Accueil > News > Iran : Un zeste de repli



Iran : Un zeste de repli
20.08.2010

Hier, le Guide suprême Ali Khamenei a parlé de la possibilité d’un dialogue si Washington levait ses sanctions [1]. Il a cependant précisé que ce dialogue ne pourrait pas porter sur l’enrichissement nucléaire ! [2] Il a également menacé les Occidentaux de frappes (terroristes) en cas d’attaque américaine, mais sans citer des cibles sensibles [3]. Ce message très complexe a perturbé les Occidentaux qui veulent une entente et non la guerre : ils ont censuré les menaces et diffusé le reste sans aucun commentaire pour éviter tout conflit. Ils supposaient sans doute qu’en répétant leurs demandes permanentes comme la levée des sanctions, le régime était dans une intransigeance immobile. Or, il n’en est rien car dans une autre déclaration également censurée, il y a une semaine, Téhéran rejetait tout dialogue avec les Etats-Unis. De fait, malgré les apparences et les menaces, Téhéran n’est pas dans l’immobilisme, mais dans une phase de repli. | Décodages |



Selon la doctrine Brzezinski écrite dans les années 70, Washington doit instrumentaliser les musulmans pour déstabiliser la Chine et la Russie. Cela a donné lieu aux financements des talibans et au soutien à la révolution menée par des islamistes iraniens déjà financés par Washington dès les années 60 (après la création de l’OPEP). Cela devait donner lieu à des balkanisations au Moyen-Orient et en Asie Centrale... Ce projet a dérapé car les islamistes pro-américains qui n’avaient pas de bases populaires ont dû s’allier avec les mollahs qui les ont chassés du pouvoir. Depuis, Washington mène une guerre d’usure économique contre les mollahs pour les forcer à partager le pouvoir avec ses islamistes initialement prévus pour occuper les fonctions. Le principe est de mener les mollahs au bord d’un effondrement sans pour autant les déstabiliser car alors le peuple se soulèverait en versant le sang des mollahs, ce qui serait la preuve d’un rejet populaire du modèle islamique souhaité par Washington. Cette méthode d’affaiblissement sur mesure n’est pas infaillible car l’été 2009, le peuple s’est soulevé. Mais, Washington a neutralisé le soulèvement en ne lui accordant aucun soutien.

Conscient de sa fragilité économique susceptible de le mettre face à un soulèvement imprévu, le régime devait combattre la guerre d’usure économique américaine. Il a choisi dès le départ une tactique très simple : des provocations pour engager très rapidement les Américains dans une escalade guerrière dissuasive pour les forcer à abandonner et des replis tactiques quand ces derniers menaçaient d’adopter des sanctions lourdes comme l’embargo sur l’essence, qui serait l’arrêt de mort du régime.

Cette stratégie d’amplification de la crise et de repli n’a pas donné de résultats car Washington a toujours esquivé les provocations de Téhéran pour éviter l’escalade et préserver sa guerre d’usure économique. En l’absence de résultat pour la stratégie iranienne, 7 ans de guerre d’usure économique américaine a épuisé les mollahs.

Le grand problème qui ne cesse de s’aggraver est le manque de devises pour approvisionner le marché intérieur. Pour pouvoir continuer à résister aux sanctions américaines, le régime a vidé les comptes bancaires des Bazaris, il a aussi réduit le pouvoir d’achat pour brider la consommation afin d’éviter des pénuries. Ces mesures d’urgence ont provoqué une rupture (désormais consommée) avec le Bazar et les miliciens, rupture qui fragilise encore plus le régime.

La seule solution qui lui reste est d’oublier l’amplification de la crise et opter pour un long repli : céder un peu sur certains points sans aller jusqu’à l’alignement souhaité par Washington afin d’obtenir un allègement des sanctions. Mais le moindre apaisement avec les Etats-Unis sera interprété comme la preuve d’une couardise par la rue arabe. Cette dernière ne tolérera également aucun dialogue sur le nucléaire car Téhéran lui a promis sa bombe nucléaire. Si Téhéran veut préserver une capacité d’agiter la région avec l’aide de ses habitants, il doit refuser tout dialogue ou repli significatif. On devrait même dire que s’il veut disposer d’un moyen de rétorsion contre les Américains, contrairement à ses intérêts, Téhéran doit vigoureusement refuser tout apaisement ou dialogue.

Il se retrouve ainsi pris entre deux feux : la nécessité d’un repli pour apaiser le conflit avec les Américains à un moment où ces derniers ne cessent de l’humilier afin de rassurer ses alliés intérieurs sur ses chances de survie pour les dissuader de le laisser tomber et dans le même temps, la nécessité d’éviter toute reculade pour rassurer ses alliés extérieurs de la rue arabe pour qu’ils restent à ses côtés. Le résultat est le discours de Khamenei : un savant mélange de slogans pro-palestiniens, de piques anti-israéliennes, de menaces floues et d’intransigeance ancienne (pour plaire à la rue arabe) et dans le même temps, un zeste de repli par rapport à la semaine dernière (pour plaire à sa base). C’est un repli tactique pour acheter un petit répit avec les siens, alors que par le passé, le régime se repliait pour calmer les Américains. L’ennemi sanctionneur n’est plus seulement à l’extérieur !


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Pour en savoir + sur ce récent repli tactique :
- Iran : Téhéran se prépare à une longue nuit américaine
- (17 AOÛT 2010)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Institutions : Provocations |
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

| Mots Clefs | Mollahs & co. Militaire : Khamenei |

| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |
| Mots Clefs | Institutions : Sauver la Palestine |

[1Déclarations de Khamenei : la levée des sanctions | source : IRNA |
« D’un côté, ils nous menacent et nous imposent des sanctions et de l’autre côté, ils nous veulent à la table des négociations. Nous ne considérons pas ça comme une négociation. L’expérience a montré que lorsqu’ils ne peuvent pas répondre de façon logique, ils intimident : nous ne changerons pas d’avis sous la pression et nous répondrons à ces pressions à notre façon. La raison en est que les Etats-Unis n’interviennent pas comme un négociateur normal. Ils devraient cesser de jouer aux superpuissances, ils devraient arrêter les menaces, ils devraient annuler les sanctions et ils ne devraient pas fixer un but pour la négociation. Alors nous serons prêts »

[2Déclarations de Khamenei : pas de dialogue sur le nucléaire | source : IRNA |
« … ils (les Américains) ne devraient pas fixer un but pour la négociation… C’est le droit naturel et légitime de la nation iranienne d’avoir accès à l’ensemble du cycle de fabrication du combustible nucléaire. Nous ne renoncerons jamais à ce droit légitime. Si Dieu le veut, avec la construction de nouvelles centrales nucléaires, et avec la fabrication endogène du combustible nucléaire nécessaire pour ces centrales, nous poursuivrons notre droit naturel et légitime. »

[3Déclarations de Khamenei : menaces floues | source : IRNA |
« Le monde entier doit être conscient que si les Etats-Unis mettent leurs menaces à exécution, la riposte de la nation iranienne ne limitera pas seulement à notre région mais se fera à une échelle beaucoup plus vaste. »