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Iran : La semaine en images n°124 04.07.2010 Cette semaine, Téhéran a sans cesse multiplié les provocations afin d’engager les Américains dans une escalade afin que par la peur d’une guerre suivie d’une fermeture du détroit pétrolier d’Ormuz les grandes puissances cessent leur pression à son encontre. Cela devait commencer lundi par Ahmadinejad pour finir en apothéose jeudi par des déclarations d’Ali Larijani, le probable nouveau directeur du Conseil de Discernement, donc nouveau patron politique du régime. Il avait d’ailleurs été présent tout au long de la semaine dans les évènements marquants du régime. Mais ce projet a échoué car les Occidentaux ont censuré les étapes préliminaires, privant ainsi Ali Larijani d’une entrée fracassante sur la scène internationale. Les Occidentaux ont toujours plusieurs trains de retard quand il s’agit de savoir ce que veut le régime des mollahs. Ce retard est dû à la qualité de leur lecture sur l’Iran : ils n’écoutent que les experts qui produisent des textes conçus pour s’accommoder des mollahs. Ces textes parlent sans cesse des conservateurs et des modérés alors que les ministres et les gouvernements n’ont aucun pouvoir selon la constitution du régime et que le pouvoir est entre les mains des membres à vie du Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime (CDIR), organe plénipotentiaire qui décide de l’ensemble des politiques du régime dans tous les domaines. Cet organe a été créé par Rafsandjani, le demi-frère de Khomeiny, afin qu’après la mort de ce protecteur, il ne soit pas chassé de ses innombrables fonctions de premier plan par les grandes familles religieuses du clergé qui avaient été éloignées du pouvoir par Khomeiny. Pour éloigner ces prétendants au trône, Rafsandjani a contrefait le testament de Khomeiny pour faire nommer son ami Khamenei et le nouveau guide a réformé les institutions pour donner tous ses pouvoirs exécutifs extraordinaires au Conseil de Discernement ou plus exactement à Rafsandjani qui en était le président à vie. Le coup a réussi car Rafsandjani a passé des alliances avec des amis comme Mir Hossein Moussavi (alors 1er ministre), mais aussi des adversaires comme l’Ayatollah Sanéï (un très proche de Montazeri qui a été évincé) ou encore l’ayatollah Kani, le présumé chef de la loge maçonnique du clergé (liée aux Britanniques). Ainsi, Rafsandjani est devenu le patron du régime, mais aussi le patron de ses adversaires. Il est par la suite devenu président de la république. A ce poste, il a tissé un réseau plus important pour mieux dominer ses adversaires au sein du Conseil et hors Conseil. Rafsandjani, le mentor involontaire de Larijani | Il a sans nul doute un don pour gérer ses adversaires. Il l’a démontré encore en 1996 quand il a été mis en cause par un tribunal allemand et que par sa faute, le régime a été sanctionné. Il avait alors cédé la présidence à son souriant pion Khatami pour améliorer l’image internationale du régime avant d’ouvrir les portes du Conseil de Discernement à ceux qui contestaient sa gestion. Le nombre des membres est passé de 10 à 25 ! Parmi les nouveaux, il y avait de nombreux mollahs-businessmen comme Vaez-Tabassi, mais aussi d’anciens responsables qui grâce à leurs fonctions avaient développé des réseaux politiques et avaient l’équipe pour pouvoir le remplacer. Ali Larijani, membre des Pasdaran, responsable de la propagande de cette milice, proche de 3 grandes familles du clergé et ex-patron de la radio et Télévision du régime et du Hezbollah a été l’un de ces concurrents potentiels. Pour rééquilibrer la composition, il avait aussi fait entrer des proches comme son propre frère ou encore Hassan Rowhani qui a par la suite assumé la direction des négociations nucléaires avec les Européens. Rafsandjani a partagé son pouvoir et étendu son réseau pour rester le patron du régime et de ses adversaires. Ce choix a été génial . Mais avec l’avènement de la crise nucléaire en 2003 et l’incapacité évidente de son équipe à faire capituler les Américains, le choix s’est avéré à posteriori mauvais car désormais les adversaires de sa gestion étaient à l’intérieur de son système. Ils pouvaient faire valoir d’autres approches qui auraient conduit à sa destitution si elles réussissaient. Rafsandjani a réagi à la menace par la manipulation mais il s’est perdu dans des plans de plus en plus compliqués : on lui reprochait que son homme, Rowhani, avait accepté un apaisement susceptible de priver le régime du soutien de la rue arabe : il a sorti de sa manche Ahmadinejad qui a contesté l’accord et a multiplié les slogans anti-israéliens. Au même moment, son adversaire interne Larijani, qui avait exigé la place de Rowhani pour surveiller les négociations, avait réussi à bloquer le dialogue sans pour autant passer pour un zinzin. Son style a joué en sa faveur puisqu’il a été envisagé par ses pairs pour remplacer Ahmadinejad. Il a d’ailleurs annoncé sa candidature sous l’étiquette d’ultra-conservateur pragmatique. un premier échec | Larijani allait devenir président du régime tout en étant membre du Conseil comme Rafsandjani avant 1996. Ce dernier a alors surpris Larijani en train