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Iran : La punition qui revient comme un boomerang !
29.06.2010

Les médias occidentaux affirment qu’Ahmadinejad a annoncé que pour punir l’Occident, la république islamique d’Iran ne se remettrait pas à la table des négociations avec les Six avant la fin du mois d’août. Cela sous-entend qu’elle reprendra le dialogue fin août. Ce n’est pas ce qui a été dit hier lors d’une très longue intervention télévisée d’Ahmadinejad à propos de la dernière résolution onusienne des Six.



Il y a trois semaines, le régime des mollahs avait été surpris par l’adoption d’une nouvelle résolution. Bien que cette dernière ne compte pas de nouvelles sanctions économiques, elle a confirmé le maintien des précédentes sanctions et plus grave encore pour les mollahs, elle a cautionné les sanctions américaines. La résolution a en fait cautionné la guerre d’usure économique contre Téhéran.

En urgence, Téhéran a pris des positions très hostiles via des personnages secondaires en évoquant le retrait du TNP, l’augmentation du taux d’enrichissement ou encore le devoir de perturbation du trafic dans le détroit pétrolier d’Ormuz. Il s’agit d’agacer l’adversaire pour le pousser à réagir avec violence et ainsi provoquer une escalade guerrière forcément dissuasive.

Les Occidentaux ont censuré les menaces pour éviter de se retrouver engagés dans cette amplification délibérée de la crise qui est la seule réponse possible pour les mollahs d’échapper à la lente guerre d’usure économique. Pour contourner cette censure qui le prive de l’escalade dissuasive souhaitée, Téhéran a oublié les personnages médiatiquement secondaires pour mettre en avant Ahmadinejad, mais avec un discours plus modéré : ce dernier a affirmé que la république islamique avait toujours été très favorable au dialogue, mais qu’elle avait été choquée par l’adoption d’une résolution hostile à son égard pendant le dialogue. Cela était le signe évident d’un manque de courtoisie qui devait être puni avant la reprise du dialogue. Il avait alors dit qu’il annoncerait sous peu les conditions nécessaires pour une reprise du dialogue auquel l’Iran restait très attaché.

Ce discours qui parlait de dialogue mais allait dans le sens opposé a aussi été censuré : les agences de presse occidentales ont supprimé les parties désagréables pour éviter l’escalade et l’on pouvait lire dans les médias qu’Ahmadinejad se disait ouvert au dialogue à certaines conditions. Puis, quelques jours plus tard, le président Sarkozy lui avait alors proposé une reprise du dialogue à propos de l’échange de combustible. Hier, le régime a envoyé Ahmadinejad à la télévision pour répondre à Sarkozy ou tout autre candidat au dialogue par l’annonce des conditions pour la reprise du dialogue. Elles sont très riches en sous-entendus et donc du genre impossible, ce qui est synonyme d’une recherche d’excuses pour refuser le dialogue avec les Six.

La première condition est que les Six se prononcent sur l’arsenal atomique d’Israël. C’est une opération de charme en direction de la rue arabe qui regarde actuellement du côté de la Turquie. Par ailleurs, cela fait référence à la déclaration finale du dernier sommet de révision du TNP faisant de la dénucléarisation d’Israël et non du programme nucléaire iranien la première priorité du TNP. D’ailleurs en guise de seconde condition, Téhéran demande aux Six de dire si la base des négociations est le TNP ou pas. Téhéran a mis cette condition en seconde place pour prendre à défaut les Six par rapport à leur réponse évasive sur l’arsenal atomique d’Israël. La référence au TNP est aussi une manière de critiquer les arsenaux des 5 membres permanents du Conseil de sécurité qui vont à l’encontre des recommandations du traité en faveur du désarmement. Et enfin, Téhéran demande aux Six de préciser quel le but de ce dialogue : devenir son ami ou son ennemi. C’est une manière de demander l’annulation des sanctions jugées incompatibles avec le dialogue. Pour illustrer son propos, il a évoqué la proposition du président Sarkozy sur l’échange de combustible. Ahmadinejad a déclaré que la base de cette négociation était la déclaration de l’accord tripartite Iran-Turquie-Brésil. Puis, comme s’il avait soudain eu une idée, il a ajouté une quatrième condition aux exigences du régime : la participation au dialogue de la Turquie et du Brésil, Etats qui avaient voté contre la dernière résolution !

Nous n’avons rien lu sur ces conditions dans la presse occidentale [1]. Les propos ont été encore une fois censurés pour faire avorter la nouvelle tentative de provocation d’une crise. Téhéran qui s’attendait à ce genre de comportement a placé dans le discours le concept de la « punition par le retard », concept qui ne peut être déformé ou adouci !

Ses prévisions ont été presque justes car les « conditions » (logiquement génératrices de crise) ont sauté, il ne reste que la « punition par le retard » (qui est passagère), mais les dépêches ont été formulées d’une manière qui sous-entendent une reprise de dialogue en septembre ce qui est l’opposé de l’objectif de Téhéran. C’est une approche médiatique commune aux Européens, aux Russes, aux Chinois et aux Américains. Chacun y trouve son compte. Les Européens, les Russes et les Chinois qui ont beaucoup investi en Iran ont ainsi évité des sanctions plus fortes contraires à leurs intérêts et Washington qui a besoin des mollahs pour contrôler les chiites et la rue arabe a ainsi évité une escalade susceptible de le mettre en position de devoir renverser ce futur allié vital pour son avenir.

Cette esquive généralisée n’arrange pas les affaires du régime des mollahs. Au final, il n’y a pas de crise et Téhéran a rallongé de lui-même la durée de la guerre d’usure qui l’épuise. C’est une double punition car celui qui croyait punir pour humilier est puni et humilié. La France, qui a été énervée par la réponse de Téhéran, a alourdi l’addition en choisissant ce moment pour rendre publique la décision de Total de ne plus vendre d’essence aux mollahs. C’est une nouvelle humiliation pour les mollahs qui se veulent les patrons de la région. Ils réagiront. Affaire à suivre…


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article complémentaire :
- Iran : Une escalade toujours niée par les Six
- (30 NOVEMBRE 2009)

article complémentaire :
-  Iran : Vers un enrichissement des annonces nucléaires
- (13 février 2010)

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Institutions : Provocations |
| Mots Clefs | Nucléaire : Crise & Escalade |

| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |
| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : France (diplomatie française) |

[1Après la publication de cet article, le site LES ECHOS a recopié notre texte dans une version allégée. On entend donc parler "des conditions", mais sur un ton non dramatisé.