Iran : La semaine en images n°96 20.12.2009 On n’en a guère parlé dans les médias occidentaux, mais la semaine qui s’est écoulée en Iran a été tout entièrement placée sous le signe d’indignations de tous les courants politiques iraniens en réaction à l’annonce que l’on avait déchiré la photo de Khomeiny pendant une manifestation du Mouvement Vert. Une semaine d’hommages en images. Khomeiny et le Mouvement Vert (à relire et à diffuser) | Il y a une semaine, le régime a reproché aux partisans du Mouvement Vert d’avoir brûlé ou déchiré la photo de Khomeiny pendant leur manifestation du 7 décembre à Téhéran. Ce Mouvement qui avait sans cesse répété le slogan « mort au dictateur » avait alors surpris tout le monde en dénonçant un coup monté avant d’affirmer, au grand désarroi de ses fans étrangers, son attachement à Khomeiny, comme l’exemple même du modèle démocratique. Ces propos ne nous ont pas surpris car le Mouvement Vert n’avait jamais parlé contre Khomeiny et le régime qu’il a fondé. Ce sont les Occidentaux qui l’ont supposé en entendant les slogans ou discours verts fustigeant l’actuel Guide, Khamenei. Or, ce Khamenei a cédé en 1989 via une révision constitutionnelle ses pleins pouvoirs politiques hérités de Khomeiny à un organisme appelé le Conseil de Discernement, créé un an plutôt par Rafsandjani (le demi-frère de Khomeiny). En fait, Rafsandjani a contrefait le testament de Khomeiny pour faire nommer son ami, Khamenei qui lui a cédé ses pouvoirs. Depuis cette date, le Guide (exclu du Conseil) n’a qu’un pouvoir spirituel, c’est ce conseil formé de 22 membres à vie qui décide de l’ensemble des orientations politiques iraniennes qui, après l’accord du Guide sur leur conformité islamique, sont confiées aux différents gouvernements pour être appliquées. Le président et ses ministres (exclus du Conseil) sont de simples exécutants. Comme ces derniers, le Parlement est là pour donner une couleur républicaine à ce régime que l’on peut qualifier de dictature tribale. En fait, en fustigeant l’actuel Guide ou encore le président Ahmadinejad et ses ministres qui sont dépourvus de tout pouvoir, mais en épargnant les vrais dirigeants du régime, le Mouvement Vert a délibérément dupé les Occidentaux pour jouer le rôle séduisant d’un mouvement anti-fasciste. Le but de cette tromperie menée tambour battant a été dès le départ de pousser les Etats étrangers à considérer les chefs de ce mouvement trompeur comme les porte-parole du peuple iranien, un projet qui devient plus clair quand on sait que Moussavi et Karroubi appartiennent au Conseil de Discernement. Le régime voulait transformer ces vrais dirigeants occultes en opposants afin de donner une couleur démocratique à l’ensemble de ses choix dont le refus de tout compromis sur le nucléaire qui figure en bonne place dans les revendications du Mouvement Vert. Cet ambitieux projet presque acquis du côté des Occidentaux qui ignoraient ces détails avait un seul défaut. Il était clair qu’il serait impossible de mobiliser les Iraniens sur les noms de Moussavi, ex-1ier ministre de Khomeiny et fondateur des associations islamiques, ancêtres de la milice Bassidj et de sa cousine la milice universitaire BCU, ou encore Karroubi, qui fut le 1er président de la fondation chargée de financer les opérations kamikazes islamistes (comme l’attentat de La Mecque ou le projet de l’assassinat de Rushdie). C’est pour cela que le régime a inventé le Mouvement Vert (composé de jeunes anonymes) en chargeant ses très nombreux lobbyistes qui officient à l’étranger comme des opposants ou journalistes anti-régime à en dire le plus grand bien. Il espérait déplacer la foule les 13 ou 14 juin avec la nouvelle des manifestations soi-disant réprimées de ce Mouvement Vert. Cela n’a pas marché, le régime a compris qu’il fallait frôler les limites en adoptant des slogans presque anti-régime. C’est ce qu’il a fait le 15 juin dernier. Le peuple est descendu dans la rue avec l’espoir de virer les mollahs : il avait scandé des slogans hostiles au régime et avant la fin de la journée, le régime tirait, provoquant un vrai soulèvement populaire qui a duré 10 jours pendant lesquels, Moussavi a appelé à « réprimer ces contre-révolutionnaires ». Le régime a réprimé et depuis il a sans cesse essayé de mobiliser les Iraniens sous la bannière verte en revoyant les slogans du Mouvement Vert. Sa dernière tentative a été ce 7 décembre où il a encore échoué, ne dépassant pas le quota de 3000 membres de la milice universitaire BCU à Téhéran et 300 dans le reste du pays. Khomeiny, l’invité surprise de la semaine chez les Verts | Pris à gorge par les Américains qui le pressent d’accepter leur main tendue d’amitié contraire à son image du défenseur de la rue arabe « ennemi officiel des Etats-Unis et d’Israël », le régime a alors tenté un joker avec la rumeur que l’on avait déchiré la photo de Khomeiny. Afin que l’on y croie, l’info avait été relayée sans cesse pendant 36 heures à la radio iranienne, mais elle n’a pas convaincu les Iraniens. Si les Iraniens avaient bougé, le Mouvement Vert du régime aurait été consacré porte-parole du peuple iranien. Mais il n’y a rien eu de tel et Téhéran s’est retrouvé avec un acte qui classait le Mouvement Vert dans le registre des partisans d’un changement de régime, ce qui avec la publicité internationale donnée à ce Mouvement allait jouer en sa défaveur. C’est pourquoi, le régime a fait demi-tour et pour que le message soit bien enregistré, on a eu droit à une manifestation des étudiants du Mouvement Vert en faveur de Khomeiny portant sa photo et chantant son nom et ses louanges devant les caméras stupéfaites de l’AFP.
Mauvais timing | Alors que les médias occidentaux nous rebattaient les oreilles cette immonde campagne très blessante pour les Iraniens et surtout pour les Iraniennes, sur le plan intérieur, le régime est resté dans le registre de l’hommage à Khomeiny car la photo déchirée a eu quelques répercussions dans la rue arabe, grand fan du fondateur du Hezbollah conçu pour effacer Israël de la terre. Téhéran avait mal joué car son plan avec la rumeur de la photo déchirée est tombé en plus en pleins préparatifs pour le 22ième anniversaire de la fondation du Hamas et peu avant le début du mois de deuils chiites (Moharram), chers à ses amis du Hezbollah. Il s’est donc vu obligé d’aligner ses troupes pour affirmer leur soutien à Khomeiny en annonçant des grandes manifestations de masses. Ce fut alors le début d’une semaine de cauchemars car personne n’aime Khomeiny en Iran. Le chef du Hamas a accouru à Téhéran inquiet ! Le régime a dû au pied levé organiser ce jour-là des manifestations corporatistes en hommage à Khomeiny avec encore une fois des étudiants dans le campus de l’université de Téhéran, mais cette fois sans l’AFP.
En fait, le régime a décidé de regrouper toutes les personnes disponibles sous les couleurs plus rassurantes d’une marche officielle programmée pour le vendredi. Un choix compréhensible car il n’a pu trouver que 3000 personnes à Téhéran, ce qui l’a encouragé à éviter les photos aériennes ou alors en évitant de montrer la profondeur du rassemblement. Le régime a compensé le manque avec une affichette (de Khomeiny) par manifestant. Ce vendredi à Téhéran, il y avait de ce fait autant de Khomeiny que manifestants (voire plus en comptant les grandes affiches).
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