de placer son homme de confiance Ali Kordan au ministère de l’intérieur. L’Iran a également été secoué par les révélations d’un milicien des Pasdaran qui a publié la liste des contrats obtenus par les vieux membres corrompus du Conseil. Rafsandjani a cru voir la mise en place d’un coup pour permettre à Larijani de faire le ménage dans le Conseil afin de prendre sa direction. Rafsandjani a discrédité Kordan qui a été démis de ses fonctions. Il a aussi rendu visite aux vieux du Conseil comme Vaez. A la suite de ce voyage en septembre 2008, Larijani a renoncé à sa candidature à la présidence. Il a alors envisagé de garder Ahmadinejad ou promouvoir Rowhani qui connaissait aussi le dossier nucléaire et avait l’image d’un conservateur calme, parfait pour contrebalancer McCain. Mais le vainqueur a été Obama qui proposait le dialogue, la réconciliation voire l’entente, toutes les choses que Téhéran doit éviter pour rester dans les bonnes grâces de la rue arabe. L’équipe Rafsandjani a alors eu l’idée du Mouvement Vert : une révolution de couleur en faveur de Moussavi, membre fondateur du Conseil, qui se présentait comme un conservateur modéré favorable à un retour aux valeurs fondamentales de la révolution islamique (le refus pur et simple de tout compris avec les Etats-Unis). L’idée était de faire admettre le refus de dialogue comme un choix du peuple, mais aussi de délégitimer le président élu, Ahmadinejad, pour bloquer toute négociation ou mieux encore pour laisser à ce dernier une marge pour reculer avant de tout remettre en cause par la rue officiellement pro-Moussavi et donc pro Khomeiny. Le Mouvement Vert a échoué car le peuple qui devait y participer l’a boycotté et les Etats-Unis qui devaient le cautionner ont créé une direction parallèle basée chez eux pour introduire leurs pions dans le régime des mollahs. Grâce aux médias américains et leurs partenaires européens, ce clone est devenu si puissant qu’en juin 2010, les représentants du Mouvement Vert pro-Moussavi ont dû adhérer au groupe américain. L’avenir du régime est passé entre les mains de Washington, ce qui n’était pas prévu au programme. Cela a affaibli Rafsandjani comme chef. On ne l’a alors plus entendu et dernièrement, après un nouvel échec du régime à mobiliser les Iraniens sous la bannière verte, Rafsandjani a disparu des médias alors qu’il était toujours omniprésent et très bavard. Larijani a pris sa place : on ne voit que lui. La semaine en images n°124 : Larijani, le mondain | Cela a commencé peu après le fiasco dans la direction du Mouvement Vert. Larijani a été le premier à intervenir pour condamner la résolution 1929 adoptée le 9 juin en demandant au gouvernement de rester ferme sur ses positions et aussi en appelant les Pasdaran à fouiller tout navire transitant par le golfe Persique si quelqu’un s’avisait à fouiller les navires iraniens et à se montrer agressif si l’adversaire employait la force. Cet homme qui rasait les murs depuis l’affaire Kordan, roule les mécaniques à présent sous le regard complice des caméras du régime. C’est le chouchou, on le suit, on le salue, il sourit en toute circonstance alors qu’il n’est vraiment pas d’un naturel rieur. Le régime veut en faire un bon patron proche des siens, mais très compétent. Ici, pendant la dernière réunion du Conseil de Discernement à droite de Rafsandjani.
les rendez-vous ratés | Alors que Larijani était à Damas, Ahmadinejad devait provoquer une grande crise internationale en promettant une punition aux Occidentaux. Larijani aurait alors pris le relais pour aller au-delà dans la menace en rappelant son slogan de fouilles réciproques pour devenir personnellement célèbre. Ahmadinejad a livré le message, mais les occidentaux ont zappé son discours. Téhéran a organisé un rattrapage le lendemain avec Mottaki au siège de l’IRNA qui a été présenté comme une grande conférence de presse. Ces nouveaux propos hostiles ont été aussi zappés. Les médias ont même prétendu que Mottaki était venu pour renouer le dialogue. Dans ces conditions, Larijani a été privé de son effet.
Les préoccupations des Iraniens sont bien différentes : la situation économique va mal, de plus en plus de propriétaires ne louent plus de logements car l’emploi est plus précaire que jamais, les gens vivent dans les parcs ou s’entassent dans des sous-sols ou des hangars et pour compléter le tableau, alors que les températures vacillent entre 30 et 47°, il y a des pannes électriques permanentes. C’est Kahrizak tous les jours. Mais avec une différence : pratiquement tout le monde a une antenne parabolique comme le montrent ces photos cette semaine à Téhéran. Tout le monde veut la fin de ce régime. Ils ne marcheront pas avec Moussavi. © WWW.IRAN-RESIST.ORG
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En fait, à moins que le régime ne mitraille les gens ou qu’il n’abandonne la partie, il n’a pas d’autres choix que Larijani. C’est pourquoi en fin de semaine, le régime s’est à nouveau focalisé sur ce sauveur suprême. Il a diffusé une interview que ce dernier a accordée dans l’avion qui le rapatriait. Larijani a dit ce qu’il aurait pu dire à Damas. Le sourire en moins.
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