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Iran : Les effets du voyage de John Kerry à Téhéran
25.12.2009

Le sénateur démocrate John Kerry a proposé de faire une visite officielle à Téhéran, a rapporté jeudi The Wall Street Journal. La Maison-Blanche a indiqué qu’elle ne s’y opposerait pas, mais n’a pas encore tranché si elle faisait du sénateur son représentant officiel si celui-ci devait partir. | Décodages de cet usage immodéré du conditionnel |



Comme l’a rappelé Obama tout au long de cette année 2009, les Etats-Unis veulent parvenir à une entente basée sur des intérêts mutuels avec les mollahs. L’enjeu de cette entente est énorme : la maîtrise de l’Asie Centrale, une région pétrolière prometteuse qui compte pour beaucoup dans l’économie chinoise, mais encore la maîtrise des milices islamistes des mollahs comme les Pasdaran, le Hamas et le Hezbollah pour agiter sur commande les très riches régions musulmanes de la Chine.

En dehors de l’incongruité idéologique du projet qui propose de remplacer la Chine comme l’ennemi suprême des musulmans à la place d’Israël, cette entente a toujours été retardée car elle passe par une normalisation des relations irano-américaine jugée comme un cheval de Troie américain pour permettre aux politiciens iraniens proches des Etats-Unis de se présenter aux élections en Iran et ainsi prendre le pouvoir de l’intérieur. C’est pourquoi Téhéran a posé des conditions comme le droit de préserver les armes du Hezbollah braquées sur Israël.

Pendant des années, Washington a essayé de casser cette résistance et cette exigence incompatible avec son projet en sanctionnant les mollahs. L’idée était de leur faire faire le 1ier pas en avant (vers la table des négociations), signe d’un renoncement à leurs exigences. Mais parce que Washington avait peur de les renverser, il a toujours évité d’adopter les sanctions fatales (comme l’embargo sur l’essence) qu’il leur promettait. C’est pourquoi les mollahs n’ont pas fait le premier pas en direction de Washington et le premier pas est devenu en soi un enjeu car il supposait des renoncements. Téhéran l’a même ajouté à son carnet des exigences qui comprend aussi la levée de toutes les sanctions en préalable à toute négociation.

Cette hausse des exigences de Téhéran et l’impossibilité des sanctions fatales bloquent le processus, ce qui retarde dangereusement l’entente notamment parce que la Chine renforce sa position en Asie Centrale. C’est ce qui nous vaut aujourd’hui ce projet du voyage d’un officiel américain en Iran qui est un simili 1er pas en direction des mollahs, pour les forcer à en faire un autre de leur côté.

Mais on peut d’ores et déjà parler d’un échec car en fait nous n’assistons pas aux prémices d’une nouvelle approche prometteuse, mais à la seconde phase d’un nouveau processus engagé secrètement par Washington qui a raté son envol hier.

En effet, hier, 2 hauts responsables du régime ont démenti « les rumeurs diffusées par la presse iranienne à propos de la présence de Kerry en Iran depuis quelques jours », en précisant que de toute façon, « l’Iran n’accepterait pas de parler aux Etats-Unis parce que ses seuls interlocuteurs sont les Six ». Or personne n’avait jamais entendu parler de ces rumeurs médiatiques sur la présence secrète de Kerry en Iran. En fait, les mollahs cherchaient à saborder la proposition secrète d’un voyage historique qui est une initiative de dernière chance à usage unique pour la couler définitivement.

Ceci explique l’attitude évasive de l’administration Obama  : elle s’est désistée en évoquant une initiative privée de Kerry pour se mettre à l’abri de la réponse définitivement négative de Téhéran. L’usage abusif du conditionnel permet aussi de pouvoir garder en réserve cette initiative très ingénieuse, mais à usage unique pour une tentative officielle de dernière chance.

L’administration Obama en charge de conclure cette impossible entente pour les compagnies pétrolières américaines a dû cependant ressentir une énorme déception face au coup bas des mollahs car dès hier soir, on a, à nouveau, entendu parler de l’adoption prochaine de la loi de l’embargo sur l’essence, mais cette fois via le Sénat américain [1], dernière étape intermédiaire avant l’entrée en vigueur de cette sanction.

En annonçant cette future adoption au Sénat au lieu de passer à l’action, Washington reste encore dans l’optique de conclure cette impossible entente utile avec les mollahs. Mais il y a une légère évolution (un espoir pour les opposants -un miracle de Noël-) car Téhéran a montré clairement qu’il ne voulait d’aucune entente. L’Amérique est désormais contrainte de chercher une autre voie que le maintien de ce régime pour assurer ses intérêts, car avec les mollahs, elle n’en aura aucun.


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Pour en savoir + :
- Iran : Obama va atteindre le seuil de l’absurdité
- (22 SEPTEMBRE 2009)

Le choix de l’homme :
- Iran : à propos du rapport Kerry
- (8 MAI 2009)

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions unilatérales (en cours d’application ou à venir) |

| Mots Clefs | Décideurs : Les Démocrates US |

[1Le chef démocrate du Sénat américain, Harry Reid, s’est engagé le jeudi 24 décembre à faire adopter un projet de loi permettant au président des Etats-Unis de sanctionner les entreprises exportant de l’essence vers l’Iran. « Je veux que tout le monde sache que je m’engage à soumettre au vote du Sénat ce projet de loi au moment de notre retour (NDLR des congés parlementaires de fin d’année) en janvier », a dit M. Reid.

Le texte vise implicitement les principaux fournisseurs étrangers de pétrole raffiné dont les Suisses Vitol et Glencore, le Néerlando-suisse Trafigura, le Français Total, le Britannique British Petroleum, ainsi que l’Indien Reliance. L’Iran est un grand producteur de pétrole, mais
doit importer 40% de son essence et autres produits raffinés.

Pour en savoir + sur ces fournisseurs :
- Iran-Sanctions : un avertissement peut en cacher un autre !
- (24 AVRIL 2009)

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions unilatérales (en cours d’application ou à venir) |