février prochain. Cet échec montrerait son isolement et pourrait être le début de son effondrement.

Du fait des échecs des gouvernements islamistes faibles alliés de Washington et l’impossibilité d’une victoire sur les Talibans, le front de lutte américaine anti-chinoise en Asie Centrale était au point mort, mais l’affaiblissement des chances du maintien du régime islamique iranien a rendu ce front impossible. Les fronts africains et sub-sahariens sont de facto devenus les seuls fronts de lutte américaine anti-chinoise.

Avant de prendre une grande claque avec l’effondrement de la république islamique et l’expression du mécontentement de 70 millions d’Iraniens vis-à-vis du comportement indigne des Américains en Iran, Washington a repris ce week-end le dialogue récemment initié avec les faux opposants issus du régime pour mettre en place un pouvoir partagé [1]. Mais conscient des minces chances du succès pour ce plan de sauvetage qui n’a pas le soutien des Iraniens, Washington s’est également lancé dans une nouvelle version de sa Ceinture Verte avec des révolutions islamiques en chaîne en Afrique du Nord, mais aussi au Yémen, un autre fournisseur de pétrole à la Chine !
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Mais ce n’est pas tout : la vague touche aussi la Jordanie, un Etat modéré où l’on n’avait jamais évoqué l’existence d’une dictature. L’agitation en Jordanie n’a pas de lien avec la Chine, mais avec l’autre adversaire des Américains dans le monde pétrolier : la Grande-Bretagne, leader mondial du marché pétrolier depuis presque 100 ans.

L’agitation en Jordanie doit éliminer le dernier prince proche des Britanniques pour en finir avec le Moyen-Orient dessiné par les Britanniques dans le sens de leurs intérêts pétroliers.

Cette agitation est même essentielle car elle va donner le pouvoir aux Frères Musulmans, une organisation inventée par les Britanniques, mais privée du pouvoir en raison de la baisse de l’influence coloniale de la Grande-Bretagne après la seconde guerre mondiale.

L’agitation en Jordanie est une offensive de charme en direction des Frères Musulmans : une tentative de Washington pour pénétrer cette organisation tentaculaire qui se pose en adversaire de ses pions islamistes.

On est clairement face à un projet de remodelage global du monde pétrolier pour donner la maîtrise du marché pétrolier mondial aux Américains. On a appelé ça la révolution de Jasmin pour atténuer l’odeur du pétrole. Au final, ce sera une tragédie pour les populations de ces régions.

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Similitudes entre les deux Ceintures Vertes | Il y a de nombreuses similitudes entre cette vague islamiste initiée en Tunisie et la révolution islamiste organisée par les Américains en Iran : une campagne médiatique contre le dirigeant tunisien, l’identité secrètement islamiste soi-disant « anti-impérialiste » de Moncef Mazrouki, l’opposant soutenu par les Américains, financement des « activistes musulmans » à tous les niveaux sociaux (jadis par le CIA et à présent par le NED) et enfin la neutralité soudaine de l’armée (qui ne saurait tarder en Egypte).

Comme la « révolution » de 1979 en Iran, les divers agents médiatiques de Washington donnent de la voix pour nous étourdir avec le parfum du jasmin. Parmi eux, les pro-israéliens ne manquent pas de rappeler la similitude avec le Shah qu’ils qualifient de « cruel », oubliant que cet homme a sauvé 38,000 juifs européens des chambres à gaz en leur faisant accorder des passeports iraniens et par la suite a été l’artisan des accords de camp David.

Cette amnésie serait due au fait que les spécialistes américains du Moyen-Orient laissent entendre que l’on pourrait donner la Jordanie islamisée aux Palestiniens en échange de la Cisjordanie qui leur avait été initialement promise par l’ONU. C’est une pure bêtise car les musulmans réunifiés par l’islamisme ne vont pas se contenter d’un échange qui comprend la renonciation à Jérusalem.

Agiter un pays musulman pour soulager Israël ne résoudra pas le conflit : elle va l’aggraver. Il est criminel de faire croire le contraire aux Israéliens et aux Juifs pour avoir leur concours. Mais Washington le fait car il n’a rien à faire des Juifs, il cherche uniquement à consolider ses liens avec les Islamistes, alliés utiles pour contrer la Chine en Asie centrale et obtenir les contrats jadis réservés aux Britanniques (Shell & BP).

Les Juifs qui aident Washington creusent leur propre tombe. Il ne leur suffit pas d’avoir eu en échange de leur premier coup de main en 1979 le Hamas et le Hezbollah (deux branches armées des Frères Musulmans), ils plébiscitent la création d’un front islamiste planétaire qui balayera leur cher Israël (ou du moins l’isolera dans des proportions très inattendues). Mais on ne peut guère faire entendre raison à des gens qui ne comprennent pas la suprématie des intérêts sur des liens soi-disant spirituels avec l’Amérique.

Dans ce contexte de bêtise généralisée, Michèle Alliot-Marie a soutenu le président Ben Ali car elle avait reconnu les méthodes fallacieuses de 1979 et le projet de mener au pouvoir des gens hostiles aux contrats gaziers ou pétroliers existants (dans le cas tunisien : les contrats des compagnies nationales Serept et Etap, ainsi que la compagnie Britannique Petrofac)… Mais la France s’est finalement alignée quand les islamistes choyés par Washington ont réussi grâce à la neutralité de l’armée, selon le modèle préconisé par Washington en 1979 ! La France veut sans doute préserver des miettes de ses avoirs en Afrique du Nord et surtout en Afrique sub-saharienne.

Mais la France n’aura rien et perdra tout car on ne répète pas l’histoire. En 1979, Washington a placé ses pions au pouvoir, mais ceux-là ont été renversés par les islamistes traditionnels soutenus par les Britanniques. Cette fois, conscient de ses lacunes en matière d’islamisme, un contexte maîtrisé par la diplomatie britannique, Washington a choisi un autre chemin. Pressé d’agir pour éviter la réémergence du modèle laïque qui aurait contré durablement ses intérêts, il a agité des pays où dominent des islamistes issus des Frères Musulmans liés aux Britanniques non pas pour placer ses pions, mais pour doter ces Etats de constitution islamiste et donner à ses pions islamistes l’opportunité de prendre le pouvoir dans un future proche par les urnes.

C’est donc une tragédie durable et sans issue pour les populations de ces régions ou pour la France, exclue des jeux par son caractère laïque. Elle peut néanmoins se faire admettre à la table des jeux en disant adieu à sa laïcité, auquel cas, elle devrait laisser les islamistes protégés par Washington et par Londres agir en toute liberté chez elle. On devra dire adieu à la paix sociale dans les banlieues. Les Maghrébins laïques se feront laminés ainsi que la communauté juive qui participe à la mise à mort de Ben Ali et la société laïque tunisienne. Elle se retrouvera en difficulté en Israël et en Europe ne sachant où se réfugier. On va vers des temps bien noirs comme le pétrole et non vers une orgie de liberté qui sent le jasmin.
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Article complémentaire : l’histoire du soutien américain et britannique aux Islamistes en Iran :
-  Iran : Les chiens de garde veillent !
- (25 DÉCEMBRE 2010)

Article complémentaire : l’histoire du soutien américain et britannique aux Islamistes en Iran :
- Iran-EU-GB : Un petit arrangement précaire entre ennemis
- (19 NOVMBRE 2010)

Article complémentaire : Pourquoi Washington conteste El Baradei :
- Iran : Le rapport Amano bouleverse les données
- (20 FÉVRIER 2010)

| Mots Clefs | Enjeux : Remodelage du Moyen-Orient et de l’Asie Centrale |
| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |

| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |
| Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert |

| Mots Clefs | Histoire : Révolution Islamique
(ou coup d’Etat pétrolier américano-britannique)
|

| Mots Clefs | Histoire : Mohammad-Reza Shah (le Chah) |

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[1Plan de sauvetage du régime : The Iran Democratic Transition Conference in George Washington University organized by The Institute of World Politics and The Confederation of Iranian Students.
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